Ne pas oublier.

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Une angoisse. La boule au ventre. Cette peur qui se mêlait à ce sentiment de solitude. Cet aspect de coquille vide sous la destruction totale de soi-même. Un vent glacé qui faisait trembler son cœur dont la plaie ne cessait de se rouvrir.

Il avait l'impression de flotter dans un néant complet, impuissant face à ce qu'on voulait lui faire croire. Mais soudain, dans son songe cauchemardesque, il entendit une porte claquer. Puis il entendit comme les roues d'un véhicule dérapant sur une route familière. Une portière claqua une nouvelle fois, son corps sembla baller dans le vide. Il crut des phrases rendues indescriptibles par la dose colossale de sédatif qui bloquait péniblement ses sens. Puis soudain, au bout de quelques minutes, plus rien. Une brise, ou un murmure. Mais jamais quelque chose de concret. Juste... Une forte lumière.

Une trop forte lumière.

Les parcelles de ses souvenirs se dispersèrent dans une atmosphère floue et écrasante.

Son esprit embrumé parvint seulement à refléter le visage de ses amis qui l'appelaient dans son sommeil. Mais était-ce vraiment un rêve ? Est-ce qu'ils...Existaient vraiment ?

Une illusion...

Il se força à répéter ces mots, perdu dans les limbes de l'inconscience.

Une illusion...

- Aaah... Putain...

Sa migraine le réveilla. Cet éclat aveuglant émanant d'un néon l'obligea à refermer ses yeux, encore faibles à une si forte intensité et pour cause, leur long séjour dans cette grotte noire et déserte qu'était son esprit dénué d'âme. Il osa rouvrir les paupières, essayant néanmoins de se repérer dans cet espace blême. Alors qu'il tentait en vain de se redresser, il tituba pour retomber mollement sur un matelas, sa douleur le rappelant à l'ordre.

- Bordel... Où est-ce que je suis... Balbutia-t-il, se demandant encore pourquoi la présence d'un néon dans son appartement.

Sa question eut aussitôt sa réponse. Il se remémora difficilement les évènements qui précédaient son réveil. Puis il apprit avec effroi qu'en effet, il n'était plus dans son appartement. Le jeune homme ne douta pas qu'on l'ait endormi, mais qui... Puis il fouilla dans les tréfonds de sa mémoire quand l'image du docteur Frédéric lui revint en tête. Et ainsi, il put aligner toutes ses hypothèses dans le bon ordre. Et il aurait pourtant aimé se tromper.

Il était enfermé dans cette cellule, cette prison.

Dans ledit asile.

La panique monta en lui aussi vite que son café qu'il buvait d'une traite chaque matin.

Le visage de ses personnalités dont il avait d'ailleurs oublié le nom. Non, impossible. Il pouvait tout imaginer sauf cela. Finir dans une chambre d'hôpital pour le restant de ses jours, sans jamais revoir le soleil, sans plus jamais pouvoir siroter une bonne bière avec Antoine dans leur bistrot habituel.

Là, Mathieu pouvait le dire sans hésiter. Il était au bout de sa vie.

Sa tête tournait affreusement, assommé par les divers produits qu'on avait dû lui injecté avant son réveil. Il voulait se redresser mais savait que son corps était trop faible pour le moment. Il se contenta de fermes les yeux, respira profondément, puis le sommeil le rattrapa vite. Mais il lutta pour ne pas s'endormir, pour garder les idées fixes, ne pas se perdre dans le jeu de ses bourreaux.

« Ne pas oublier... »

Cette voix résonna comme un encouragement dans sa tête. Mais comme un appel, il ignorait d'où il venait. Une parole lointaine, aussi vague que l'horizon. Il fixa ses yeux sur le plafond terne de sa chambre d'hôpital. Ce banal plafond. Mathieu était allongé sur un matelas, dans une salle décorée d'un gris insignifiant. Les murs gris, le plafond gris, le sol, toujours tristement gris.

SLG 86 - Direction l'asileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant