Voilà un One Shot, quelque chose de très court mais que j'avais dans la tête depuis longtemps. Ce n'est relié à rien, ça ne fait pas parti d'une histoire, il s'agit simplement d'une scène que j'avais en tête.
Here's a One Shot, something very short that I've had in mind for a long time. It isn't linked to anything, it isn't part of a bigger story, it's just a scene that I imagined and thought I would share. Language is French.
- J’vais dans la chambre.
- Quoi ?
- J’suis fatiguée, t’inquiètes, j’prends un truc à boire, un truc à manger et j’ai mon bouquin à terminer.
- Mais…
- Oui ?
- Mais Marilou, je viens d’inviter du monde, tu vas pas te cloitrer alors qu’on fait la fête.
- J’t’ai dit, j’suis crevée.
- …
- Bon j’y vais, si y’a besoin du lit à un moment, tell me et j’me déplace, ou j’accueille.
- … C’est pas à cause de lui au moins ?
- De qui ?
- Luka.
- Quoi ? Mais non, dis pas n’importe quoi.
- Marilou…
- Non j’te dis.
Le sourire a presque l’air sincère. Il réussit en tous cas à convaincre la blonde qui tourne les talons et s’en va replacer les coussins du canapé ou quelque futilité du genre. La brune est satisfaite. Elle cale le livre sous son bras et attrape l’assiette puis le verre, et ainsi chargée, elle disparaît bientôt dans le couloir. La terre promise est au fond. Le doux exil. Elle se laisse tomber dans le lit après avoir posé assiette et verre sur la table basse. Voilà un personnage trop simple pour ne pas être intriguant. Une jeune femme aux yeux rieurs et à la démarche incertaine. Un pas de travers et c’est la chute. Sens propre, sens figuré. Elle fait l’étoile au milieu du lit et s’imagine princesse. Ses traits sont tirés mais d’une fatigue différente. Celle des penseurs qui pensent trop. On la sent rêveuse. L’univers est fictif mais l’affect est bien réel. La porte entrouverte laisse passer quelques bribes d’une mélodie à la mode. Marilou hoche la tête en rythme et tente de ne plus penser. Les premiers invités sont arrivés, elle le sait, elle l’entend. Quelques éclats de rire parviennent à ses oreilles et elle les bouche. Le silence est feint, lui aussi. Elle pense encore trop. Alors elle se redresse et la main gauche attrape le verre. Les lèvres goûtent le nectar sucré, la gorge brûle et la bouche s’étire en un sourire soulagé. Bientôt elle ne pensera plus. Elle ouvre le livre à la page 486 et continue sa lecture. Plongée qu’elle est dans sa fiction, elle n’entend plus la vie qui s’est faite silence. Ou plutôt… l’entend elle toujours. Sans cesse. La vie n’est plus qu’une musique de fond, un air entêtant que l’on se borne à vouloir couvrir. Ici les mots d’un Tolstoï s’y emploient avec succès. Et la chambre se fait rustique, et l’air se refroidit, et le nez s’emplit d’odeurs de foin coupé et de pluie fraichement tombée. Bientôt le verre est vide et la main s’empare de la bouteille qu’elle sait cachée sous le lit. La Russie appelle la vodka et l’atmosphère se réchauffe. La musique que la brune devine venant du salon lui inspire les bals, les danses, les œillades à peine voilées et les murmures discrets. Toute entière elle s’imprègne de sa romance et s’imagine tantôt Anna, tantôt Kitty, virevolte au bras d’un Vronski ou chevauche dans le bois d’un Levine. La face s’empourpre et la tête commence à tourner. Et le sourire s’élargit. Page 598. La tête s’affaisse sur un coussin, elle ferme les yeux. Elle adore cette sensation. Elle flotte, elle tourne, mais se sent bien. Elle tient sa page d’un doigt et se concentre sur ce qui lui parvient du salon. Elle perçoit quelques bribes des conversations qui se tiennent dans la cuisine. La nuit est déjà bien avancée et elle sent au son de leurs voix que les invités sont déjà dans un autre monde. Elle sourit ses lèvres trempent encore une fois dans le liquide incolore. Elle a finit par trouver ça bon, la vodka pure, après quelques gorgées.
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