Chapitre 4

273 22 8
                                    

J'avais toujours cru que les travaux de corvée au lycée étaient une sorte de mythe, ou un truc censé dissuader les élèves de faire des conneries, dans le genre dégrader du matériel ou cracher son chewing-gum par terre. Tout le monde pensait plus ou moins que c'était une pratique abolie depuis les années soixante avec les coups de règles sur les doigts comme punition-bon ok, j'exagère. Toujours est-il que, désormais à quatre pattes sur le sol en train de frotter le carrelage-jusqu'à ce qu'il luise, comme nous avait ordonné la dame de ménage qui était censé officiellement nous encadrer, mais qui officieusement, été partie fumer sa clope- je faisais bien moins la fière et je ressassais dans ma tête  les événements de la journée en me demandant sans cesse à quelle moment cela avait-il pu bien partir en couille. 

D'accord, je vous l'accorde, il y a pire que d'être affublée d'un tablier troué orange-qui me faisait plus penser en réalité a une combinaison de détenu qu'à un habit de travail- et de tremper ses mains dans une eau savonneuse gelée pour nettoyer un carrelage qui sera souillé délibérément quelques heures plus tard  par des petits cons qui se foutent royalement de la propreté, et vous le savez pertinemment puisque vous faites partie intégrante de ces petits cons. Oui, il y'a pire que de cramer son après-midi et sa soirée en travaux de corvée pour une stupide bataille de nourriture, selon les dires du proviseur, il y a pire que de se casser les ongles que vous avez mis deux semaines et demi à entretenir convenablement en désincrustant la pierre, pire que de décoller les chewing-gum déséchés sous les tables et tenter d'effacer les écritures encrées, semblant être gravées sur les tables de classe et pire que d'être allergique à la poussière de craie en effaçant le tableau, se retrouvant ainsi avec un nez équivalant à la taille d'un poing.

II y a pire ; se retrouver dans cette galère avec Shawn. 

Quoiqu'il fasse, cet abruti avait toujours le sourire-vous savez ce sourire diabolique et ironique qui ne disparaissait jamais et qui m'agaçait tant ; il semblait toujours supérieur, même dans des activités auxquelles il n'était pas habitué (comme le ménage entre autres) et qu'il jugeait sûrement dégradantes. 

Bref, je passais un moment absolument génial, seule enfermée dans cette salle de classe avec mon ennemi détesté, celui à qui je devais ma première heure de colle et de travaux de corvées. 

Quand la porte de la classe s'était refermée derrière la dame de service qui nous quittait car elle avait "d'autres choses à régler"  -comme fumer sa clope, par exemple- me laissant ainsi seule a la merci de cet enfoiré, j'ai eu du mal à déglutir et j'aurais voulu la supplier de revenir. Et le silence pesant qui régnait dans la salle à cet instant me mettait d'autant plus mal à l'aise, que je savais que Shawn m'observait et ne semblait pas vouloir le cacher, ou du moins cela ne le dérangeait pas. 

-Tu devrais porter ce tablier plus souvent, le look de soubrette te va à ravir. Commença-t-il en prenant appui contre le bureau derrière lui. 

-Ferme là et nettoie, tu veux. Assénais-je sans relever la tête, j'aimerais bien terminer le travail pour sortir le plus tôt possible. 

-T'es pas payée à la quantité, Hudson. Répliqua-t-il, c'est pas parce que t'en a fait plus qu'il te laisseront sortir, mais bon si ça te botte de nettoyer, je te laisse dans ton trip ... Après tout, le ménage et toutes ses basses besognes, c'est ton domaine, non ? 

Je jetais négligemment l'éponge dans le seau, me fichant éperdument des éclaboussures d'eau grisâtre qui vinrent consteller le sol. 

-Toutes ses basses besognes ? Répétais-je n'en revenant pas, Mais comment tu peux dire ça ? T'es encore pire que je ne le pensais ! 

-Ah ouais ? Et tu me pensais comment, miss la soubrette ? 

Je secouais la tête, navrée. 

-Tu me dégoûtes.

Tant qu'on est jeunesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant