Toi

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Je n'ose la toucher et pourtant c'est la seule chose que je veux, la seule chose que j'ai jamais voulue, la seule chose que je veux encore faire. Elle a peur, je le vois dans son regard. Pas de moi, peur d'être devenue folle, peur de rêver. Elle croyait m'avoir perdu. Ses lèvres tremblent, je souris. Je suis heureux de la voir. Mon cœur cogne à tout rompre dans ma poitrine, elle effleure ma joue du bout de ses doigts. Ils sont si doux et chauds sur ma peau.

Tout à coup elle lève les yeux vers le ciel. Un bombardier passe au-dessus de nous. Je vois sa soute ouverte. Je vois la masse noire qui s'en échappe. Je sais ce que c'est parce que Ryan le savait, une FireSky à charge nucléaire tactique. Lydia le sait aussi, nous sommes trop près.

Alors que je sais que la bombe va nous tuer, je prends la femme que j'aime dans mes bras. Je veux la voir vivre, je veux la protéger, mon hôte n'a pas hésité une seconde dans le choix du sacrifice. Je respire une seconde son odeur réconfortante. Elle pose sa tête contre ma poitrine.

Simplement.

Le ciel s'embrasse lorsque la bombe explose. Moins d'une seconde après, l'onde de choc nous frappe. Il n'y a aucune douleur.

Mon essence est arrachée au corps déchiqueté de l'humain que je suis devenu. Je perds ma structure, ma conscience vacille. Je perçois l'esprit de Lydia qui déjà se dissout dans le néant. Elle n'est pas encore prête à la transcendance, je vais la perdre, mon esprit rationnel le sait. Et pourtant je ne peux me réduire à la laisser disparaître. Mon aura s'accroche aux volutes de son esprit dans une danse frénétique et désespérée. J'ai fait mien l'amour de mon hôte pour elle. Je ne peux accepter sa mort. Mais je ne suis pas assez fort pour retenir la cohésion de deux esprits. Alors je fais ce choix.

Celui de l'humain, celui d'un être physique.

Je lui transmets mon énergie et ma cohérence... Je lui ouvre la porte vers la transcendance. Après une temps infini de doute, je la sens qui se cristallise dans la pensée supérieure. Elle se concentre sur ce point sur je lui montre. Elle a réussi. Je suis soulagé de la sentir s'élever vers une nouvelle strate de conscience.

Alors, moi qui ai vécu, devenu esprit immortel, puis vivant à nouveau, je me laisse aller au néant. Heureux. Vibrant. Je me laisse aller...

À l'oubli.

Par amour.




[1827 mots]

ParasiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant