Première lettre

57 15 6
                                    

J'attendis que le silence se fasse dans la rue pour sortir prendre la lettre que le facteur avait laisser pour moi dans la boîte aux lettres. L'utilisation peu fréquente de celle-ci faisait qu'il y avait plusieurs sortes d'insectes qui avaient décidés de venir habiter ici. Je pris la lettre. Aucun expéditeur n'était noté, sauf une adresse même pas complète. Californie du Sud.

  Intéressant. Je ne connais qu'une personne qui habite en Californie du Sud, mais jamais elle ne m'enverrait une lettre. Elle me déteste trop. Alors que je n'ai rien fait pour cela. Cela me mit un peu en colère, repenser à tout ça. Je laissai ces pensées sombres de côté et ouvris la lettre. L'écriture était cursive. Et l'encre noire. Je souris.

  Je fis craquer mon dos, puis je me plongeai dans les lignes qui m'étaient destinées.


Excusez-moi de vous déranger Madame, mais j'ai besoin de parler à quelqu'un. Mes parents ont divorcé, et ma mère m'accuse de faire tout ce que mon père me demande pour l'énerver, et ce dernier et tomber dans l'alcool.

  Peut-être ne voyez-vous pas qui je suis. Je suis votre nièce. Ma mère, votre sœur, m'a caché votre existence. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être vous êtes-vous disputées, mais j'espère que vous pourrez me répondre. Vous êtes ma seule famille. Mes grand-parents paternels renient notre existence depuis que mon père s'est marié avec votre sœur, et mes autres grand-parents sont morts. Ma mère ne veut jamais en parler. Il paraît que ça a un rapport avec vous.

  Vous vous demandez certainement si j'ai des frères et sœurs, et vous avez bien raison. J'ai deux frères et une soeur. Tous plus vieux que moi. Et chacun d'un côté où d'un autre de la famille. Et moi je suis au milieu. Je crois que je suis celle qui souffre le plus de toute la famille.

  Comme je l'ai dit précédemment, ma mère m'a caché votre existence. Alors comment se fait-il que vous lisiez ces lignes ? J'ai trouvé un carnet d'adresse avec la votre barrée. J'ai quand même réussi à la lire. Je vous ai envoyé cette lettre, puis je l'ai reçue, car vous aviez déménagé. Les gens ont eu la bonté de mettre votre nouvelle adresse et de préciser que vous aviez changé d'adresse pour couper les ponts définitivement avec votre famille. Alors je n'ai pas mis qui j'étais. Au cas où votre haine aurait été trop puissante rien qu'à la vue que j'étais votre nièce. Si vous êtes arrivée à cette ligne, c'est donc que votre haine est contrôlée. Mais après ce que ma mère m'a dit, je peux comprendre que vous soyez en mauvais termes avec elle.

  Mais pourquoi tout ce pâté ? Tout simplement parce que je manque cruellement de compagnie, et que ma mère a dit plusieurs fois à table et je cite : tu ressembles tellement à cette horreur. Je pensais à un film d'horreur ou à une vieille pétasse du lycée, mais il me semble évident maintenant que c'est vous. Donc j'ai supposé que vous pourriez me faire une bonne compagnie. Racontez-moi votre histoire ! Racontez-moi pourquoi ma mère vous hait tant !

  En espérant que ces lignes servent à quelque chose un jour,

                                                                                                                               Votre nièce, Neala.



  J'avais appris plus en cette lettre qu'en des années de coupure. Ma sœur. Ma chère sœur. Celle que je préférais. Et donc celle qui m'a le plus déçue. Je m'étais confiée à elle. Et elle m'avait trahie. Et l'accident. Les parents. C'était affreux. Je ne me le suis jamais pardonné.  Et je ne lui ai jamais pardonné.

  Ma nièce. En quelques lignes, j'avais appris trois choses essentielles :

  - Ma sœur était mariée.

  - Et divorcée

  - Et elle avait une fille qui apparemment me ressemblait.


  Et d'autres qui me semblaient moins importantes. Et cette fille voulait de la compagnie. Des lèvres se posèrent avec douceur dans mon cou. Une voix douce mais grave me dit :

  << De qui est cette lettre ?

  - De ma nièce.

  - Ta nièce ? Tu ne me l'avais pas dit.

  - Je te l'ai dit dès que je l'ai su.

  - Ah bon ?

  - Bien sûr, je viens de te le dire. Je viens de l'apprendre. Ma sœur a eu la gentillesse de me le cacher.

  - Ta sœur. Vos relations ne se sont pas arrangées ?

  - Non. >>

  J'avais dit ce mot avec fermeté mais pas avec de la violence. Pour faire comprendre que le débat était fini. Il hocha la tête. Au fond de moi, je lui en voulais aussi. Tout ça était à cause de lui. Mais il a fait tout ce qu'il pouvait pour être gentil. Pour ne pas être ce qu'il est. J'ai fait de mon mieux également.

  J'allai dans le salon pour lui répondre. Je pris de quoi écrire et commençai la lettre.

  << Pourquoi cette couleur d'encre ?

  Je pinçai les lèvres avec force, avant de les relâcher d'un coup. Ce qui produit un petit bruit. Il sourit et dit :

  - Tu ne veux pas que je sache ?

  - Tu le sais déjà, à quoi bon le répéter ? >>

  Il grogna mais ne fit pas de commentaire. J'écris quelques lignes.  Puis, je mis un timbre. Et je la mis à la poste.















C'était le début d'une relation postale qui allait provoquer bien plus qu'une simple relation orale.


LettersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant