Horacio

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  La boule au ventre, Sam dégaina son revolver gravitationnel et le pointa à ses pieds.

Son cœur battait la chamade.

Une forme indéfinie se détachait de l'obscurité profonde dans laquelle plongeait le câble.

« Qu'est ce que .. ? » murmura-t-il.

Il plissa les yeux, tenant en joue l'ombre mouvante.

C'était un vieil hybride rachitique. Ses moignons se prolongeaient en griffes brillantes et acérées, qui réussissaient à expliquer comment il avait réussi à monter si haut dans le tunnel.

Son apparence était effrayante, il était recouvert d'écorchures et de cicatrices, témoignages de son âge avancé.

Sans crier gare, l'escalator s'ébranla brusquement et le vrombissement sourd de la machinerie résonna de nouveau dans la galerie.

La créature, enragée, poussa un hurlement rauque, et de ses puissantes pattes arrières, se précipita sur la partie inférieure de la cage.

Sam recula d'un bond.

L'hybride était solidement accroché de ses griffes mais tanguait rageusement dans le vide, une lueur de panique dans le regard alors que l'escalator prenait de la vitesse.

Il visa et pressa la gâchette, le recul envoya son épaule en arrière.

Une onde de choc assourdissante frappa la créature de face, qui fût instantanément avalée par l'obscurité.

« Pauvre bête. »

Sam rengaina son revolver et s'épongea le front.

Les pannes étaient fréquentes, mais jamais il n'avait vu un hybride si loin des profondeurs.

Il atteignit enfin le fond. Un silence intimidant émanait des tunnels, maintenant que l'escalator était à l'arrêt. La grille couina alors qu'il s'extrayait de la cage, posée de travers sur la dépouille de l'agresseur.

Sortant ses notes, il reprit le chemin de la veille, à l'affût du moindre son suspect. Il reconnaissait les lieux et la carte progressait rapidement.

« Objectif retour à la surface pour midi ! »

Pari tenu. Il était remonté au bureau pour 11H30, la carte en main et les jetons en poche.

Et c'est après un bon repas au réfectoire, y comprendre ici son injection vitale routinière, que les haut-parleurs grésillèrent pour annoncer la réunion traditionnelle, qui avait lieu tout les dix jours.

« CONVOCATION IMMÉDIATE PRÉAU NORD »

Il fut parmi les premiers sur place, mais délaissa les chaises, qu'il trouvait terriblement inconfortables et était donc débout quand les responsables firent leur entrée sur l'estrade. Le préau était un gigantesque hall, qui représentait au final l'unique lieu de communication entre les employés et la direction. C'était un véritable bain de foule pour ces pionniers solitaires étant donné que chacun de ces meetings pouvaient accueillir jusqu'à mille d'entre eux.

Sam était perplexe, il n'y assistait que par devoir. Elles lui rappelaient ces films où le héro était kidnappé, enfermé puis drogué pour le rendre docile et où ses geôliers n'avaient plus qu'à entretenir les effets par petites doses régulières. Les réunions constituaient ces petites doses régulières, de propagande, mais également d'espoirs qu'on faisait miroiter devant le nez des travailleurs.

Le micro grésilla quand l'hôtesse d'accueil de l'entreprise le prit en main.

- Chers employés, je vous remercie de votre présence ! clama-t-elle, le sourire aux lèvres. Comme à chaque occasion, je souhaite commencer par vous exprimer nos meilleurs vœux de réussite, d'accomplissement et d'épanouissement personnel.

Quelques maigres applaudissements résonnèrent.

- Nous accueillons un invité quelque peu particulier, qui, nous en sommes persuadés, saura faire de notre société un endroit plus agréable à partager. Je vous demande d'applaudir le prestigieux docteur Kamper.

Elle se retourna et tendit la main vers le scientifique en chemise à carreau qui avançait vers le public. Après une poignée de main en apparence chaleureuse, il prit la place de l'hôtesse qui alla se rasseoir.

"C'est le gars de l'affiche !" reconnu Sam.

- Mes amis, je me présente, je suis le docteur Kamper. Je suis spécialisé dans la recherche sur le bonheur, et afin de vous retenir le moins de temps possible, j'irais droit au but. Mais avant cela, pour illustrer mes futurs propos, j'aimerais que l'un d'entre vous vienne me rejoindre sur scène. Y-aurait-il un volontaire ? Monsieur ? tenta-t-il en tendant la main à un homme dans le public.

L'homme acquiesça et se leva. Visiblement mal à l'aise, il commença à monter les quelques marches de l'estrade d'un pied gauche mais, d'une manière tout à fait ridicule, trébucha sur la dernière. Réflexe basique de survie, sa main s'agrippa alors à la légère table en aluminium sur laquelle trônait les rafraîchissements des orateurs, et il se retrouva, couvert de boissons, ventre sur le plancher de l'estrade.

Des rires étouffés montèrent du public, alors que Kamper s'affairait à relever notre ami, qui était cramoisi.

- Hmphh .. mes excuses, merci docteur, bafouilla-t-il.

- Ça n'est rien, ce n'est que de l'eau, rassura ce dernier, le sourire jusqu'aux oreilles. Quel est votre nom ?

- Horacio, docteur.

Le chercheur fit de nouveau face au public et reprit en s'adressant à l'accidenté :

- Hé bien, si vous n'avez rien de cassé, reprenons. Si je vous ai fait monter sur scène, c'est pour vous poser quelques questions, toutes simples, pas de stress, dit-il. Commençons par la première. Comment vous sentez vous ?

Un sourire taquin éclaira le visage de Sam alors que les joues de l'employé s'empourprèrent.

- Si on met de côté mon pantalon détrempé, ça peut aller. Je ne suis pas très à l'aise en public, excusez moi.

- Tout comme moi, rassurez vous mon ami. Cela dit, par ma question, je pensais plus à votre ressenti au quotidien, votre état d'esprit en vous levant le matin, par exemple.

Horacio fixait ses pieds.

- C'est pareil, ça peut aller. En tout cas, ça ne va pas trop mal.

- Je vois, répondit le chercheur. Dites moi, y'a-t-il quelque chose qui vous tienne particulièrement à cœur ? Si vous pouviez faire de vos journées ce que vous souhaitiez, que feriez vous ?

- Hmphh, murmura-t-il en s'éclaircissant la gorge. Il releva les yeux. Pour être honnête, je suis un grand amateur de jeux de construction.

Nouveaux éclats de rires dans le public.

- Noble passe-temps, mon cher Horacio. Dites moi à présent, comment dormez-vous ?

- Comme tout le monde, je suppose. Je suis assez fatigué ces derniers temps en rentrant chez moi, alors pas de soucis de ce côté là.

- Très bien, récapitulons, vous aimez dormir ? questionna le docteur.

- Ça peut aller.

- Vous aimez les jeux de construction ?

- J'adore ça.

Des hommes en smoking entrèrent alors sur scène et amenèrent un plateau roulant couvert d'un drap. Horacio examinait la scène, les yeux écarquillés.

Le drap découvrit un casque bardé d'électrodes tandis que le docteur ajoutait, rayonnant :

- Alors faites le bon choix !  

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 03, 2016 ⏰

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