Le comte, la gouvernante et la petite peste

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Louise regardait l’imposante bâtisse avec un mélange d’appréhension et d’excitation. Elle n’avait jamais vu maison plus majestueuse de toute sa vie. Il faut dire qu’elle n’avait pas vu grand chose jusqu’ici. Elle se tenait à l’entrée de l’immense portail en fer forgé, ses valises à la main, les seules biens qu’elle possédât. Le chemin qui menait au manoir était en gravier blanc et des haies taillées à l’anglaise escortaient les visiteurs jusqu’au perron, plus intimidant que jamais.

Louise sentit l’angoisse lui étreindre l’estomac. Et si elle ne parvenait pas à faire sa place? Et si la petite la détestait au premier coup d’oeil?

Elle secoua la tête afin de chasser ces pensées négatives et s’avança résolument vers l’entrée. Ses bagages pesaient lourds dans ses mains moites et la hanse ne cessait de glisser, à son grand désarroi. Elle finit tout de même par atteindre l’énorme porte en chêne massif et leva une main hésitante vers le heurtoir. Son avenir se jouait en cet instant de flottement. Oserait-elle aller jusqu’au bout, cette fois?

Elle déglutit et saisit fermement la main en fer puis frappa trois coups contre le battant.

Elle attendit dans un silence anxieux, son ventre noué par la peur.

La porte s’ouvrit tout à coup, la faisant sursauter. Un homme à l’apparence austère et au costume impeccable l’accueillit en haussant un sourcil poilu. Il était imposant pour le moins, presque aussi large qu’il était grand. Son crâne quelque peu dégarni luisait au soleil et ses yeux bleus perçant la détaillait sans mot dire.

-Bonjour, balbutia-t-elle en anglais. Je… je voudrais voir Lord Stanford.

Le majordome resta stoïque.

-Je suis sincèrement navré, Lord Stanford est absent. Qui dois-je annoncer?

Quelle sotte! s’admonesta-t-elle intérieurement. Pourquoi n’avait-elle pas commencé par se présenter?

-Oh, oui, veuillez excuser mon impolitesse. Je suis miss Dutin, la nouvelle gouvernante de miss Stanford.

Les yeux du majordome se voilèrent un instant. Etait-ce de la pitié qu’elle venait de voir passer sur son visage? Néanmoins il reprit son air impassible presque aussitôt, si bien que Louise se demanda si elle n’avait pas rêvé.

-Bien entendu, entrez donc, miss Dutin. James? Mary?

Le majordome frappa deux fois dans ses mains et un jeune homme à peine plus vieux qu’elle apparut sur le champ. Une vieille dame essoufflée ne tarda pas à se joindre à lui.

-Veuillez prendre les bagages de miss Dutin et montrez lui ses appartements. Mary, il est préférable d’attendre le retour du Lord Stanford pour présenter miss Dutin à miss Stanford. Le maître a de toute façon demandé à ce qu’il en soit fait ainsi.

Louise haussa les sourcils de stupeur. Pourquoi tant de précautions? Et surtout que signifiait cette lassitude qui perçait dans sa voix?

-Veuillez me suivre Miss, murmura la vieille dame au chignon sévère. Elle était tout en rondeurs et portait une tenue de servante, une robe grise et un tablier blanc noué autour de la taille. Au premier abord elle pouvait intimider, mais finalement une grande douceur se dégageait de ses traits. Ainsi qu’une grâce peu commune.

Alors que James se saisissait de ses valises non sans lui sourire avec séduction, elle pénétra dans le hall, atterrée. Dans quel foyer avait-elle atterri?

Elle oublia vite ses interrogations quand son regard se posa sur le mobilier de la demeure.

Elle ne put s’empêcher de grimacer.

Attrape-moi Si Tu PeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant