Dark Night

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Yulyeong était située dans la province de Gangwon, à une centaine de kilomètres de Séoul et nichée dans les montagnes Taebaek. Au cours des quarante dernières années, la ville, prospère par le passé,avait connu plusieurs crises économiques et vu un certain nombre de ses usines fermer. Une épidémie s'était également répandue et les hommes étaient tombés comme des mouches. On avait appelé ce mal « Hirudinea », à cause du manque de sang dans le corps des victimes. Nombreux étaient ceux qui avaient choisi de déserter la zone, considérée comme maudite d'après certaines rumeurs populaires. Seuls les plus courageux ou les plus fous étaient restés dans l'espoir de voir leur ville renaître. Le miracle avait eu lieu quelques années plus tard grâce à ces dites rumeurs, justement, qui avaient attiré énormément de touristes et d'amateurs de phénomènes surnaturels. Un nouveau commerce avait pris place. 

Et Yulyeong n'avait jamais aussi bien porté son nom.*

Le moment de la journée que Yujin préférait était la nuit. Une fois le soleil couché et les habitants rentrés chez eux, Yulyeong prenait une apparence particulière. Les rues désertes et les ampoules clignotantes parfois grillées des réverbères lui donnaient un air de ville fantôme. Tout semblait irréel et figé comme si la terres'était arrêtée de tourner, comme si le jour n'allait plus jamais se lever. Même le désordre de la rue, comme les papiers qui jonchaient le sol, les sacs poubelles qui dépassaient des containers, semblait à sa place. Et malgré le quartier délabré, Yujin n'était pas effrayée. Ayant grandi dans la Ville Maudite,elle s'était vite habituée à l'ambiance qui y régnait et avait même appris à l'apprécier. Lorsque les cris de ses parents lui parvenaient et que le besoin de se vider l'esprit se faisait ressentir, la jeune fille ouvrait sa fenêtre et se glissait dehors pour se perdre dans le labyrinthe des rues.

Cette nuit-là ne dérogeant pas à la règle, la jeune fille décida de faire le mur en entendant les premiers cris résonner dans la maison.Yujin attrapa un sweat gris et l'enfila par-dessus son t-shirt de pyjama avant d'ouvrir la fenêtre de sa chambre. Elle éteignit la lumière, s'assit sur le rebord de la fenêtre et jeta un regard par-dessus son épaule, s'assurant que les coussins qu'elle avait disposé sous sa couverture étaient bien placés et formaient l'illusion d'un corps endormi. Puis elle sauta.

La brune rabattit sa capuche sur sa tête, enfonça ses mains dans les poches de son pull et se mit en route. La lune, à son quart, était dissimulée derrière d'épais nuages, le ciel grondait et Yujin se demanda combien de temps elle pouvait rester dehors avant qu'il ne se mette à pleuvoir. Après avoir marché une dizaine de minutes dans la rue principale, elle bifurqua à droite, presque automatiquement,et descendit la pente. Ses pas la conduisaient vers le quartier Est de la ville, le Quartier des Miroirs. Il devait son nom au fait que toutes les ruelles se ressemblaient et qu'il était absolument impossible de savoir où l'on se trouvait si on n'était pas de la région. Des miroirs avaient également été collé dans certaines impasses et trompaient les passants. Encore une fois, seuls les résidents de Yulyeong savaient quels étaient les vrais passages et les faux. Des morceaux de bois et des bandes jaunes « accès interdit » étaient placardés sur les portes et les fenêtres des bâtiments. En fait, cette partie de la ville avait été la première touchée par l'épidémie Hirudinea et était pratiquement entièrement abandonnée.

Un hôtel avait été installé dans une des bâtisses à l'entrée du quartier, pour les touristes qui adoraient passer du temps dans ces rues atypiques. L'enseigne lumineuse qui se détachait du bâtiment indiquait seulement « hel » et Yujin, en passant devant, pensa que l'ironie faisait bien les choses. Elle avait entendu cent fois les étrangers parler de la malédiction de Yulyeong, des démons, de mauvais esprits, même de vampires et à chaque fois, elle s'était retenue de pouffer de rire. Yujin, bien qu'habitant dans la ville fantôme, ne croyait pas à ces choses-là et restait sceptique. Tout avait une explication rationelle, selon elle, et elle détestait entendre les autres parler des créatures surnaturelles comme si elles existaient vraiment. Ces histoires n'étaient que des contes pour rendre les enfants obéissants, rien d'autre.

red eyes ; bbhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant