Regarde-nous !

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Assis au milieu de la salle en tailleur, il attendait.

Un son, une action, une image.

Il attendait.

Il ne savait plus rien depuis son réveil. Ni l'heure, ni la date. Ni le jour, ni la nuit. Combien de temps avait-il dormi, observé par le docteur Frédéric et sa collègue ? Depuis combien de temps était-il retenu prisonnier de sa folie dans cet asile ? Il n'en savait rien. Donc, il attendait. Encore. Toujours.

Il attendait.

Au bout de quelques minutes, qui lui paraissaient être les plus longues heures de sa vie, il ferma les yeux, comme pour s'évader dans ses songes, oublier cet endroit monotone et hypnotique. La seule image qui lui vint à l'esprit fut celle d'un soleil.

Un soleil ardent, aussi brillant qu'un somptueux diamant. Cet astre artificiel, simple fruit de son imagination, lui ouvrit toutefois une porte qu'il croyait scellée à jamais.

L'espoir.

Cet espoir qui écorche un sourire.

Cet espoir qui réchauffe un cœur mordu par le froid du découragement.

Cet espoir embrasé qui réveille la volonté.

Cet espoir dévastateur, animant une colère intérieure.

Cet espoir : Salut Les Geeks.

Il ouvrit les yeux, un bleu profond bordant ses pupilles menaçantes. Mathieu se leva, geste qui attira un à un les médecins, leur calepin en main, prêts à noter quelconque signe de guérison de leur patient. Celui-ci s'approcha du mur, oscillant sur ses faibles jambes, et dans une intention que les hommes derrière la vitre teintée trouvèrent dénuée de sens, se claqua la tête dans ladite paroi. Sous les yeux épouvantés des psychiatres, le garçon laissa glisser entre ses doigts le liquide poisseux et chaud du sang coulant à flots le long de son front. Ainsi, ils restèrent dubitatifs devant le spectacle sordide du petit schizophrène.

Il dessinait. Avec son sang.

L'un des hommes voulait intervenir et s'apprêta à stopper l'irréparable quand, au même moment, le docteur Frédéric l'arrêta dans sa démarche.

- Laissez-le.

- Mais il risque de...

- Il fonce droit dans le mur, laissez-le s'aventurer dans son échec. Dit-il d'un calme cynique.

De son côté, Mathieu décorait le mur de traits sanguins, créant ainsi un tableau morbide de créativité. Les mouvements du bout de ses phalanges furent suivis avec attention par l'équipe médicale qui mêlait la peur à l'incompréhension la plus totale. Le jeune Youtuber baladait aisément ses doigts contre la surface lisse et glaciale du mur qu'il réchauffait avec son sang, évadant dans ses gestes, toute l'amertume qu'il voulait cracher à la figure de ses bourreaux.

Il semblait reproduire quatre bonhommes aux visages semblables. L'un avec une casquette, un autre avec une cigarette à la bouche. Quatre silhouettes aussi similaires que différentes. En voyant les dessins de Mathieu, le docteur Frédéric changea son fusil d'épaule en notant l'évolution néfaste de la maladie du jeune homme : « Il n'est toujours pas guéri ma parole... » Songea-t-il, curieux de savoir combien de temps ce gamin allait résister aux traitements. Accompagné de ses collègues, ils regardèrent effarés les actes fous de leur patient qui n'en finissait pas. Jusqu'au détail, il dessina ses personnalités de son sang, inconscient des risques que pouvaient engendrer cette perte colossale de ce liquide vital. Au fur et à mesure, son geste se fit moins précis, les traits perdant leur légèreté, fignolant une touche par-ci, par-là, les mains tremblantes et le teint pâle. Mathieu abaissa alors son bras qui retomba mollement le long de son corps. Il recula de quelques pas afin d'admirer son œuvre finale. Alors il découvrit le plus beau mur qui lui était donné de voir de toute sa vie. Ses amis avec lui, lui souriant de leurs belles dents rouges sang. Leur mine apaisante et pourtant... Si vide d'émotions, si peu réelle. Un simple dessin ornait la plaque grise de la chambre. Aucune chaleur, aucun son ne ressortait de ce schéma horrifique. Le Youtuber scruta un à un leur visage, dont les contours bavaient sur les côtés. Il mit sa main contre le mur, manquant de s'écrouler, le corps tremblant, il releva la tête puis souffla :

SLG 86 - Direction l'asileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant