Depuis des années (33 ans plus précisément) les camerounais sont habitués aux sorties médiatiques de Paul Biya au cours de discours ou d’interviews. Retour sur ces petites phrases au grand parcours…
Paul Biya n’est pas un “people” comme les autres. Du genre discret, le Président camerounais n’est pas fan des bains de foules, des échanges à rallonge ou des “tcha moi l’os gars”*. Mais alors, quand le père ouvre la bouche, il en émane souvent des locutions qui entrent au Panthéon de la phrase qui tue. Ces phrases, parfois assassines ou teintées de sarcasmes, sont souvent reprises par la rue camerounaise et en deviennent de réelles expressions populaires dans le langage courant du citoyen camerounais.
Mais quelles sont ces fameuses phrases désormais cultes que les Camerounais se plaisent parfois à reprendre au quotidien ? Nous en avons choisi 7, sans doute les plus connues, dont une bonne moitié sortie lors de moments très difficiles de l’Histoire du Cameroun… Place au #throwback… Action !
1. « La conférence nationale est sans objet. »
1990. Des partis politiques naissent de partout après l’obtention du multipartisme. C’est l’heure des revendications. L’opposition et la société civile exigent l’organisation d’une conférence nationale souveraine.
Encouragés par cette fièvre des conférences nationales qui a déjà touché d’autres pays africains comme le Bénin ou le Zaïre de Mobutu, les John Fru Ndi, Ndam Njoya, Djeukam Tchameni, Anicet Ekane, Mboua Massok et autres lancent une compagne de désobéissance civile baptisée « ville morte » au mois d’avril 1991.
Elle paralyse les provinces de l’Ouest, du Littoral, du Nord-Ouest et du Nord. Ces régions sont à feu et à sang. Le pouvoir de Paul Biya ne tient plus qu’à un fil. Les opposants et les activistes de tout bord en sont désormais convaincus : Paul Biya est fini.
Le 27 juin, Paul Biya prend tous ses adversaires de court. On attend une conférence nationale souveraine, il annonce des élections législatives anticipées et se montre ferme : « Je l’ai dit et je le maintiens, la conférence nationale est sans objet. » En lieu et place de ce forum tant souhaité par l’opposition et la société civile, Paul Biya offre la « tripartite ».
2. « La politique aux politiciens… »
L’année 1991 est particulièrement difficile pour Paul Biya et son pouvoir. Les villes mortes font rage. Des morts se comptent sans que le pouvoir cède d’un iota. L’opposition doit changer de fusil d’épaule pour faire passer l’idée d’une conférence nationale souveraine à laquelle Paul Biya a déclaré qu’elle était sans objet. Dans une interview accordée à Jeune Afrique en septembre 1991, l’un des chefs de l’opposition, Samuel Eboua, alors président de l’Undp, durcit son discours. « Puisque le pouvoir ne veut pas céder, dit-il, nous allons donc radicaliser notre combat.
Nous allons décréter le blocus de l’aéroport de Douala, amplifier celui du port et faire en sorte que la rentrée scolaire ne puisse pas avoir lieu en septembre, ce qui risque de provoquer une crispation de la part des étudiants et des élèves qui descendront dans la rue, au point que d’ici quelques mois le pays risque d’être totalement paralysé. » La menace est sérieuse. Paul Biya ne peut rester indifférent. « Le combat politique, riposte-t- il, ne doit se faire, ni sur le banc des écoles ni sur le dos des écoles. Ne faisons pas d’amalgame. Laissons toutes leurs chances à nos jeunes. L’école n’est pas une arène politique. L’école aux écoliers. La politique aux politiciens.
3. « Tant que Yaoundé respire… »
Les années dites de braises fourmillent de petits mots et petites phrases du Président Biya. Il les injecte dans les périodes de doute, comme pour se donner du courage ou pour montrer qu’il tient toujours les rênes. Au plus fort des « villes mortes » en 1991, au moins cinq provinces sur les 10 que compte le Cameroun sont paralysées. « Tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit », tente de minimiser Paul Biya qui montre par ces propos qu’en réalité, il ne tient plus que la capitale.
4. « Me voici donc à Douala… »
Pour calmer la grogne et les manifestations qui se généralisent, il entreprend une tournée nationale. Lui qui n’est pas connu pour aimer parcourir le pays. L’opposition jure qu’il n’osera jamais mettre les pieds à Douala, le quartier général même des “anti-Biya”. Lorsqu’il arrive plus tard dans une capitale économique aux rues militarisées, il déclare ampli de défi : « Me voici donc à Douala. » Une manière de dire, “que venez alors me toucher, on voit”… Aujourd’hui il rajouterait peut-être “Et P8 Koi” à la fin de sa phrase…
5. « Des apprentis sorciers », tapis dans l’ombre, dit Paul Biya.
27 février 2008. Les rues du Cameroun grondent. Des jeunes déchainés brûlent des pneus dans les carrefours, cassent tout sur leur passage. Paul Biya sort de son silence. Le visage grave, il prononce un discours où il condamne ces comportements et déclare que force reviendra à la loi. Mais il ne manque pas d’indiquer que ces jeunes sont manipulés. Par qui ? « Des apprentis sorciers, tapis dans l’ombre » dira Paul Biya.
6. « Je n’ai pas à commenter les commentaires ».
Avril 2012. Le secrétaire général de la Présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya est écroué et incarcéré à la prison centrale de Kondengui pour détournement de fonds publics. Ce dernier n’entend pas vivre son martyr en silence et passe à l’offensive en faisant publier ses lettres dans la presse. Deux mois plus tard, Paul Biya se rend dans la région du Sud pour procéder au lancement officiel des travaux du barrage hydroélectrique de Memve’ele. Après la cérémonie, Charles Ndongo, journaliste à la Crtv, lui pose la question de savoir ce qu’il pense de ses « anciens collaborateurs sont en délicatesse avec la justice et dont certains s’illustrent par une abondante activité éditoriale ».
La Prési répond tout sourire : « La justice est indépendante. On la laisse agir et les résultats qui en sortiront, nous les accepterons. D’autre part, je n’ai pas à commenter les commentaires ».
7. « Ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut »
C’est le buzz du moment. La dernière en date, c’était le 3 juillet 2015, lors de la visite du Président François Hollande à Yaoundé. Ce fût la réponse du vieux lion à un journaliste de France 2 qui l’interrogeait sur sa longévité au pouvoir et s’il comptait se présenter à nouveau lors des élections présidentielles de 2018.
“L’homme-lion” a commencé par répondre le sourire aux lèvres : « Ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut ». (Yes massah ! Tu bois quoi le père ?! Non mais on est où là ?!) Le Président a ensuite rajouté qu’il n’est pas à la tête duCameroun par la force. « Je n’ai pas pris le pouvoir de manière dictatoriale. J’ai toujours été élu lors des élections au cours desquelles il y avait d’autres candidats. Les élections de 2018 sont certaines mais encore lointaines », a-t-il conclu.
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*se claquer les doigts pour se dire bonjour
Source : Je Wanda Magazine
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