Un porteur de neige avait pas mal de temps libre. Autant la Fée des dents travaillait à temps plein, autant lui n'était qu'un saisonnier. Certes, la Terre tourne et la neige tombe dans de nombreux pays.
Cela dit, entre les endroits où la neige ne fondait pas, et ceux où elle ne tombait pas, ses heures de travail étaient relativement souples, lui offrant du temps... eh bien... à perdre. Mais à perdre agréablement !
S'envoler, embêter le lapin de Pâques, jouer avec les enfants et profiter des boules à neige de Nord, qu'il lui empruntait discrètement, et remettait ensuite à leur place.
Le vieux nordique laissait traîner partout ces petites merveilles débouchant sur d'autres mondes lointains. Tellement qu'ils n'étaient parfois même pas territoires des Gardiens.
Un jour, une des boules à neige l'avait conduit en Arendelle. Dans un monde enneigé, où personne ne pouvait le voir. En toute logique, puisque sa légende n'y existait pas. Étrangement, ce qui causait autrefois sa solitude se révélait aujourd'hui rafraîchissant, identique au plongeon épuré de la crainte de la noyade. Se dire « finalement, ce n'était pas si terrible ».
Se dire « Je n'ai pas souffert. ». Sentir l'organe vital se contracter à cette seule pensée. L'ignorer et avancer. Parce qu'on est grand, maintenant.
On est un homme. Une légende.
Curieux comme la mémoire refoule l'intensité des souffrances pour les transformer en souvenirs flous. Ce doit être ce qu'on appelle l'instinct de survie.
Au départ, il se contentait de se promener à travers le pays. Les montagnes toujours enneigées, les rues bondées, les forêts désertes à l'exception de quelques montagnards égarés. Il avait écouté Arendelle battre au cœur de ses recoins les plus secrets. Il y avait vu la vie ordinaire, et entendu des histoires de princesses orphelines et de souverains disparus en mer.
Puis un jour qui aurait dû être printanier s'était révélé glacé comme l'Antarctique. Un froid qui n'avait rien de naturel s'était emparé d'Arendelle L'hiver avait recouvert tout le territoire.
Un superbe hiver qui l'avait conduit dans les montagnes, au-dessus d'une construction qu'il avait d'abord prise pour une hallucination. Mais non, non. Un château en glace d'une quarantaine de mètres de haut sur le flanc d'une montagne, en Arendelle, c'est une réalité. Même s'il a été construit en une minute trente.
Un temps restreint, très inspiré.
Des parois translucides traversées par la seule lumière de l'aube, du jour et de la lune, des colonnes se parant tour à tour de violet, d'orangé, d'un faible bleu et de rayons étincelants ; des tours travaillées et tranchantes ; un escalier aux arabesques élégants et aux marches lisses ; deux grands battants de porte, d'autant plus impressionnants qu'ils paraissaient toujours fermés ; enfin, un balcon en demi-lune, offrant une vue imprenable sur les montagnes blanches et féériques d'Arendelle.
Époustouflant.
Il aurait pu regarder cette œuvre d'art pendant des heures, mais il avait finalement choisi de la visiter. Toute aussi majestueuse à l'intérieur qu'à l'extérieur. L'œil grand ouvert, il scrutait le bâtiment de glace, émerveillé. Jamais il n'avait pu faire quelque chose d'aussi travaillé, et ce n'était pas faute d'avoir essayé, en trois cents ans. Puis, au détour d'une pièce épurée - et vide - il avait croisé la propriétaire et bâtisseuse du lieu.
Les cheveux blond platine, à la limite du blanc, la peau pâle exhalant une fraîcheur hivernale, les yeux bleus étincelants sous un maquillage rosé, des lèvres petites et fines, le corps mince moulé dans une robe bleu ciel d'hiver surmontée d'une cape diaphane incrustée de cristaux de neige, le tout délicatement harmonisé.
Époustouflante.
Somptueuse.
Ce jour-là, en quittant le royaume, il n'avait pas remis la boule à neige à Nord. Il l'avait gardée sur lui, précautionneusement. Il est des choses trop précieuses pour les restituer.
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Je suis ta légende (Jelsa)
Fanfiction(Jelsa) Un jour d'ennui, Jack vole une des boules à neige de Nord, puis la traverse pour se retrouver en Arendelle, devant une forteresse de glace. Fasciné par la propriétaire des lieux, qu'il a entrevue quelques instants, il ne peut s'empêcher d'y...