Elle et moi

Le calme avant la tempête

L'eau me passe dans la bouche puis rentre dans mes poumons. Elle me les compresse durement. Je vois trouble, il fait très sombre. Il n'y a seulement que quelques touches de lumière comme les étoiles au-dessus des vagues et la Lune qui se moque de moi, avec son grand sourire étincelant. Elle m'éblouie. Elle m'aveugle carrément. Elle prend toute la place, et j'entends les pleurs de Juliette au loin, semblables à ceux qu'elle émettait lorsque l'on s'est rencontré. L'eau dans mes poumons m'étouffe, me fait mal. J'essaie de me débattre dans cette eau noire. Je n'arrive pas à remonter à la surface. Je pleurs, et c'est Harry qui me réveille. Je suis chez lui. Je suis en sueur et je tousse pour faire sortir l'eau. Sauf que rien ne sort. « Hey Louis, ce n'était qu'un cauchemar. » Oui Louis, ce n'était qu'un cauchemar. Je souffle un peu de soulagement. Harry est là, tout va bien, je ne vais pas mourir. « Il faut que j'aille voir Juliette, Harry. » Je me lève d'un seul coup mais je me rassois directement. Un tournis me prend, je commence à avoir la nausée. Harry comprend que je ne vais pas tenir le coup alors il va vite chercher une bassine derrière le comptoir. Je me penche au-dessus, ma gorge se contracte sauf que rien ne sort. C'est évident, je n'ai rien mangé aujourd'hui. Je viens de remarquer qu'Harry me tient la main. Il me la caresse avec son pouce, doucement. Il me passe la main dans les cheveux pour me les repousser en arrière et je me plonge dans ses yeux très bleus. Je les aime, ses yeux. Je me sens un peu mieux. Je me rallonge sur le canapé et Harry me caresse le front. Il m'apaise. Je me sens vide, j'aime bien. J'ai l'impression que quelque chose en moi s'en est allé et ça me libère. Je m'endors, et lorsque je me réveille, il fait jour. Le soleil qui se reflète sur l'eau par la baie vitrée me fait garder les yeux mi-clos. Je sens une odeur venir me chatouiller les narines et j'entends mon ventre gargouiller. Lorsque j'ouvre les yeux en grand, je vois une assiette de poulet et de pommes de terre juste devant mon nez. Plus loin, près de la vitre, se trouve Harry. Il est de dos, et ses cheveux bouclés brillent grâce au soleil. D'ailleurs, il doit aussi taper sur son visage. Et j'imagine très bien la sensation. Ça m'a l'air très agréable. Je prends l'assiette et je mange tout en le regardant. Je me sens bien. Je suis paisible et je pense qu'Harry aussi. Ce moment est aussi doux que lorsque je lui avais caresser la main la première fois. Je l'observe un peu, je décortique sa peau, en long en large. Je remarque que sa joue est rosé, presque rouge. Puis ça me rappelle soudain ce qu'il s'est passé hier. Hier, le sang, le sable, Harry, Juliette, la mer. Juliette, Harry, la mer. Juliette, la mer. Je lâche l'assiette et on l'entend se briser en des milliers de morceaux. On l'entend très fort. Elle casse sur son passage le silence calme et paisible qu'il s'était formé. Elle se fracasse comme mon cœur dans ma poitrine. Et pour ne plus qu'il n'y ait aucun silence, je hurle de toutes mes forces. Juliette, mon amour, Juliette.