Chat Noir, Blouse Blanche, partie 2

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Chapitre 2: "Bring Me To Life" 

Je sens la pluie ruisseler sur mon corps à moitié nu, seulement recouvert par quelques lambeaux de ma blouse déchiquetée par le doublement de ma masse corporelle lors de ma transformation. J'ai froid, je ne suis plus couverte de cette fourrure qui m'aurait été d'un grand secours pour conserver ma chaleur corporelle, mais aussi repousser les personnes qui s'approchent de moi pour essayer de me relever. Je suis épuisée, plus par mon changement de forme que par ma chute qui n'a bien évidement pas été violente grâce à mes capacités physiques communes à celles des chats (qui, comme tout le monde le sait, retombent toujours sur leurs pattes). Mais malgré mon corps tétanisé par le froid et mon esprit qui reste encore tourmenté après une telle fuite (oscillant entre la satisfaction d'être enfin sortie de cet hôpital et l'incertitude quand à mon avenir qui s'annonce périlleux), je ne peux restée allonger là, au pied de ce lieu de tortures où je risque de retourner si je ne prends pas vite mes jambes à mon coup. De plus, l'attroupement qui se fait autour de moi va très certainement alarmé la sécurité de l'hôpital, alors je dois impérativement remettre mes idées en place et fuir me cacher dans un recoin où je pourrai réfléchir à cette situation problématique en paix. Si seulement je pouvais me transformer, je ferai déguerpir toute cette populace agglutinée autour de moi comme des guêpes autour d'un morceau de sucre, mais je n'en ai pas la force. Je prends une grande aspiration (ma deuxième depuis ce matin, ce qui montre à quel point je suis malmenée aujourd'hui...) ramène le peu de bout de tissu en ma possession sur mon corps gelé, m'accroupis et  me relève comme le peuvent mes jambes trop faibles pour supporter sans difficulté mon corps pourtant frêle. Sans me poser plus longtemps de question, je fonce tête baissée dans la foule, peu importe si je me blesse ou me fais bousculer. J'arrive à m'extirper in extremis de cette masse de humaine mais je ne m'arrête pas: j'ai distingué un peu plus loin une ruelle sombre et embrumée qui me dissimulera le temps que je trouve un endroit encore moins exposé où me cacher (j'espère surtout tomber sur une église, même si ça me paraît trop beau, car là-bas au moins personne ne pourra me poursuivre et je serai protégée par les voix impénétrables du seigneur et le calme majestueux des statuts de saints aux visages graves).  

Je continue donc ma course effrénée vers cette ruelle que j'arrive à atteindre sans trop de soucis, puisque les passants sont un tant soit peu sidérés de voir que j'ai encore assez de force pour me déplacer à une telle vitesse (ce qui est aussi mon cas) après une chute de plusieurs étages. Arrivée à ce point, je m'adosse contre un mur de briques pour reprendre mon souffle, je suis épuisée mais l'épaisseur de cette brume me fait me sentir comme protégée, même si je distingue à peine le bout de mes orteils. Je tends l'oreille, aucun bruit venant de près, je n'entend que le son lancinant et incessant de la ville en mouvement. La voie est libre, je me hisse sur la pointe des pieds pour pouvoir voir au dessus de cette purée de pois, rien non plus: parfait. Je m'avance doucement, mes sens aux aguets. Au bout de la ruelle je regarde à droite puis à gauche, et c'est à ce moment que je me dis que, au moins une seule fois dans cette fichue journée, la chance me sourit enfin: une petite église de style roman se trouve un peu plus loin, paisible, coincée entre un cimetière (aux tombes tassées les unes contre les autres), et une vieille bâtisse accolée à l'église (qui doit très certainement être le presbytère). 

La porte d'entrée en bois, avec ses larges clous en fer à la couleur passée par le temps, trône devant moi comme le gardien d'un sanctuaire. Je pousse délicatement l'un de ses pans, la porte s'ouvre avec lenteur en grinçant légèrement. Les pierres du sol sont froides sous la plante de mes pieds nus. La lumière est tamisée et l'air empli d'une douce odeur d'encens, devant moi se tiennent quelques rangées de bancs. Vue de l'intérieur l'église n'est effectivement pas très grande, mais ça la rend chaleureuse, comparées aux les grandes cathédrales habillées de marbre et de dorures où je me suis toujours sentie oppressée. La décoration est d'ailleurs très sobre, un petit autel de pierre recouvert d'un drap est placé au centre du choeur et baigné dans la lumière colorée des vitraux, mais peu intense car le soleil est en train de se coucher. Mais je ne suis pas seule: je distingue près de cet autel un petit homme chauve aux lunettes rondes et au visage rond lui aussi, un doux sourire sur les lèvres. Il confectionne un bouquet de fleurs et ne semble pas m'avoir remarqué; il est d'une robe noire à collerette blanche, aucun doute possible: ça ne peut être que le prêtre de cette église. Ne le considérant pas comme une menace directe, je décide de m'approcher de lui avec précaution pour ne pas le déranger dans son oeuvre.

Chat Noir, Blouse BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant