La nuit mourait, le jour se préparait à naître derrière les colines nues de mon beau village. Des constellations pâlissantes luisaient encore dans un immense tapis d'ombres et de lumière. Un coq chanta; puis le soleil frissona. L'étoile du matin jaillit des ténèbres, tourna un moment sur elle même, et fila vers le levant en laissant à l'horizon une lumière irrisée.
Bassara se mit debout pour un nouveau jour d'anxiété, de haine, de conflits qui naissaient, s'amplifiaient sous les silences coupables, et s'éternisaient audacieusement sans que nul n'ose désigner les coupables.
Moi, en contemplation devant la clairière de Bassara, frissonnais encore sous mon drap d'angoisse. Une voix douce me réveilla de ma profonde triste léthargie. C'était celle de ma mère, j'ouvris un oeil et l' aperçut toute souriante.
_ Lèves toi, petite marmotte.
Elle tira sur ma couverture et se mit à me chatouiller. Il m'avait bien torturé avant de me libérer. Je me leva avec un air faussement boudant et partit me rincer le visage. Ma mère me prenait toujours pour son bébé et ça m'énervait parfois.
J'en étais à mes 12 ans, en plein période de puberté. Mon corps avait changé de morphologie, surtout au niveau de mes hanches et de mes seins. Ma peau était feutrée d'un marron clair, que j'avais chopé à mon père Rachid Fall. Il est arabe et à la peau très clair contrairement à ma mère, qui était une digne femme africaine.
Côté finance, on était tout sauf aisé. Papa faisait la navette entre la Mauritanie et le Sénégal. Mon grand frère Karim était âgé de 16 ans. Il beau gosse et très narcissique à mon plus grand malheur. On vivait dans une location que notre mère payait avec le peu que papa lui envoyait.
La maison était cernée en deux appartements, l'un pour nous et l'autre la plus grande et plus civilisée vivaient le propriétaire et sa famille. Ils nous en ont fait voir de toutes les couleurs.
Je me souviens toujours de ce jour où Badara, leur fils aîné m'avait convoqué dans sa chambre. Il avait l'âge de mon frère mais était plus grand que lui.
J'avais peur de lui et il le savait et en jouait parfois. Ce jour là ma mère était partie chez sa voisine Awa.
_ Kiema, Kiema.
Je me levai furtivement et baissai la tête devant Badara. Il me dit de le suivre dans sa chambre, ce que je fis sans broncher. Il avait un regard bizarre et un sourire narquois qui le donnaient un air sadique.
_ Chérie, mets toi sur moi et masses moi délicatement le dos.
_ Badara nous sommes seuls ici deh, je ne vois pas Chérie. C'est ton amis ?
_Sale villageoise, tu me vois parler aux fantômes.
_ Pardon. Dis je d'une toute petite voix. Il était couché sur le ventre, j'ignorais si il était fâché ou pas.
_ C'est un surnom qu'on donne à une personne qui nous plaît.
_ Parce que je te plais ?
_ Tu ne vois pas ?
_ Pardon.
On resta silencieux pendant un long moment, je n'osais partir sans qu'il ne m'en donne l'autorisation.
_ Heu je te plais comment ?
Demandais-je innocemment. A vrai dire j'ignorais complètement ce qu'était plaire à quelqu'un.
_ Tu veux savoir ?
_ Oui !
_ Approches.
J'étais naïve, bête, dupe, conne.
Affaire à suivre.