Chat Noir, Blouse Blanche partie 3

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Chapitre n°3: "I must confess..."

Un modeste confessionnal se trouve non loin du choeur, le prêtre marche à mes cotés, ses mains dans ses manches démesurément longues et larges. Nous savons tous les deux que ce que je vais confier dans très peu temps pourrai bouleverser l'ordre naturel de ce monde si jamais il franchissait les portes de cette petite église: les scientifiques déments à l'origine du drame de ma vie sont bien trop orgueilleux d'avoir accompli une telle "prouesse" scientifique, dépassant de loin le fruit de l'imagination des plus superstitieux et des plus désaxés, pour laisser se répandre Ce Secret...Et ce secret c'est moi, ce que je suis devenue par leur faute! 

La colère monte en moi alors que je m'assoie dans un des compartiments du confessionnal. Je ne dois pas me précipiter dans mon récit, je dois laisser du temps au prêtre pour qu'il comprenne ce que je vais lui conter. Après tout, un esprit comme le sien ne sera pas surpris par un récit où le surnaturel et l'inimaginable règne en maîtres, il croit bien en des écrits dans lesquels un homme marche sur l'eau et transforme ce même liquide en vin... je ne vois pas en quoi des histoires d'expériences scientifiques d'une cruauté comparable de celle infligée au Christ le feraient trembler sous sa soutane.


Je me lance: "Commençons donc par le commencement.

Il y a encore 6 mois de cela je vivais seule avec mon grand frère de 21 ans, Charles, accro à toutes les formes de drogues existantes; et notre chatte Blacky, une petite boule de poils noire comme la suie, aux yeux jaunes et aussi calme que molle. En réalité, la seule personne active de cette maison c'était moi. Pas seulement active parce que j'étais la seule à poursuivre des études (des études d'archéologie plus précisément, j'étais en première année à l'université) mais aussi parce que toutes les tâches nécessaires pour tenir une maison et faire vivre un semblant de famille, c'était moi qui les effectuais. Cuisine, course, lessive, vaisselle, ménage, repassage, nettoyage de la litière et ramassage de mégots de joints... tout ceci était le lot de mon quotidien, que je devais combiner avec les cours. En soi je n'avais jamais le temps de me reposer, de lire ou de regarder un film, car tous ces loisirs de la vie étaient supplantés par des contraintes hygiéniques mais aussi d'apprentissage. Ni la chatte, ni ma plante verte (tout aussi verte que l'herbe qu'il fumait) de frère ne pouvaient m'aider car tous les deux n'en avaient pas la capacité. Blacky parce que son surpoids l'avait transformée en larve seulement capable d'effectuer le trajet, pourtant très court, gamelle-canapé; et Charles ne quittait sa chambre enfumée que pour se nourrir de plats préparés, qu'il engloutissait parfois froids, sa consommation excessive de produits illicites lui ayant enlevé le goût des bonnes choses et le sens des réalités.

Nos parents avaient été tués dans un accident de voiture alors que je venais à peine de fêter mes 12 ans, ils avaient effectué une sortie de route un soir d'hiver en rentrant de l'inauguration d'un nouveau musée en ville (les civilisations anciennes avaient toujours la passion de mes parents, je crois que c'est pour leur rendre hommage que je me suis intéressée assidument à l'archéologie), le verglas les ayant fait perdre le contrôle de l'automobile qui s'était alors transformée en véritable toupie. Nous avions appris la nouvelle seulement le matin, notre grand-mère qui nous gardait alors que le drame avait eu lieu, c'était endormie à force de pleurer la mort de son fils et sa belle-fille, épuisée par l'émotion et le torrent de larmes qui s'était déversé de ses yeux.

Nous avons mis plus d'une demi année pour faire notre deuil, et c'est à cette période que mon grand frère s'est mis à fumer à une fréquence dangereuse. Notre grand-mère qui, en vue des circonstances, était venue habiter chez nous, ne connaissait pas assez bien Charles pour se douter qu'il avait changé. Après tout, seules les mères peuvent percevoir la moindre petite chose anormale chez leurs enfants. Mais maman n'était plus et Charles devenait inexorablement prisonnier de son addiction, surtout après le départ de notre grand-mère, lorsqu'il est devenu majeur et donc par la même occasion le propriétaire d'une partie de la maison et mon représentant légal (il en avait été décrété ainsi avant que la drogue ne le fasse ressembler à un légume aux yeux injectés de sang, il avait alors l'allure d'un jeune homme lambda, quoique avec un air un peu fatigué). C'est alors que je suis devenue une véritable petite Cendrillon, comme je vous l'ai décris plus tôt.

Chat Noir, Blouse BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant