Règle Nº2

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L'annonce du déménagement, ce n'était pas la nouvelle du siècle. Depuis un moment, maman souhaite tester ses talents d'amélioratrice de nos conditions de vie domestique sur une autre maison. Elle n'aime pas celle dans laquelle on vit aujourd'hui, parce qu'elle n'a pas besoin d'être améliorée. C'est un pavillon avec un rez-de-chaussée et un étage, dans un lotissement.
Maman rêve d'une vieille maison victorienne en ruine. Pour la restaurer. Si elle et papa ont acheté notre maison actuelle toute prête, c'est seulement parce qu'il n'avaient pas les moyens de s'offrir autre chose à l'époque. Papa venait juste de commencer son travail.
Mon père est prof à la fac. Prof d'informatique. Comme ça fait longtemps il a obtenu une chaise. Je crois. Bizarre, non? Est-ce que ça veut dire qu'avant il n'avait pas le droit de s'asseoir ? Ou alors, c'est une chaire. Je sais plus très bien. Enfin bref, il gagne plus.
Aussi, comme mon plus jeune frère, Kevin, est en dernière année de maternelle maintenant, ma mère a repris son travail de conseillère d'orientation. Ça, ça veut dire qu'elle conseil aux élèves de la fac de choisir telle ou telle matière. L'informatique, par exemple. Et ça nous rapporte encore plus d'argent.
Alors, comme maman et papa sont à l'université toute la journée, ils veulent habiter plus près. Et ils ont acheté une vieille maison pour que maman s'amuse à la restaurer quand elle ne sera pas en train de conseiller les étudiants.
Moi, je ne vois pas ce qu'il y a d'amusant à retaper une vieille maison! Je ne vois pas où est le mal à rester dans le pavillon qu'on a maintenant, qui n'a pas besoin d'être réparé et qui a des moquettes beiges dans toutes les pièces. Sauf ma chambre où elle est rose. Maman a bien tenté de me l'expliquer:
— Voyons, Allie, la nouvelle maison est tellement plus grande! Mark et Kevin auront chacun leur chambre. Ainsi ils se disputeront moins. Ça sera sympa, non?
Je sais que je suis censée aimer mes petits frères. Je les aime, d'ailleurs. Par exemple, je ne voudrais pas qu'ils soient renversés par une voiture sur la Grande-Rue, et que leur cervelle soit éparpillée dans les haies. Mais je me fiche qu'ils aient chacun leur chambre.
— Et mon lit à baldaquin ? ai-je dit.
Je viens d'avoir un lit à baldaquin pour mes neuf ans. (J'ai un mois de plus que Mary Kay. C'est peut-être pour ça que je ne pleure pas aussi souvent qu'elle. Parce que je suis très mature. Et aussi, parce que j'ai plus l'habitude qu'elle des difficultés de la vie. Vu que je ne suis pas fille unique, moi.)
— Nous l'emporterons là-bas, est intervenu papa. Avec le camion de déménagement.
En apprenant qu'il y aurait un camion de déménagement, mon frère Mark était tout excité. Il a sept ans, et il est complètement obsédé par les camions. Et les insectes.
— Je pourrai monter dans le camion de déménagement ? a-t-il crié. À l'arrière, avec les meubles?
— Non, a répondu papa. C'est interdit par la loi.
— La nouvelle maison sera beaucoup plus près de notre travail, a poursuivi maman. Ainsi, nous pourrons vous consacrer plus de temps, les enfants. Les trajets seront moins longs.
— Et ma collection de pierres ? ai-je lancé. J'en ai plus de deux cents, maintenant, je te signale.
Je sais. Des cailloux, ça a l'air très barbant à collectionner. Sauf que je les collectionne avec beaucoup de soin. Je les garde dans un sac en papier de l'épicerie, en bas de mon placard. Chacun est extraordinaire à sa façon. La plupart sont des géodes. Les géodes sont des pierres qui paraissent normales à l'extérieur. Mais à l'intérieur, il y a des cristaux qui brillent comme des diamants. D'ailleurs, un amateur risque de confondre une géodes et un diamant. Parce qu'il est impossible de deviner au premier coup d'œil si une pierre est un caillou tout bête ou une géode. Enfin, si, mais ça exige de l'entraînement.
En tout cas, les géodes, ce n'est pas facile à casser en deux pour regarder les cristaux à l'intérieur. Pour l'ouvrir, il existe deux méthodes : soit les lancer très, très fort sur le trottoir ou l'allée de la maison (il vaut mieux éviter l'allée parce que ça laisse des marques qui ne s'effacent pas avant un an ou plus, et mes fesse se souviennent encore du jour où j'ai découvert cette règle); soit les cogner très, très fort avec un objet métallique, comme un marteau. Par expérience, j'ai aussi appris que les clubs de golf de mon père ne sont pas très efficaces pour ce genre d'opération.
Ma collection, je l'ai trouvée en fouillant les chantiers de notre quartier où on construit des dizaines de maisons. Maman et papa nous interdisent d'y traîner, mais on déniche des tas de choses intéressantes dans les monticules de terre que laissent les bulldozers.
— Deux cents cailloux, c'est trop, a décrété maman. D'autant que tu ne les as jamais lavés et que tu ne t'en occupes guère.
— Ce n'est pas des cailloux, ai-je riposté. C'est des géodes.
— Peu importe. Elles encombrent ton placard. Je t'autorise à en garder trois ou quatre, mais tu devras remettre les autres où tu les as trouvées.
Là, ça a été plus fort que moi - j'ai poussé un cri de détresse. Parce que, franchement, j'avais beaucoup travaillé pour monter ma collection. C'est pas parce que je ne l'épousette pas énormément que je ne l'adore pas.
Sauf le pire était à venir.
— Et l'école? ai-je demandé. Si la nouvelle maison est près de votre travail, ça veut dire qu'elle doit être très loin de l'école. Comment on va y aller à pied sans être en retard?
— Eh bien, a murmuré maman, vous changerez d'école. La carte scolaire l'exige, de toute façon. Rassurez-vous, elle est juste à côté de la future maison. Vous pouvez même rentrer déjeuner si vous en avez envie. Ce n'est pas génial ?
Non, ce n'est pas génial du tout. C'était même plutôt atroce.
— Je ne veux pas aller dans une autre école! ai-je dit en sanglotant.
Oui, je pleurais. Ça ne m'arrive pas aussi souvent qu'à Mary Kay, n'empêche, parfois, je pleure.
— Et Mme Myers ? ai-je ajouté.
C'est ma maîtresse. La meilleure des meilleures. Ses cheveux sont si longs qu'elle peut s'asseoir dessus.
— Je suis certaine que tu adoreras ta futur maîtresse, a rétorqué maman. Nous irons voir vos enseignants respectifs avant le déménagement. Ça vous donnera l'occasion de les rencontrer avant de commencer dans la nouvelle école. Qu'est-ce que vous en pensez?
— Super, a répondu Mark.
Il dévorait ses bâtonnets de poisson pané avec du ketchup. Alors que je lui avais bien conseillé de ne jamais manger de rouge. Il se moquait bien de s'en aller d'ici, lui. Le seul truc qui l'intéressait, c'était de pouvoir faire un tour à bord du camion de déménagement. Être obligé de fréquenter une nouvelle école et de se faire des nouveaux amis, il s'en fichait.
— Boucle-la, lui ai-je lancé.
— Ne dis pas à ton frère de la boucler, m'a réprimandée papa.
Quand papa donne un ordre, on a drôlement intérêt à le suivre. C'est une autre règle. Même Mark et Kevin la respectent.
— Et Mary Kay? ai-je dit.
Parce que, tout à coup, je me suis souvenu de ma meilleure copine. (Mais pas du moment où j'avais souhaité en avoir une autre. Une qui ne pleurnichait pas toutes les cinq minutes.)
— Si on déménage, je ne serai plus dans la même classe qu'elle! Je ne vivrai plus dans la même rue qu'elle!
— Tu lui rendras visite, a suggéré Kevin. Tu prendras le bus.
— J'ai pas envie de prendre le bus! ai-je hurlé.
— Arrête de hurlé, m'a grondée papa. Personne ne prendra le bus. Tu continueras à voir ton amie, Allie. Il vous suffira d'organiser des... des... comment on appelle ça déjà?
— Des après-midi ludiques, a précisé maman. Ton père veut dire que nous invitons Mary Kay à passer un moment chez nous pour jouer avec toi.
Des après-midi ludiques? Je refuse d'organiser des "après-midi ludiques" avec Mary Kay! Mary Kay et moi, on n'a jamais eu besoin "d'organiser" quoi que ce soit. Quand Mary Kay et moi, on veut jouer, il me suffit de descendre la rue, et on joue. Pas questions d'organisations idiotes.
J'en ai pleuré de plus belle.
— Je ne veux pas déménager ! Je ne veut pas abandonner ma collection de pierres. Ni aller dans une nouvelle école. Ni organiser des après-midi ludiques avec Mary Kay. Je veux rester ici!
—Allie, a plaidé maman, si tu es capable de te montrer adulte au sujet du déménagement, si tu nous prouves que tu peux être raisonnable, si tu ne pleure pas, ton père et moi avons songé que ce serait le signe que tu es assez mûre pour avoir ton propre animal.
J'ai été tellement estomaquée que mes larmes ont aussitôt arrêter de couler. J'ai toujours désiré avoir un animal rien qu'à moi. D'accord, on a Marvin, et je l'adore. Par exemple, je suis la seule de la famille à le brosser, à vérifier qu'il n'a pas de tiques et à le promener. Bon, papa le promène aussi, mais juste le soir.
Quand je serai grande, je serai vétérinaire. Je m'entraîne sur Marvin. N'empêche, avoir un animal que je ne serai pas obligée de partager avec quelqu'un d'autre, mes frères par exemple, c'est mon rêve.
— Je pourrai avoir un hamster? ai-je reniflé. Comme Mary Kay?
— Pas de hamster,a immédiatement décrété papa.
Il n'aime pas les hamsters. Et encore moins les souris. Le jour où Mary Kay et moi, on a attrapé un souriceau dans le champ derrière chez elle (ils y construisent un lotissement neuf aujourd'hui) et où je l'ai mis dans ma voiture Polly Pocket pour le montrer à mon père, il nous a obligées à le rapporter dans le bois derrière chez nous (ils sont en train d'y construire un lotissement neuf aussi).

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Je n'ai pas encore terminer mais N'hésitez pas à me donner des nouvelles en commentaire bien sûre :)
Bonne fin de journée à tous :P

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 30, 2016 ⏰

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