Un si beau blessé

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Mai 1550, Highlands, Ecosse.

Auberge Glencoe House, Plockton Centre.

Je suis à l'auberge depuis plusieurs semaines et je passe mon temps entre la caisse, les comptes, la gestion du personnel, l'élaboration des menus et la réception des clients. Je comprends que la femme de Maître Jacquin se soit tuée à la tâche. Je suis éreintée, fourbue, et chaque soir, je peine à monter dans les combles où se trouve ma petite chambre. Là, je m'affale sur ma paillasse et sombre dans un sommeil agité.

Maître Jacquin, inconsolable depuis la mort de sa femme, n'est plus que l'ombre de lui-même et se désintéresse de tout. J'essaye tant bien que mal de le raccrocher à la vie, mais étant sans héritier, il est comme moi, seul au monde. Il ne sait à qui léguer toute sa fortune, et un soir, alors que nous dînions tous les deux après le service, il me dit qu'il léguera tout son argent à la Confrérie si je l'aide à mourir. Je lui ai parlé de mes dons de guérisseuse, et plusieurs personnes ont déjà fait appel à moi pour diverses blessures ou maladies mineures. Evidemment, je lui ai répondu qu'il ne saurait en être question, que je donne la vie, pas la mort. Que je me suis attachée à lui, que je le considère comme le père que je n'ai jamais connu. Car Maître Jacquin est un homme foncièrement bon. Une petite flamme s'est allumée dans son regard morne et nous avons trinqué aux affaires et à la bonne fortune. J'ai bien conscience que ce moment de paix ne durera pas. J'ai toujours l'esprit tourmenté par la fin tragique de mes soeurs et le désir de vengeance. Je me réveille toutes les nuits, trempée et hurlante, me débattant sans relâche contre un feu qui me consume.

Cet après-midi là, ayant confié l'auberge à une servante, nous sommes partis nous promener au bord de l'eau. Nous devisions, bras dessus, bras dessous lorsque soudain, mon regard est attiré par une forme couchée dans les roseaux.

Je me tourne vers Maître Jacquin.

- Venez vite, Maître, on dirait bien un homme, un chevalier, regardez, il porte une armure. Il devait être au tournois, il y a joute en ville depuis quelques jours. Aidez-moi à le sortir, il doit être gravement blessé. Oh, Déesse, il aurait pu se noyer...

Nous nous activons auprès du corps, le retournant pour lui enlever son heaume. Je place son visage sur mes genoux, et inspecte ses multiples blessures au visage et à la tête.

- Voudriez-vous bien aller chercher une carriole et de l'aide, nous allons l'emmener à l'auberge. Il est gravement blessé à la tête et a perdu connaissance. Je dois vérifier s'il n'a pas d'autres blessures sur le corps.

En attendant le retour de Maître Jacquin, je repousse les boucles brunes, collées par la sueur et le sang, et caresse le visage du blessé. Ses paupières frémissent et de faibles râles sortent de ses lèvres charnues. Je me demande bien de quelle couleur sont ses prunelles. Mon coeur manque un battement. Je n'ai jamais tenu un homme si près de mon coeur, et je sens bien inconsciemment, que l'amour d'un tel homme pourrait guérir toutes mes blessures.

L'arrivée de deux hommes de l'auberge me coupe dans ma rêverie. Maître Jacquin est resté pour faire préparer un lit pour notre blessé. J'aide à le mettre dans la carriole, bien attentive à ce que sa tête soit bien tenue et je m'assois près de lui pour le maintenir. Tant que je ne l'aurai pas ausculté, je ne serai pas tranquille. Qui peut-il bien être ? Que lui est-il arrivé ?

Nous le montons directement dans une chambre, et je m'affaire autour de lui pour le déshabiller entièrement et l'ausculter. Il a un corps magnifique, musclé, délié et fait pour la guerre. C'est un chevalier, et un chevalier argenté. Son armure et ses vêtements sont de très bonne qualité.

Je vérifie tous ses membres, un à un, comme ma mère et mes soeurs m'ont appris à le faire, à la recherche de fractures ? Je note le coude droit fracturé, le genou gauche démit et diverses plaies au torse, au ventre et à la tête. Il a perdu beaucoup de sang. Je vais devoir recoudre les blessures du cuir chevelu, j'espère qu'il ne se réveillera pas pendant mon intervention.

DE FEU ET DE SANG Où les histoires vivent. Découvrez maintenant