Chapitre I : "Un mort qu'on abandonne est mort deux fois."

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-Marie Lefranc.

Assise sur le canapé, je fixe le plafond. Autour de moi le silence complet, pas de télé allumée comme d'hab ni rien. Absolument rien à part moi et ce putain de vide. Je pense et repense à tout, à ma vie, celle que je suis en me demandant ce que j'allais devenir...
  La seule chose que je souhaite plus que tout à ce moment précis est de partir loin, de disparaître et de me faire oublier. Pourquoi la vie est si cruelle ? Il faut encaisser sans cesse, sauf que j'y arrive plus. Vivre est devenu trop dur, trop lourd... Si seulement je pouvais y changer quelque chose, revenir il y a trois jours, trop putains de jours qui ont gâché ma vie, pour pouvoir t'empêcher de monter dans cette voiture ! J'aurais du inventer n'importe quel genre d'histoire insensée pour que tu reste avec moi. J'aurais... je sais pas. Je devais t'empêcher de partir et j'ai rien fait, j'ai échoué... Je savais bien que tu ne m'aurai pas écoutée mais j'ai même pas insisté... Je suis toujours pas au courant pourquoi, ni comment. Accident de voiture ou réglement de comptes ? Dans tous les cas je suis coupable ! J'avais un mauvais présentiment, j'aurais du te protéger. Pardonne-moi... Pardonne-moi de ne pas avoir été à la hauteur. Depuis ton départ je pleure des fleuves de larmes, j'arrive pas à arrêter. Je pense plus qu'à toi, chaque trait de ton visage, tes yeux noisettes et ta voix. La mélodie de ton rire ne cesse de se jouer dans ma tête, tes empreintes resteront à jamais dans mon coeur... Je calcule plus rien, plus personne. Les cours j'y vais plus, j'ai plus la tête à ça. Pourquoi y aller après tout ? Tu seras plus là à m'attendre à l'arrêt du bus, ou à côté de moi à chaque cours pour me déconcentrer. Ça fait trois jours que je passe mes journées couchée et que j'avale très peu de nourriture. J'ai envie de rien. J'ai perdu goût à la vie. Tu me manque tellement... Toi, celle que j'étais avec toi, nos délires, nos pétages de plombs. Toi, moi, nous... Bien plus qu'un ami, j'ai perdu un frère...

   Quelques heures plus tard, j'entends des enfants. Ça doit sûrement être Mounia et Mounir, les jumeaux. C'est mes neveux, ils ont 6ans. Mon frère Djamel et ma belle-soeur Azza devaient être là aussi. Ils sont mariés depuis maintenant 8 ans. Djamel c'est mon frère le plus âgé. Après lui, il y a Sakina (27ans), Abdel (20ans) et Fatiha (10ans). Il y a aussi Mehdi (24ans), mais avec mon père ils s'entendent pas très bien alors il a déménagé en face de notre immeuble avec un de ses potes. J'étais dans un autre monde, quand Aymen rentre dans la chambre.

- Aymen : Alya ?

  Je pose mon regard sur lui. Je le fixe.

- Aymen : T'a mangé aujourd'hui ?

   J'hausse les épaules pour lui faire comprendre que pas vraiment.

- Aymen : Tu veux pas parler ? Je comprend ...

  Je continue de le regarder en étant toujours aussi silencieuse. Je voudrais lui répondre mais j'en ai pas la force...

- Aymen : Demain c'est la levée du corps. Je me suis dis que tu voudrais savoir..

   Toujours aucune réponse, à part des larmes qui ont coulées sans que je puisse les retenir. Aymen me prend dans ses bras. ( Aymen est marié à Sakina depuis 5 ans, ils ont un fils : Brahim (3ans) ).

- Aymen : Mange un peu Alya. Rigole pas avec ça.
- Moi : Pourquoi la vie me l'a pris ?

  J'éclate en sanglots. Aymen me serre fort comme s'il pouvait recoller tout ce qui s'était brisé en moi.

- Aymen : Chut.. ça va aller Alya, ça va aller...
- Moi : Il a fait de moi celle que je suis...
- Aymen : Il était comme un frère pour toi j'sais mais c'est le destin tout ça.

  Je continue de pleurer. Puis Aymen me laisse un peu seule.
  Ta présence me manque. Tu étais tout pour moi, j'arrive pas à me faire à l'idée que tu sois parti... Sakina me ramène à manger. J'essaye d'avaler la nourriture du mieux que je peux. Je me rappelle toutes les fois où on allait au grec... La façon que t'avais de manger, tous ces fous rires que j'ai eu en te regardant. Mes larme coulent et se mélangent à la soupe après quelques cuilléres je laisse l'assiette de côté et me mets en boule. Demain ce sera la levée du corps, je dois y être. Ce vide en moi me ronge. Je passe encore un bout de temps à pleurer et je m'endors. Le lendemain on me secoue doucement.
- Moi : Qu'est-ce qui se passe ?

  J'ouvre petit à petit les yeux.

- Abdel : Tu voulais pas aller à la levée du corps ? Profite, Mehdi y va, il te raméne avec lui.

  Je fais un geste d'épaules en disant 'oui'. Abdel sort de la chambre, et moi je me prépare. Doucement, mais sûrement. Puis je descend et vois Mehdi dans sa voiture. Je monte à l'arrière. Devant il y a un autre gars. Il me regarde avec peine... Mon mal être touchait mon frère.

- Le gars : Oh Mehdi, c'est ta soeur ? Pourquoi elle parle pas ?
- Mehdi : Laisse la frère. Elle est pas bien
- Le gars : Elle a quoi ?
- Mehdi : Tu pose trop de questions toi

   Suite à ça, le silence règne. Le silence complet. Pas de musique, ni rien c'est à peine si on respirait normalement. Hakim... Hakim... Hakim... c'est la seule chose qu'il y a dans ma tête. On est allés à la levée du corps. Ta famille, tes proches tout le monde était présent. J'avais pas le courage d'aller voir ta mère, ni même tes soeurs... À la fin, Mehdi m'a pris dans ses bras et m'a raccompagnée à la voiture. Je traînais des pieds. C'était comme si c'était ma propre vie que j'étais venue pleurer. J'avais retenu mes larmes mais j'ai finis par craquer. Je me suis baissé jusqu'au sol, j'ai posé mes genoux au sol. J'ai tenu ma tête et j'ai crié. Et à ce moment là j'ai pleuré, encore et encore... Mehdi se baisse à mon niveau et essaye de me soulever mais sans résultat. Je le repousse. Quelqu'un finit par lui dire, " Laisse la, laisse lui du temps. ça peut lui faire que du bien." Je suis restée comme ça au moins un quart d'heure. Mehdi m'a alors levée et m'a fait rentrer dans la voiture. On est rentrés comme on est venus : dans le silence complet. Un gars de plus était dans la voiture. Arrivés sur le parking tout le monde descend. Je vois les gamins qui courent dans le quartier, ils rigolent. Et une fois de plus ton visage me revient. Il s'effacera jamais, je t'oublierai jamais. On avait des rêves plus grands que le monde, aujourd'hui j'suis plongée dans un cauchemar. J'ai perdu mon double, dans le combat de la vie je viens de perdre un membre.
   J'arrive devant la porte, Mehdi vient vers moi.

- Mehdi : C'est bon ça ira ? Tu peux monter toute seule ?
- Moi : ça n'ira plus jamais ...
- Mehdi : Alya, je suis sûre qu'il aurait pas voulu que tu reste comme ça

   J'ouvre la porte et je monte les escaliers. Ils font tous comme si c'était rien, comme si Hakim n'était rien alors qu'ils savaient tous à quel point il pouvait compter pour moi. En le perdant je me suis perdue, et plus jamais ça n'ira parce qu'il reviendra pas ...

À la tienne : Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant