Fou ou Possédé ?

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Vous êtes-vous déjà retrouvé dans un endroit inconnu ? Dans une situation que vous ne comprenez pas ? Oui ? Alors peut-être vousarrive-t-il la même chose qu'à cet homme...


Je sens une agréable brise sur ma peau, quelque chose de fin, de doux, de frais. Ce n'est pas comme le vent qui est brusque, agresse les poumons... pas dans ce cas-là. Ici je me sens bien, comme enveloppé dans un manteau rassurant, comme si ce simple souffle de vent pouvait soutenir mon poids, mon corps, mon âme...

Une odeur fine, pas trop présente effleure mes narines. Elle est douce. Une senteur naturelle, d'herbe coupée mais aussi de terre fraîchement retournée. Cependant quelque chose vient troubler mon odorat, quelque chose d'amer, quelque chose de perçant, quelque chose d'agressif. C'est gênant et pourtant je ne réussis pas à déterminer l'origine de ce parfum.

Dans mes oreilles résonne le léger bruissement des feuilles des arbres, c'est comme une douce mélodie ininterrompue. J'entends aussi une chouette hululer au loin tel un gardien de la nuit.

Quelque chose chatouille mes pieds nus, comme des brins entre mes orteils. Ils sont fins, légers, doux. Comme un tapis de verdure.

Je remue légèrement mes doigts et me rends compte que ma peau tire, comme si de l'argile avait séché sur mes mains. Ce n'est pas une sensation très agréable. Je me demande ce qui obstrue mes mouvements, je veux voir.

J'ouvre alors les yeux et me rends compte que ma tête est penchée en arrière, je regarde le ciel. Il est sombre, emplit d'une quantité infinie d'étoiles ainsi que de la Lune. Elle est pleine ce soir, sa couleur est très légèrement dorée, c'est une magnifique vue. Je prends conscience qu'elle est la seule source de lumière.

Lentement je baisse la tête et mon regard se détache du plafond étoilé. Tout d'abord il se pose sur la forêt, vaste et d'un vert particulier sous l'éclairage de l'astre lunaire. L'odeur de nature et le bruissement d'arbre venaient donc de là. Puis mon regard descend encore, il se pose sur un haut mur, imposant ; je tourne la tête en tous sens et m'aperçois qu'il m'entoure. Sur le côté gauche se dresse une petite grille en fer rouillé. Mes yeux se baissent encore et je découvre de petites pierres qui sortent de terre, elles sont si nombreuses... des tombes. Je suis dans un cimetière. Mon regard poursuit son chemin et se pose sur un rectangle de terre, à côté est étendue une pelle. Elle est à mes pieds. Mes yeux descendent un peu plus et tombent sur mes mains. Elles sont presque noires, je les monte près de mon visage et sens l'odeur âcre de tout à l'heure. Je fronce les sourcils et essaie de comprendre. Je les rapproche une peu plus et distingue leur couleur rouge très foncée.

Un morceau du puzzle qu'est le mystère de ma venue ici se met en place dans mon esprit : du sang. Mais pourquoi ? Que fait-il sur mes mains ? Et que fais-je ici ? Dans ce cimetière ? En pleine nuit ? Que s'est-il passé ?

Mes yeux reviennent sur la tombe nouvelle et la pelle. Quelque chose en moi me force à ramasser l'outil, un instinct. Alors je m'exécute. Je me retourne et pars tranquillement. Mon instinct me souffle de ne pas me presser, que c'est inutile. Alors je marche lentement, d'une allure détendue. Je sors par la petite grille avec ma pelle. Quelque chose entre dans mes pieds, me blesse. Je baisse les yeux et vois des petits cailloux. Je fronce les sourcils et regarde mes pieds, nus. Pourquoi n'ai-je pas de chaussures ? Mes yeux scrutent mon corps et je remarque que je porte un pantalon de coton bleu pâle avec un tee-shirt blanc. Mon pyjama. Je reste un instant sans bouger, perplexe.

Tant de questions tournent dans mon esprit. Dont une en particulier : que fais-je ici ? Je l'ignore et pourtant je le sais. C'est étrange comme sensation, savoir une chose mais l'ignorer en même temps. Je ressens en moi la nécessité de rentrer à ma demeure et pourtant je ne sais pas où je suis. Un cimetière, certes, mais lequel ? Dans ma ville il y en a trois. Cependant mon corps avance tout seul, comme guidé par une force invisible.

Les rues sont désertes, ce qui est normal vu l'heure tardive. Les volets des maisons sont fermés et on ne voit aucun trait de lumière. Les gens dorment. Je marche, seul, le long de la route, en pyjama, pieds nus, avec une pelle à la main.

J'arrive devant mon lieu de résidence, ce n'est pas très grand chez moi. Ma maison est recouverte de crépis blanc et son toit est composé de tuiles rouges. Il n'y a ni portail ni clôture, je marche dans l'herbe courte (tondue hier il me semble) et pose ma main sur la poignée de ma porte. Elle est froide. J'ouvre le battant et entre dans mon habitation. J'allume la lumière et ma maison semble reprendre vie, pourtant il y a comme une gêne en moi. Un sentiment que j'ai l'impression de connaître et qui, en même temps m'est inconnu. Comme un vieux souvenir oublié.

Je ne fais pas attention à l'ameublement et marche le long du couloir. J'ouvre la dernière porte et m'engouffre dans ma salle de bain. Mais avant de fermer le battant je laisse tomber la pelle qui produit un son métallique en touchant le carrelage.

Je m'adosse une seconde à la porte, tout est silencieux, il n'y a plus de brise, plus de bruissement d'arbres. Juste le calme. Et ma respiration, qui est le seul son audible. Je vais directement dans ma douche et laisse couler l'eau chaude sur mon corps. Le sang séché coule de mes mains et elles redeviennent d'un blanc pur.

Je finis par sortir et me rhabille. Puis j'observe mon reflet dans le miroir au-dessus du lavabo. Mon visage est pâle, comme celui de la personne reposant dans la tombe. J'ai d'épais sourcils noirs, tout comme mes cheveux, ces derniers tombent sur mon front et des gouttes dégoulinent dans mes yeux. Ceux-ci sont entourés de longs cils noirs, leur iris est d'un bleu délavé, très clair. Mes traits sont droits, géométriques. Mon nez n'est pas spécialement grand mais lorsque j'étais enfant certains disaient qu'il était crochu, je ne suis pas du même avis qu'eux, je le trouve banal. Quant à mes lèvres elles sont deux lignes fines, toutes simples.

Mes yeux fixent ceux de mon reflet dans la glace. J'y lis une envie de bien faire, une sorte de compassion, mais aussi une tristesse, comme si j'étais désolé de quelque chose... ça ressemble plutôt à de la culpabilité. Mais pourquoi ? Qu'ai-je fait ? Je scrute de nouveau mon propre regard. Et j'y vois de la satisfaction, mais également une envie... un besoin inassouvi... Je ne comprends pas. J'éprouve une sensation de manque. Comme si j'avais faim mais c'est différent... Je ne sais pas...

Soudain un sourire naît sur mes lèvres. Pas un sourire joyeux mais un sourire dangereux, méchant, sadique. Je ne contrôle plus les muscles de mon visage. Je ne contrôle plus rien en fait, ma main droite se lève et passe dans mes cheveux mouillés pour les rabattre en arrière. Je regarde de nouveau mon reflet, mon expression est très peu sympathique, tout le contraire en réalité. Mais mes yeux restent apeurés jusqu'à...

Mes épaules se décontractent, je soupire de soulagement, j'observe mes yeux dans le miroir, ils sont confiants, froids, durs. Je suis de nouveau moi-même. Et j'ai envie d'éteindre ce feu qui me consume de l'intérieur. Il faut que je tue quelqu'un d'autre.

C'est L'histoire D'un Homme...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant