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Un soir de pluie froide, où rien ne tourne rond, il céda et se retourna dans les draps de cotton de la standardiste, sous un plafond tapissé de mirroirs où il détestait se regarder. Il abandonna le lit. Il n'avait pas réussi à être la hauteur des espérances de la jeune femme et se sentait penaud comme un adolescent à sa première expérience sexuelle, face à une Paola compatissante, prête à le reprendre contre elle pour révéiller le désir capricieux.
- Désolé, mumura-t-il en enfilant son pantalon, mais en ce moment ce n'est vraiment pas la grande forme.
Elle détourna la tête, vexée.
Il pensait à Ashla, à ses yeux sublimes, et se détesta d'être aussi romantique. Ce soir-là, à peine rentré dans son loft en désordre, il attrapa le téléphone et l'appela.
Ramy répondit :
- Vous êtes bien en communication avec le vaisseau d'Alderaan. Laissez-nous votre message, nous vous répondrons quand nous aurons terminé de réparer le moteur droite.
Sa mère intervient en riant :
- Pardonnez-nous. Ma fille n'a plus toute sa tête ! Oui, j'écoute, qui est à l'appareil ?
- Olivier, juste Olivier...
Un silence, épais, dangereux... Elle aurait pu raccrocher, lui rappeler que ce n'était pas une heure raisonnable pour ennuyer les braves gens. Il demanda :
- Je vous dérange ?
- Un peu, nous allions passer à table. Que vous arrive-t-il ?
Il n'eut pas le temps de répondre, Ramy déjà avait repris l'appareil :
- Qui que vous soyez, quoi que vous vouliez, nous ne sommes pas preneurs, bonsoir.
Et la diablesse déclic de l'appareil reposé violemment sur son socle cingla les oreilles d'Olivier.  Il n'était qu'un imbécile, un sombre idiot qui demain mourrait de honte en croisant le regard d'Ashla !
Elle vint le rejoindre du côté de la machine à café, qu'elle seule savait dompter et lui tendit un gobelet fimant.
- Pour hier soir, je suis désolée.
- C'est moi, je n'aurais pas dû. Excusez-moi auprès de votre fille.
Elle le fixa droit dans les yeux. Elle était belle. Et lui, pitoyable avec son amour de feuilleton télé.
- J'accepte votre invitation à dîner.
Il sursauta. Icare avec ses ailes collées dans le dos s'élança de sa colline n'avait pas dû ressentir plus de joie.
- Avec ma fille, bien - sûr.
Et le même Icare, s'écrasant bêtement, avait dû avoir cette tête-là en réalisant que les rêves et la vie font rarement bon ménage.
Il ne renonça pas pour autant et lui donna rendez-vous pour le lendemain soir dans un fast-food du côté du boulevard de la Liberté.
Il arriva en avance, bien décidé à observer de loin le tortionnaire en culotte courte qui l'empêchait d'être aussi heureux qu'il l'aurait voulu. D'abord, il la vit elle, et plus rien de la queue qui s'allongeait sur le trottoir. Juste elle, presque irréelle dans le soir rosé avec, comme pour une carte postale, le soleil abricot posé sur le clocher de la cathédrale.
Et lui, soudain, déguisé en cosmonaute, alors, que carnaval n'était que dans six mois ! Il trottinait devant, écartant la foule pour permettre à Ashla d'aller vers lui, Olivier. Elle ouvrait sous les pas de sa maman une voie royale. Elle tenait à la main un sabre lumineux et regardait droit devant elle, regardait Olivier. Elle n'accepta la main tendue. Elle pointa son arme intersidérale vers le menu affiché :
- Pas d'oignons, ni de cornichons !
Olivier se rapprocha d'Ashla. Insidieusement, son bras frôla le sien et l'électrisa.
- Je suis content que vous soyez venue.
Elle eut un sourire un peu triste, et le sourire de celle qui déjà pressent que la soirée sera catastrophique.
Et elle le fut, car le pain au sésame cachait sous son steak cuit à point des rondelles d'oignons et une menaçante tranche de cornichon.
Ramy leva son sabre en direction des cuisines et annonça de sa voix transformée par un étrange micro :
- Que tombe sur vous la colère d'Erzulie !
Ashla le gronda des yeux. Elle s'en moquait, debout sur sa chaise, petite fillette agressive ; elle continua, déversant sur la foule médusée ses menaces de Ramy.
Bien entendu, elle refusa d'avaler son hamburger. Olivier courut lui en chercher un autre. Peine perdue, elle boudait, enfoncée dans sa chaise.
Aussi la soirée fut-ellle écourtée pour éviter que le directeur du restaurant ne s'en mêle. Dépité, Olivier rentra seul, sans elle, sans son sourire.
Incapable de dormir, il glissa dans le magnétoscope un DVD de la fameuse " Guerre des étoiles " qui tournait la tête du gamin. Imbibé de combats intergalactiques, il se résigna enfin à se coucher et rêva de la princesse Leila, rêva d'Ashla...

Le Miracle d'un sourire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant