Le ballon rouge

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Elle était si jolie en ce jour de Mai. Un ange, un rayon de soleil. Le rayon de soleil qui éclairait sa vie.
Ses cheveux châtain volaient au vent, ses beaux yeux verts, si rieurs, s'illuminaient en le voyant. Elle était sa raison de vivre. Lucie Delaunay. Une adorable enfant de trois ans, une petite sœur formidable. Une étoile dans un ciel nuageux. Oui, une étoile dans un ciel noir : une étoile filante.

L'enfant se tourna vers son grand frère, "Thomas, Thomas veux ballon" quémanda-t-elle. "te plait" ajouta-t-elle de son air le plus angélique, suppliant du regard ce garçon qu'elle respectait tant.
Thomas s'arracha à son texto et regarda le vendeur ambulant. Il regarda sa petite sœur et sourit avec attendrissement. Les seuls moments où Thomas quittait ses airs de dur, ses airs de grand, de bagarreur rebelle. Il n'y avait qu'avec elle qu'il était gentil, qu'il souriait ainsi, qu'il riait autant. Il n'y avait qu'avec elle qu'il se permettait d'être lui-même.

Alors bien évidemment il accepta. Il accepta d'acheter ce petit ballon rouge, ce maudit ballon rouge.
Et comme elle était contente la petite Lucie. Elle était ravie. Elle se promenait fièrement au bord du lac, une main tenant fermement celle de son frère, l'autre brandissant son cher ballon. Et elle souriait. Tellement heureuse d'avoir son frère rien que pour elle cet après-midi là. De pouvoir se promener seulement avec lui, sans leurs parents qui énervait toujours tant le garçon. Lucie leur en voulait, à ses parents, de rendre Thomas malheureux. Et ses parents en voulaient à Thomas d'avoir une telle influence sur sa sœur. Mais il en était fier lui. Il aimait sa sœur, et il était fier d'avoir cette influence sur elle.

Thomas s'arrêta, et s'assit dans l'herbe avec la petite fille, face aux eaux scintillantes du lac. Elle resta allongée un instant mais se releva très vite. Elle était incapable de tenir en place, la pauvre petite était atteinte d'hyperactivité. Elle s'éloigna de quelques pas, jouant avec son ballon. Elle était sûrement déjà partie dans un autre monde, peuplé de fées, de magie, de princesses, de dragons et de sorcières. Comme beaucoup de petites filles de trois ans.
Le garçon la surveillait du coin de l'œil. Il continuait d'envoyer quelques textos. Quelle inconscience, dirait-on, d'offrir à un enfant de neuf ans un téléphone portable. Un enfant gâté, pourrait-on ajouter. Mais c'était pourtant tout sauf ça. Thomas n'était pas gâté, il était en conflit perpétuel avec ses parents. Ses parents qui ne comprenaient pas le problème de leur fille. Qui ne comprenait pas que l'enfermer la rendait folle. Qui ne comprenait pas que ce garçon de neuf ans puisse avoir raison. Alors pour le calmer ils lui avaient donné un portable. Un portable qui ne le lâchait jamais. Hélas.

Il se surprit à fixer l'enfant avec un sourire attendrit. Cette enfant qui savait si bien peupler ce monde morne et triste pour le rendre palpitant et remplie de magie. Elle était la seule à pouvoir lui faire voir la vie en rose. Elle aussi l'aperçut, elle lui sourit. De toute l'innocence que peut avoir une si petite fille. Elle lui fit signe de venir, sûrement pour qu'il devienne une nouvelle fois le prince charmant, sauvant la princesse en détresse. Il se leva pour la rejoindre. Mais reçut un appel au même moment. Il lui fit signe d'attendre quelques instants et s'éloigna pour répondre à sa mère.

"-Thomas, il est temps de rentrer maintenant. La petite a classe demain.
-Il est à peine quatre heure, je voulais l'emmener prendre un goûter avant..."
La mère coupa court à tout discours. "Non, vous rentrez."
Le garçon soupira. "Encore une demi-heure, s'il te plait". Il se retourna pour voir sa sœur et s'assurer que tout allait bien. La petite fille continuait de jouer avec son ballon. Il se détourna de nouveau, il ne voulait pas qu'elle sente la contrariété sur son visage.

Un chien passa, la petite sursauta. Son ballon s'envola. "Ballon" s'exclama-t-elle en le regardant partir. Elle se tourna vers Thomas, il ne l'avait pas entendu, il était au téléphone. Elle savait bien que quand quelqu'un était au téléphone, on ne devait pas le déranger. Alors elle s'élança la poursuite du petit ballon rouge. Elle ne courrait pas vite bien sur, et elle ne réussit pas à l'attraper.

Thomas se disputait toujours avec sa mère, qui criait maintenant pour le faire rentrer. Alors il n'entendit pas le cri de la petite quand elle tomba dans l'eau. Il n'entendait le remous de l'eau alors qu'elle se débattait vainement, ne faisant que s'éloigner de la rive. Non, ce ne fut que lorsqu'une femme cria aux secours qu'il se retourna et vit cette vision cauchemardesque. Il vit celle qu'il chérissait tant, il vit sa petite sœur s'enfoncer dans l'eau. Il cria son nom et se précipita vers le lac, jetant son portable à terre sans plus se soucier de sa mère qui lui criait de l'écouter. Il n'hésita pas une seconde à plonger pour la récupérer. Mais elle avait déjà disparut de la surface. Et quand il la récupéra enfin, quand il arriva à la berge et qu'il réussit à la hisser hors de l'eau elle était inconsciente. Bien sur, à trois ans, elle n'avait aucune chance. Un promeneur avait déjà appelé une ambulance tandis que d'autres aidaient le garçon à la ramener sur la berge.

Thomas était penché sur elle, il ne connaissait rien, à neuf ans, à la réanimation. Il se contentait de la regarder désespéré et de chuchoter inlassablement "Lucie, Lucie, s'il te plait Lucie".
Quelqu'un essaya de l'éloigner. Il se débattit, mais il était trop faible. Il n'eut pas le choix. Et alors seulement il hurla. Il hurla et il pleura. Il hurla comme il n'avait jamais hurler, il pleura comme il n'avait jamais pleurer.

Quelqu'un tentait de la réanimer, et il ne se calmait pas. Il se débattait, toujours, sans répit.
En ce ne fut que quand, enfin, les pompiers arrivèrent et écartèrent les badauds, que celui qui le tenait le relâcha. Le garçon s'effondra à terre. Il regardait le corps inerte de sa petite sœur, le visage ravagé de larmes.

Les urgentistes commencèrent la réanimation. Ils firent tout ce qu'ils purent. Mais tout se révéla vain. Elle ne se réveilla pas. Thomas regardait sans comprendre, ou plutôt, ayant peur de comprendre.
On plaça la petite dans un brancard et il eut à peine la force de se lever pour la rejoindre dans l'ambulance.
Il pleurait silencieusement maintenant, ne sentit même pas la couverture qu'on plaçait sur ses épaules. Quelqu'un lui rendit son portable. Il le prit sans y faire attention, le regard rivé sur sa sœur

L'un des ambulanciers s'assit à côté de lui. "Elle n'est pas morte" tenta-t-il de la rassurer. "Elle est inconsciente mais elle n'est pas morte". Thomas ne comprit pas le mot inconsciente, mais il hocha la tête.

Le trajet fut court, et une fois arrivé, le petite fut emmenée dans une salle. Une salle où Thomas ne pouvait pas la suivre. Le même ambulancier resta avec lui. "Est-ce que tu as un moyen de prévenir tes parents ?" demanda-t-il. Thomas tendit son portable, mécaniquement. Il appuya sur la touche appeler, et le numéro de sa mère se composa. L'ambulancier le prit , surveillant du coin de l'œil ce petit au regard vide, figé sur la porte où avait disparu sa sœur.

La mère fut informée, elle informa le père. Et en moins de dix minutes ils étaient là. Bouleversés.
Le petit n'eut aucune réaction en les voyant, et ils attendirent en silence. L'attente fut interminable pour ces trois personnes, pour cette famille qui mourrait d'inquiétude.

Et quand enfin un médecin sortit, l'air grave, il ne put qu'annoncer : "Je suis désolé, je n'ai rien pu faire".
La mère s'effondra dans les bras de son mari. L'enfant resta imperturbable. Lentement il s'éloigna. Il sortit de l'hôpital. L'ambulancier le suivait de loin, s'assurait qu'il ne ferait pas de bêtise.
Non, Thomas se contenta de s'éloigner de quelques pas et alors seulement il laissa échapper sa douleur. Il hurla, il lança son téléphone contre le mur. Ce téléphone. Ce maudit téléphone qui l'avait fait faillir à sa tâche de grand-frère. Ce maudit téléphone qui l'avait déconcentré. Ce maudit téléphone l'avait détourné de son attention. Il avait suffit d'une seconde pour que tout bascule. Pour que l'euphorie devienne fatalité.

Comment était-ce possible ?

Sa petite sœur, cet ange, cette petite fille qui méritait tant de vivre ! Pourquoi avait-il fallu que ça arrive ?
Elle était sa raison de vivre, son soleil. Et maintenant elle était partie.
Il se sentait oppressé, il avait l'impression qu'on l'étranglait, qu'on le poignardait. Lucie Delaunay n'était plus.

Il avait suffit d'un petit ballon rouge...

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Coucou ♥

Voici une petite nouvelle que j'avais écrite pour l'un de mes personnages, Thomas, il y a un an. J'espère qu'elle vous aura plu, n'hésitez pas à voter ou partager et surtout n'hésitez pas à commenter vos impressions, c'est important pour moi ! :)

Pour ceux qui ont lu "Au-delà", j'ai réalisé seulement après que j'ai choisi deux fois le prénom Thomas pour les garçons... Il faut croire que j'aime ce prénom ;) Bien sur il n'y a aucun rapport entre ces deux personnages, c'est un pur hasard... Je m'excuse pour ce manque d'originalité! Haha

Je vous fais des bisous, je vous aime fort ♥

Julia

When speaks my heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant