C'est donc avec un étau dans la poitrine et la désagréable sensation que tout reposait désormais sur mes épaules, que je suivis une nouvelle fois Lynch à l'extérieur. Même s'il y avait un risque que l'on nous repère, la lumière du jour me fit du bien. Je n'en pouvais plus de tous ces tunnels, couloirs et autres grottes. Même si je n'étais jamais sorti de l'E.E.V et ne connaissait pas le monde extérieur, nous avions quand même accès à l'atrium où nous pouvions sortir à l'air libre. Voir le ciel et sentir le vent sur mon visage me manquaient. Mais ce n'était vraiment pas le moment de penser à ça, me dis-je tandis que je me faufilais une nouvelle fois furtivement à la suite de Lynch, ayant un peu l'impression que ma vie se résumait à ça ces derniers temps.
Nous nous arrêtâmes derrière un gros bloc de pierre, non loin de la plateforme en bois menant à la passerelle, à présent inutilisable, et nous attendîmes. J'étais sur le point de le questionner sur cette attente stressante et interminable, quand la nuit se mit à tomber. Pas progressivement comme la dernière fois, mais d'un bloc, noire et épaisse, me faisant frissonner d'appréhension. J'avais beau savoir que c'était l'œuvre de Sleepy, je ne pouvais m'empêcher d'angoisser.
— Suis-moi, me chuchota Lynch en me prenant la main pour me guider, manquant me faire avoir une crise cardiaque.
Il nous conduisit jusqu'à la plateforme, reconnaissable aux gémissements que firent les lattes de bois lorsque nous marchâmes dessus. Il s'y accroupit, me forçant à faire de même en tirant sur mon bras d'un petit coup sec.
— Et maintenant on fait quoi, ne pus-je m'empêcher de lui demander.
— On observe...et on attend de voir leurs réactions.
— On observe ?! M'exclamais-je sarcastique avant de pouvoir m'en empêcher. Mais on n'y voit rien !
— Toi, tu n'y vois rien, me rétorqua-t-il d'un ton condescendant, un petit sourire narquois pointant dans sa voix.
Je soufflai un bon coup pour calmer mes nerfs et me contraindre à ne pas lui taper dessus. La situation avait beau être grave, monsieur trouvait encore le moyen de me faire des cachoteries et de s'en amuser à mes dépends. C'était vraiment...surréaliste !
— Très bien...et après, éludais-je volontairement, ne voulant pas entrer dans son jeu.
— On improvise.
Son ton, soudain plus grave et concentré, me fit comprendre, qu'au final, il n'en savait pas beaucoup plus que moi. Son humour sarcastique devait être sa façon à lui de décompresser ! Mais j'espérais de tout mon cœur que sa dernière réplique était encore une plaisanterie, parce que improviser...mais improviser quoi ? Ruminais-je dans mon coin. Nous ne savions pas où se trouvait l'ennemi, qui s'était comme volatiliser. Sans compter qu'Ophélia y avait été un peu fort sur « l'extinction des feux » et qu'on n'y voyait pas à deux pas (enfin moi !). Je commençais même à me demander si ils étaient encore là, quand les cris de Lada se mirent à résonner sous le dôme, lugubres et effrayant et que l'enfer se déclencha.
Des coups de feu et des cris se mirent à retentirent, venant des quatre coins des ruines. De nouvelles grenades furent lancées, n'ayant pour résultat (d'après Lynch) que de faire des victimes dans leur propre rang. C'était la débandade générale. Les gardes paniqués s'enfuyaient en tous sens, ne sachant pas où aller pour se protéger des créatures qui, pensaient-ils, les poursuivaient. Cela aurait presque pu être drôle, si la situation n'avait pas été aussi grave.
— Rappelez vos chiens ! Hurla soudain une voix d'homme apeuré, venant approximativement du centre des ruines. Nous nous rendons.
Sous l'effet de la surprise, je faillis me lever pour tenter de mieux distinguer la personne qui venait de parler.
— Restes caché...C'est sûrement un piège, m'ordonna Lynch en me retenant par le poignet.
— Un piège ? Et qui consisterait en quoi, ne pus-je m'empêcher de lui demander.
— Je ne sais pas exactement mais...c'est trop facile. Il y a quelque chose qui cloche...
Je hurlais, interrompant efficacement sa phrase, lorsque je fus brutalement tiré en arrière, atterrissant avec violence contre la rambarde branlante qui craqua sinistrement sous l'impact. Lynch se précipitait vers moi pour m'aider, quand deux silhouettes sombres, armés et équipés de torches, surgirent du gouffre, enjambèrent le garde-fou et se ruèrent sur lui. Étant toujours au-prise avec mon adversaire invisible, qui à présent me maintenait par une prise d'étranglement vicieuse ; je ne pus qu'assister, impuissante, à la neutralisation d'un Lynch hors de lui. Ils ne furent pas trop de deux pour l'immobiliser efficacement. À présent il se trouvait à genoux, les bras immobilisées dans le dos par l'un des hommes, tandis que l'autre lui braquait son arme sur la tête. C'est alors qu'un troisième homme enjamba la rambarde et s'approcha de Lynch d'une démarche calme et assurée, en lui braquant le faisceau de sa lampe dans la tête. Quand il fut assez près de nous pour être sûr que nous puissions le voir, il enleva sa cagoule, d'un geste exagérément lent et théâtral...C'était Quint ! Qui nous toisa à tour de rôle, un sourire sadique et satisfait sur les lèvres.
— Quint, espèce de s...Commença à l'invectiver Lynch, avant que l'un des garde ne le fasse taire efficacement, d'un coup de crosse de fusil dans les côtes.
Lynch s'écroula en avant, dans un cri de souffrance qui me fit mal. J'avais beau ne pas le porter dans mon cœur, regarder les autres souffrir sans pouvoir rien faire n'était décidemment pas dans ma nature. Surtout que même de là où je me trouvais, j'avais pu entendre le craquement caractéristique d'un os qui se brise.
— Ça suffit ! Ordonna Quint au garde, au moment où celui-ci s'apprêtait à le frapper de nouveau. Redressez-le !
L'autre homme saisit Lynch par les cheveux et d'une violente secousse, le força à se remettre à genoux.
— Tu avais quelque chose à me dire...monsieur le professeur ? Le provoqua Quint d'un ton doucereux, tout en le forçant à soutenir son regard. Vas-y je t'en prie, exprime-toi...fais-moi ce plaisir...
Un moment, je crus qu'il allait céder à la provocation, par pur orgueil mal placé...mais à mon grand soulagement, il ne le fit pas. Ce qui le fit remonter un tout petit peu dans mon estime. Au lieu de quoi, je le vis baisser les yeux et essayer de prendre discrètement une grande inspiration douloureuse. Quint, sûrement déçu et vexé que sa provocation n'ait pas fonctionné, le saisi à nouveau par les cheveux et lui tira brusquement la tête en arrière.
— Ne crois pas que je n'ai pas compris ton petit manège ! Essayes encore une fois ton petit tour de passe-passe...et c'est ta petite protégée qui prend, le menaça-t-il en me désignant d'un geste de la main.
Je sentis alors, la caresse à la fois douce et glacée, du métal contre ma tempe, tandis que l'homme relâchait enfin son étreinte sur ma gorge et se hissait à mes côtés. Son regard froid et inexpressif croisa le miens une fraction de seconde, avant que d'un geste ultra rapide, il ne me saisisse à nouveau à bras le corps, son bras bloquant une nouvelle fois ma trachée.
— Maintenant, dis à tes petits soldats d'arrêter leurs tours de passe-passe et de se rendre...tout de suite ! Hurla-t-il à Lynch, son visage à quelques centimètres du sien.
— Va...te...faire...voir, lui répondit ce dernier d'une voix calme, tout en lui souriant et en me lançant subrepticement un regard désolé.

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Isolated System - Tome 1
Science Fiction*Vainqueur du concours Award Rentrée 2016 dans la catégorie science-fiction* Hayden fait partie des survivants. Descendante des quelques centaines de chanceux, rescapés du grand cataclysme ayant ravagé la terre, une centaine d'années auparavant...