Omir

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  Des tablettes de pilules et des capsules vides jonchaient le sol. Sam ramassa un emballage à ses pieds, c'était encore un de ces médicaments bonheur miracle.

- Omir ... c'est quoi ça ? T'as pris combien de doses ? questionna-t-il, les yeux écarquillés.

Son ami s'assit à son tour, sa tête entre les mains.

- Je sais pas, j'ai pas vraiment tenu les comptes.

Il semblait pâle et amaigri, des gouttes de transpiration perlaient sur son front.

- Comment tu te sens ?

- Ça peut aller, j'ai juste un peu mal à la tête, grimaça-t-il.

- Et ton dernier repas, il remonte à quand ?

- T'en fais pas pour moi ... c'est juste temporaire. Je finis toujours par remonter la pente.

- T'es dingue, ouais ! s'esclaffa Sam. Combien de temps avant que t'y laisses ta peau ?

Omir fixait le mur, le regard vide.

- Je me sentais si bien, si bien, balbutia-t-il.

La main de Sam sur son épaule le tira de sa torpeur.

- Viens, sortons prendre l'air.

Ils travaillaient ensemble à la mine depuis presque deux semaines et il réalisait, en marchant, qu'ils n'avaient jamais réellement pris le temps d'échanger sur leurs vies respectives.

Omir était père, à sa grande surprise. Non pas qu'il ne le pensait pas capable s'assumer une telle responsabilité, mais car c'était la première fois qu'il en côtoyait un. Céron122 n'était pas un berceau familial, ici, pas de maternité ou de crèche, contrairement aux autres planètes de l'Alliance Commerciale.

Il était originaire de Céron105, une planète désertique glacée qu'il décrivait comme un enchaînement de dunes sans fin. Il sortit même une photographie de son portejetons. L'on pouvait y voir ses deux enfants et sa femme, enserrés devant ce qui ressemblait à un grand tipi, une petite boule duveteuse à leurs pieds, Sam ignorait d'ailleurs de quel animal il s'agissait. Ils avaient l'air heureux, et Omir semblait profondément chérir cette photo.

Quand il lui demanda pourquoi avoir quitté son foyer pour cette planète d'acier, il n'obtint pas de réponse et il lui sembla qu'Omir se rétracta un peu plus dans sa coquille, ainsi il s'en voulu pour pareille indiscrétion.

Quoi qu'il en soit, le temps rattrapait les deux amis.

- Tu devrais prendre une dernière journée de repos, mon vieux, suggéra Sam. Prend soin de toi, et reviens nous en forme demain. Histoire qu'on boucle cette cartographie une bonne fois pour toute.

- Compte sur moi, Sam, acquiesça-t-il, souriant.

Ils se séparèrent à l'intersection et Sam se mit en route pour la mine. Il en arrivait à éprouver de la compassion pour Omir, en imaginant la solitude qu'il devait ressentir, si loin des siens. En repensant à la photo, il songea qu'il aurait aimé lui aussi avoir pareil souvenir, lui qui était né sur cette planète hostile, dans les bidonvilles de la périphérie. Il ignorait tout de ses parents, et parfois il lui semblait qu'il avait pour seule génitrice cette sphère métallique, froide et distante.

Il arriva enfin à la mine et se dirigea directement vers le bureau de vérification. Comme à son habitude, il déposa son badge, récupéra son équipement, avant de s'installer dans l'escalator.

Il hésitait. Deux choix s'offraient à lui : chaque employé était libre de parcourir et de creuser les galeries comme il le souhaitait, mais la promenade n'était pas rémunérée, seule la quantité de valadium qui remontait à la surface décidait d'un ventre plein ou vide. Autrement, vous pouviez faire une demande de cartographie, et participer à l'aménagement de galeries encore non exploitées.

Mission délicate, mais bien récompensée.

Omir prenait sa journée et il en avait bien besoin, mais Sam avait besoin de manger, et il avait envie de tout sauf de jouer au bonheur la chance à qui trouvera la plus grosse pépite.

« Redescendons. C'est reparti pour un tour. »

Il était mieux préparé cette fois-ci, un revolver gravitationnel pendait à sa ceinture et une cuirasse en alliage souple retombait sur ses cuisses, qu'il espérait assez résistante pour le protéger des griffures et morsures.

Les hybrides n'étaient pas originaires de Céron122, et l'on ignorait presque tout de ces créatures. Elles naissaient de carcasses, souvent humaines et autrefois animales, quand l'import d'animaux de compagnies était encore autorisé. Et sur cette dernière se greffait une forme de vie si étrangère, si éloignée de tout ce que l'esprit humain avait la capacité de concevoir, qu'elle rendait ces créatures terriblement imprévisibles.

L'on ignorait ce qu'elles cherchaient et le but qu'elles poursuivaient, d'autant plus que certains spécimens étaient parfois découverts avec une main au milieu du torse, ou bien des yeux sous la plante des pieds, curieuse morphologie si leur objectif ultime était l'extermination du genre humain.

Quoi qu'il en soit, l'éradication des hybrides n'apparaissait pas sur la liste des priorités, d'autant plus que depuis la mise en place de l'incinération obligatoire des corps, la proportion de métal dans leurs organismes ne faisait qu'augmenter pour compenser le déficit en matière organique. Contre toute attente, cela tendait à les rendre moins affamés et plus dociles.

Sam sentait la pression sur son torse augmenter tandis que l'escalator descendait dans les entrailles de la planète.

Il était environ à la moitié du trajet quand une secousse ébranla la cage d'acier. Il tressauta et agrippa la poignée qui pendait du plafond.

« Wow. »

Il baissa la tête et fixa le câble de traction de l'appareil disparaître dans l'obscurité à travers la grille sous ses pieds.

Tout semblait normal.

L'installation se faisait vieille.

Alors que sa fréquence cardiaque redescendait, un abominable craquement métallique retentit.

Sam se retrouva projeté sur la grille et perdit l'équilibre. Il était par terre quand cette dernière finit par s'immobiliser dans un grincement.

Le seul éclairage provenait de la vieille ampoule jaune fixé à un crochet au dessus de sa tête et il régnait un silence inquiétant.

Reprenant ses esprits, Sam se releva. Les parois déchiquetées d'acier autour de l'escalator étaient trop étroites pour qu'il puisse ouvrir la grille, il était piégé.

C'est alors que le câble de traction se mit à se tressauter sous ses pieds, Sam planta son regard dans l'obscurité, essayant de discerner quelque chose. De petits grincements réguliers montaient des profondeurs et faisaient écho sur les parois.

Une sueur froide lui glaça l'échine.

Quelque chose escaladait.  

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