Chapitre II - "La mort est le plus profond souvenir."

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- Ernst Jünger

Dans le salon je vois ma mère assise avec ma soeur Sakina. Je m'arrête pas et vais dans ma chambre. J'entends ma mère lui dire : "Tu vois comment elle est.. " Je veux pas inquièter ma mère, mais j'arrive pas à masquer ma douleur. Je m'allonge et me remets à fixer mon plafond. Au bout d'un certain temps, Sakina vient me voir.

- Sakina : Alya ?

Je la regarde.

- Sakina : Mama me dit que tu parles plus à personne, que tu mange rien. Alya c'est pas bon pour toi.

Je dis rien, et j'aurai préféré qu'elle dise rien aussi.

- Sakina : Alya !! On est là pour toi petite soeur, parle moi, dis moi ce qu'il y a dans ta tête reste pas comme ça, enfermée sur toi même...

- ... : Pourquoi tu force ? C'est trop tôt Sakina

Je lève mes yeux et voit Djamel.

- Sakina : Elle nous parle pas Djamel, si ça continue comme ça c'est elle qu'on perdra !

Elle se met à pleurer. Et s'en est trop pour moi ... Je me lève et commence à partir. J'ai pas envie d'en parler, pas envie de manger, j'ai pas envie d'aller bien. Je veux juste Hakim, mais personne ne me le donnera.

- Djamel : Alya pars pas, on va te laisser toute seule tranquille mais déconne pas.

J'écoute ce qu'il me dit, mais je dois sortir prendre l'air parce que je sais qu'ils ne comprendront pas ce que je leur dis pas. J'arrive dehors. Et je me demande où aller. Avant j'aurai su où aller, et vers qui me tourner mais maintenant je suis seule. Je vois, en levant les yeux, Mehdi qui rentre chez lui. Je vais le voir. Il me regarde, surpris.

- Mehdi : Tu fais quoi dehors toi ?
- Alya : Laisse-moi rester chez toi..
- Mehdi : Pourquoi wesh ? Tu veux parler ?
- Alya : Non, justement...

Il me laisse rentrer chez lui. Je vois des t-shirts et des chaussettes qui traînent un peu partout sur le sol.

- Mehdi (en me souriant): J'ai pas eu le temps de faire le ménage

Oui, j'ai vu ça mais ça m'étonne pas vraiment de mon frère. Je m'assois sur son canapé.

- Mehdi : Tu veux quelque chose ? Boire, manger ?
- Alya : Je veux dormir
- Mehdi : Dormir ? Je préviens mama que tu reste là alors

Il prend son téléphone et il appelle. Il a pas envie de l'inquièter et moi non plus. Il finit par raccrocher au bout d'un moment.

- Mehdi : Tu veux prendre le lit ?
- Alya : Canapé c'est bon
- Mehdi : Va dans mes tiroirs tu trouvera sûrement un t-shirt et un jogging pour dormir.

Je vais dans sa chambre. J'ouvre ses tiroirs et je cherche quelque chose à me mettre. Dans sa chambre il avait deux trois photos qui trainaient. Des photos qui datent maintenant. Je tombe sur une photo où il y avait lui, mon père et moi. Je dépose la photo et retourne au salon le voir.

- Mehdi : Euh, dans le frigo ya d'la bouffe et tout ça, le pyjama tu le mets dans la salle de bain parce que t'a vu j'ai pas envie mon pote rentre et il te voit ok ? Je t'ai mis une couverture et des oreillers. J'dois sortir moi.

Il s'avance vers moi et pose un bisou sur mon front. Il part et moi je m'assois sur le canapé. Je m'enroule dans la couverture et m'allonge.
Ton souvenir me revient en tête. Je me rappelle toutes ces fois où j'avais besoin d'aide et tu étais là. On pouvait compter l'un sur l'autre, et ça peu importe les épreuves qui venaient. Tu m'avais appris à croquer la vie à pleines dents. T'étais mon frère et on s'en foutait de pas avoir le même sang. Tu voulais aller loin dans la vie, t'étais pas forcément le plus sage mais c'était pas au quartier que tu voulais te vouer. T'étais pas parfait non plus, mais je te jure tu t'en rapprochais. Fallait bien te connaître pour comprendre à quel point t'avais un bon fond. Tu me disais souvent, " Un jour on partira loin, ma soeur, et je te ferais voir tout ce que la misére nous a pris jusqu'à aujourd'hui. Nous aussi on aura notre chance Alya". Rien ni personne ne pouvait nous séparer, pourtant aujourd'hui la mort t'a emporté. On dit que partir n'est pas facile mais sache que rester non plus.

Je finis par m'endormir. Plus tard je suis réveillée par du bruit.. Je me lève en sursaut. Je vois un mec qui ferme la porte d'entrée.

- ... (en allumant la lumiére du salon) : Tu dors sur le cana... Mais wesh d'où tu sors toi ?
- Moi : J'suis la soeur à Mehdi.
- ... : Ahok excuz' je savais pas tu faisais soirée pyjama ici
- Moi : J'suis pas là pour le fun
- ... : Bref j'vais dormir, éteint la lumiére stp
- Moi : T'as allumé, t'éteint.
- ... : Pffff toi ça se voit t'es la soeur à Mehdi hein

Il éteint la lumière et je m'allonge. Quelques secondes après je l'entend rentrer dans un meuble et chuchoter un "aïe". Mon frère a un colocataire spécial. Je me rendors et finit ma nuit tranquillement. Le lendemain matin je me réveille mais tout le monde dors encore. Je vais à la salle de bain, je m'habille et je laisse un mot à Mehdi pour lui dire que je suis partie. Il est à peine 8h du mat', dans le quartier il y a personne à cette heure-ci. Je décide de marcher un peu avant de rentrer chez moi. Je fais le tour de presque toutes les rues par lesquelles on est déjà passés. Chacune d'elles semble avoir gardé ton odeur, ou une trace de toi. Après quelques minutes je préfére rentrer. J'ouvre la porte et à peine rentrée ma mère me saute limite dessus.

- Mama : Faut pas partir ma fille, si tu veux parler tu parlera si tu veux pas tu le fera pas. Personne t'obligera
- Moi: Oui mama..

Je vais dans ma chambre et me cherche un pyjama à mettre. En fouillant je tombe sur un t-shirt à Hakim qu'il m'avait prêté pour le sport. Je le serre contre moi.. Je sens que mes larmes montent à nouveau, et une fois de plus j'suis incapable de les retenir...

- Abdel : Tu nous fait quoi là ?

Je le regarde et je le vois à ma porte et son pote juste derrière qui regarde. Je me suis sentie violée dans mon intimité, j'avais tellement la haine que je voulais le manger. Je me reléve et vais prendre ma douche.

- Abdel : Pff pète les plombs elle

Je calcule même pas ce qu'il me dit, et je prend ma douche. Sous la douche personne ne pourra me déranger, alors dans mes pensées je m'évade. Je me rappelle quand on était petits, t'a jamais eu peur de rien à part de ton père. On apprenait à faire du vélo, au bout de quelques heures t'étais déjà à l'aise sans les petites roues alors que moi des années auraient pu passer je les aurait jamais retirées. Mais un jour t'a pris mon vélo et t'a cassé les deux petites roues arrières. J'ai commencé à pleurer comme une bouffone. Tu m'a regardé et t'a froncé les sourcils. J'ai cru que t'allais me défoncer à ce moment là mais tu m'a juste dit : " Arrête de pleurer ! Tu verra sans les roues c'est mieux, ton vélo tremblera moins. " T'avais raison le vélo tremblait moins, et c'était mieux. Par contre je me suis éclatée contre le sol plus d'une dizaine de fois, et à chaque fois t'en riais aux éclats. Et c'est à ce moment là que j'ai compris que peu importe combien j'aurai mal si toi t'étais bien c'est ce qui comptait.

À la tienne : Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant