It must have been love

PARTIE I

En mettant un pied sur la terrasse du restaurant de l'hôtel The NoMad, Tomas se demandait encore ce qui lui était passé par la tête pour accepter l'idée -qu'il trouvait toujours aussi saugrenue- de Georg. Dix ans s'étaient passés depuis qu'il avait quitté les bancs du lycée et le jeune homme ne s'en portait que mieux. La Collegiate School n'avait laissé en lui que quatre années d'amertume et un certain traumatisme, toujours enfouit en lui, dont il se serait bien passé.

Des guirlandes aux ampoules lumineuses et à la lumière chaude éclairait tout l'espace sur un fond de musique des années 1990 qui, à l'époque, avait rythmé toute leur génération. Les gens étaient tous bien apprêtés pour l'occasion, les hommes en costume et les femmes portant des robes de soirée légères, adaptées pour la douce chaleur estivale qui baignait la grosse pomme depuis plusieurs années. Mains moites profondément enfouies dans les poches de son trois pièces, Tomas ne dérogeait pas à la règle, portant un ensemble Hugo Boss sombre qui s'accordait tout aussi bien à son esprit. Il avait attaché ses longs cheveux en catogan, sa chemise entrouverte et son cou dégagé laissant apparaître le tatouage mauricien qu'il s'était fait faire à la fin de ses études supérieures. Sans surprise, son arrivée se fit remarquée alors que beaucoup posaient leurs regards sur lui, une grande majorité de l'assistance féminine se trouvant intriguée par la beauté presque indécente de cet homme mystérieux.

Si certains arrivaient à reconnaître en lui la personne de Tomas Trumper, beaucoup s'interrogeait sur son identité, et c'était légitime : rien ne pouvait le rapprocher de l'adolescent qu'il avait été, ou presque. Ses longues dreadlocks blondes avaient laissé place à une chevelure brune et fine, son corps maigrelet s'était transformé pour une musculature d'apollon soigneusement travaillée et entretenue, il avait grandi d'une quinzaine de centimètres et, enfin, son regard grisonnant qui, à l'époque, s'était trouvés caché derrière une paire de loupes au combien ringardes qui lui avait valu les surnoms les plus péjoratifs, était désormais dénué de tout accessoire suite à une opération au laser, lui enlevant toute once de myopie. En cet instant, Tomas était donc bien à mille lieux de l'image qu'il avait à l'époque alors que la grenouille ingrate qu'il était s'était transformée, non pas en prince, mais bien en dieu vivant.

« Ah, Tomi putain, t'es là ! » s'exclama une voix grave derrière lui alors qu'une mains large et ferme s'abattait sur son épaule. « J'ai eu un sérieux doute mais je suis heureux que tu sois vraiment venu. »

Sourire aux lèvres, le grand baraqué aux cheveux longs qu'était Georg se planta devant lui avant de le serrer amicalement dans ses bras. Il avait eu raison de s'inquiéter de la venue de son meilleur ami, alors que sans même être sorti de sa limousine, Tomas avait longuement hésité à en sortir pour s'engouffrer dans l'hôtel. Mais Tomas était un homme de parole et il avait promis de venir. Naturellement, c'était non sans avoir réservé une chambre dans l'établissement, pour pouvoir s'enfuir à tout moment, mais c'était déjà beaucoup aux yeux de Georg.

« Tu vas bien ? Bordel, t'as vu tout ce qu'ils ont préparé ? » continua le grand brun en survolant la grande terrasse du regard en bougeant doucement la tête en rythme. « Puis ça vaut bien le déplacement pour réécouter du Backstreet Boys hein. »

Cette remarque tira un petit sourire en coin à Tomas alors qu'Everybody résonnait, lui rappelant la vidéo playback déjantée qu'ils s'étaient amusé à tourner un après-midi, au lieu de travailler sur l'exposé de littérature américaine qu'ils avaient à réaliser.

« Bon, un point pour toi, je te l'accorde. », répondit enfin l'homme en bougeant légèrement la tête. Il était quelque peu tendu, alors que de nombreux regards étaient encore portés sur lui mais aussi son ami. « Ça va. Je t'avouerai que je serai pas contre l'idée de me casser, mais ce ne sera pas sans avoir bu un verre.