Pure

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Un pub à la française, on appelle cela un café, un bar, une musette, mais pas un pub. Un pub, cela pouvait avoir du chien et du charme, un côté pittoresque bien anglais, mais ça ne valait pas un café chic, un peu snob, où la liberté vous était toute permise pour peu que vous en ayez le cran et l'aplomb.

Ce qu'il y avait de meilleur, encore, ici, demeuraient indubitablement le café ou la bière. Au choix. Ce jour-là, c'était bière.

Les verres se suivaient tels des mirlitons au garde-à-vous, se tenant prêts, s'enchaînant inlassablement, sans jamais paraître réussir à saouler la jeune femme. Un, deux, puis cinq, la descente arborée était si impressionnante que certains badauds de l'autre côté de la vitrine s'agglutinaient pour assister au spectacle, les yeux ronds et proprement ébahis. Alternant entre Belfort et Kronenbourg, elle déglutissait sans même réellement y prêter attention. Il allait simplement falloir penser à se brosser les dents et la langue comprise tout à l'heure, avant de passer à l'hôtel. Histoire d'éviter un scandale diplomatique. Et de garder son job. Parce qu'elle offrait des services de qualité de luxe, alors il ne s'agissait pas de demi-mesure ou de mesure ratée. Non, le boulot devait être fait avec sérieux.

Le blackberry noir entendait ses touches cliqueter à chaque pression des ongles parfaitement manucurés. Tactac tac. Tactac. Une mélodie rythmée, régulière s'agitant pour écrire un mot, une phrase, une guirlande de textos. Elle était accro aux textos. On pouvait y voir un moyen parfait pour éviter de s'ennuyer lorsque l'on n'a ni ordinateur sous la main, ni la possibilité d'aller se promener, ou fini son roman, au point d'en rester ridicule, bras ballants.

Pure rejeta la tête en arrière, ses cheveux blonds balayèrent distraitement sa joue, mèches sauvages et charmantes dansant sur la tunique claire. Son œil alla s'enquérir auprès de l'horloge murale. Restait une heure trente. Pourvu qu'il se dépêche, il y avait une avant-première de film aujourd'hui et elle tenait à y assister.

De : Pure. A : Allie

Je m'ennuie.

De : Allie. A : Lovely

Pas encore au boulot ?

De : Pure. A : Allie

J'attends que le boulot vienne à moi. Et puis, il fait froid dehors.

De : Allie. A : Lovely

Oh, je vois. Tout à fait le genre cadre supérieur et exigeant, hein ?

De : Pure. A : Allie

J'ai froid, je te dis.

De : Allie. A : Lovely

Menteuse. Avoue que le café Liégeois est juste aussi mousseux que je te le décrivais.

Pure courba les coins de ses lèvres, amusée. Allie avait touché le jackpot : ce café était tout bonnement un délice, un éveil des sens. La crème blanche lui créait à chaque fois des moustaches qu'elle adorait lécher tandis que le sucré-amer continuait à picoter sa langue.

Le réconfort avant l'effort.

Au coin du trottoir, un homme d'une quarantaine d'années venait de traverser la chaussée, sacoche en cuir à la main, trench beige jeté sur les épaules, qui secouait la tête – une tête aux cheveux gominé, bien plats, bien lissés, une tête de salaryman pressé - de droite à gauche, l'air de dire « Regardez-moi, je suis important, je vous suis supérieur et je m'en vais faire ce que je veux. » Je m'en vais me payer une passe. Pure écrasa sa Maryland dans la tabatière et se hâta de mâcher une pastille de dentifrice à la menthe, rinça, cracha dans la tasse vide. A présent, il s'agissait de faire bonne figure. Maquillée aussi subtilement que possible, l'eye liner soulignait d'un trait cuivre l'innocence brune de ses iris. L'écran de portable faisant office de miroir, elle y jeta un dernier coup d'œil avant de le jeter au fond du sac, satisfaite.

L'homme choisit ce moment pour pénétrer dans le commerce, fouillant la salle du regard.

« Eh bien, quoi ? Il ne s'attend tout de même pas à ce que j'affiche une pancarte ? »

C'était le même ridicule qu'elle notait chez les trois-quarts de ses clients. Après avoir agité la main pour lui demander d'approcher, la jeune femme se redressa.

« - Lovely... C'est vous ? »

L'interpellée manqua de relever un sourcil : La voix manquait cruellement d'assurance. On aurait dit un petit garçon craignant d'être pris en faute ; à peine avait-il ouvert la bouche qu'il avait perdu de sa superbe et sa crédibilité.

« - Monsieur Staendley ? Enchantée de faire votre connaissance. »

Oh oui, ravie... Aujourd'hui encore, ce serait elle qui mènerait la danse – elle qui dicterait les règles, puissante et insoumise, une véritable dominatrice. Une dominatrice vengeresse, au visage doucereux de menaces ; La Femme tenant à bout de bras et à ses pieds tous ces hommes si malléables, si... C'était grisant. Elle incarnait la réussite, la liberté, la suave et impitoyable fille de joie. Sans compromis.

Et ce nouveau pantin l'enthousiasmait déjà.

Pas besoin d'aller dans une quelconque pension minable et défraîchie, elle n'était pas sans valeur, elle. Non, elle disposait d'appartements privés, loués à titre particulier... En plein cœur du très chic quartier de Belgravia.

***

(Mise à jour à venir, mes excuses pour poster un chapitre incomplet, mais pour ma défense, cela ne me motivera que plus pour avancer.)

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 21, 2016 ⏰

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