Tant qu'on est jeunes

Chapitre 15

Je relevais enfin la tête, l'ayant senti se rapprocher. Il était juste en face de moi désormais. 

Il haussa l'épaule droite, me fixant de ses yeux sombres. 

-En fait, c'est moi qui en joue. Avoua-t-il, presque gêné 

Je sentis un sourire étirer légèrement mes lèvres. Je détaillais les yeux de Shawn, puis son visage ; ces traits parfaits, cette gueule de bad boy richissime qui faisait craquer les filles, jouait vraiment du piano ? 

Si il m'avait dit ça, ce matin même, j'aurais saisit l'occasion pour me foutre de lui. Mais à cet instant, pourtant, j'étais étonnée. En bien, je veux dire ; j'étais presque admirative, qu'il sache en faire. 

-Enfin, j'en faisais ... Tenta-t-il de se rattraper 

-T'en a fait longtemps ? 

Il haussa les épaules : 

-Un peu plus de dix ans, ouais ... 

Vraiment, Shawn m'étonnais de minute en minute depuis que j'étais entrée chez lui. Peut-être n'était-il pas vraiment celui dont je me faisais idée. 

Je souris. 

-À ce niveau-là, ça ne s'oublie pas ... Observais-je 

Il haussa de nouveau les épaules, me rendant mon sourire. 

Il avait un beau sourire. Je parlais de ce sourire là, ce sourire franc, et amical, pas le sourire moqueur et hautain qu'il avait l'habitude d'arborer au lycée. 

-J'ai toujours voulu savoir jouer du piano ... Murmurais-je, comme pour moi-même. 

Je sursautais alors lorsque je me rendis compte que mes pensées avaient traversées le seuil de mes lèvres. 

Les yeux de Shawn pétillèrent. 

-Je te montre, si tu veux. 

Il prit place face au grand piano, sur le tabouret, et tapota du plat de la main l'espace restant sur le coussin de cuir à sa gauche, m'invitant à prendre place à côté de lui. Je m'exécutais alors, sans me faire prier. Un long silence s'en suivit. Je jetais un coup d'oeil à Shawn et regrettais immédiatement mon geste, me sentant alors encore plus gênée. Ce dernier finit alors par se racler la gorge, rompant ce blanc presque flippant qui s'était installé entre nous, puis reprenant de l'assurance il s'enquit avec un sourire en coin :

-Bon, qu'est ce que tu veux que je joue ?

Ca y'est, je crois bien que c'était la situation la plus bizarre de ma vie ; Shawn Graham qui jouait du piano-ce que je venais de découvrir depuis peu- me demandait à moi, accessoirement la fille qui pouvait certainement le moins supporter, ce que je voulais qu'il joue.

-Euh ... fis-je, en haussant timidement les épaules, j'en sais trop rien, en fait ...

Il planta pendant un instant son regard dans le mien. ça dura probablement une demi-seconde, je n'en sais rien. Peut-être plus. Peut-être moins. Mais durant cette demi-seconde, le temps sembla s'être arrêté, comme étiré. Je crois que c'était une des pires confrontations de regard que j'avais eu de ma vie. Par pire, j'entends intense, parce que, pour la première fois de ma vie, je regardais réellement Shawn dans les yeux. Je détaillais ses orbes noisettes, presque noires ; bien qu'elle ne soient d'une seule et même couleur, sans la moindre nuance de ton, elles n'en restaient pas moins expressives au contraire. J'avais comme l'impression, de déchiffrer Shawn à travers ses yeux, qui brillaient avec l'éclairage du salon, légèrement étirés, dans une expression sincère qui m'était adressée. Pour la première fois, je parvenais à déceler une émotion dans ses yeux, qui n'était pas du dédain ou de la moquerie, ni même cette suffisance qu'il avait l'habitude d'arborer lorsqu'il me parlait. Non, cette émotion était totalement différente, sans pour autant que je parvienne à mettre un mot dessus. Dans tous les cas, ce que je décryptais dans le regard de Shawn, ne me laissa pas de marbre. Un frisson parcourut mon échine, et mon coeur fit un bond dans ma poitrine.