Les super-héros : idéaux, justes et acclamés.
Faut-il sauver la vie d'une innocente pour devenir un véritable héros ? C'est ce que se demande Julien, lycéen invisible, sarcastique assumé et littéraire invétéré.
Mais il n'a fallu que d'un instant pou...
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« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! »
Voyelles – Arthur Rimbaud
JULIEN
Rose Morel. Un vrai mystère pour moi.
A la fois un membre assidu du club des FSP ( Filles Superficielles et Populaires ) et personne dotée d'une intelligence supérieure à la moyenne. Déjà que c'est assez difficile pour moi de comprendre les femmes, ces créatures qui semblent avoir été créées pour nous embrouiller, alors elle... Digne d'un casse-tête chinois. Bizarrement, elle me déteste depuis déjà un petit moment. Je ne comprends pas ce que je lui ai fait. Mais bon, dans la vie il y a des choses qu'on ne peut pas décoder alors mieux vaut abandonner dans ces cas-là.
Élodie me bouscule en passant à côté de moi. Elle, par contre, n'est pas très compliquée à déchiffrer. Elle se retourne, me regarde de haut en bas et siffle :
– T'as un problème ?
Je lui réponds, levant les yeux au ciel :
– Oh non, je n'ai aucun problème. On est sur ton territoire, là, non ?
Elle penche sa tête sur le côté, faisant dégringoler ses cheveux noirs, comme si son cerveau effectuait une grande réflexion. Enfin, façon de parler. Avec celui d'Élodie, il ne faut pas lui demander des trucs trop compliqués sinon ça part en surchauffe. Je ris silencieusement à ma blague. Elle claque sa langue sur son palais de façon hautaine.
- Ouais, c'est ça. Retourne chercher des amis. Ah oui, c'est vrai, tu n'en as pas.
Je ne peux pas me retenir, je pouffe. Son regard noisette me foudroie mais ça ne fait qu'accentuer mon rire presque hystérique. Toujours la même répartie, c'est-à-dire proche du zéro. Parler avec cette fille est une bouffée d'air frais quotidienne.
Je lis sur son visage qu'elle est un peu dépassée par les événements. Et ça peut se comprendre, c'est dur pour elle d'assimiler deux choses à la fois. Bon, j'arrête, mes blagues deviennent franchement de mauvais goût.
Dans une ultime tentative pour m'emmerder, elle attrape mon sac que j'avais posé par terre. Avant que j'ai eu le temps de faire quelque chose, elle brandit fièrement mon recueil de poèmes.
Merde.
Perchée sur ses talons, Élodie ouvre mon précieux livre de ses doigts aussi longs que des griffes. Elle ricane en lisant d'une voix aiguë qui, j'imagine, est censée être la mienne :
– « U, cycles, vibrements divins des mers virides » ! Toujours avec tes poèmes à la con ?
Je vois rouge. Elle peut m'insulter, me dénigrer bêtement et me faire chier autant qu'elle veut, mais elle n'a pas le droit de toucher à mon recueil de poèmes. C'est interdit. Je m'apprête à lui lancer une réplique bien sentie quand Juliette s'interpose entre nous.
– Oh ! On se calme ! Rends lui son livre.
Celle-ci part dans un grand rire froid et pouffe :
– Ferme la, toi. On t'a sonnée ?
– Arrête tes bêtises Élodie. Ça suffit.
La voix claire de Rose a résonné dans le couloir comme une menace à peine dissimulée. Je profite de l'étonnement de la brune pour attraper mon livre que je serre contre moi. Je dévisage Morel d'un air interrogateur.
– On peut pas rigoler avec toi, Rose, soupire Élodie.
– Tu ferais bien de te concentrer sur tes problèmes plutôt que d'en créer aux autres, réplique celle-ci d'une voix aussi glacée que le pôle Nord.
Je suis toujours abasourdi. Autour de nous, les élèves nous dévisagent. Je me sens mal... tous ces regards sur moi me donnent envie de vomir. Mon estomac effectue un virage à cent quatre-vingt degrés. L'anxiété me bouffe le ventre et me fait tourner la tête. Il y a trop de personnes autour de nous, trop de bruit, trop de tout.
Juliette remarque mon visage blême et, après avoir posé une main rassurante sur mon épaule, me demande :
– Ça va Julien ?
Ma bouche est si sèche que je ne parviens pas à lui répondre. Je lui jette un regard paniqué et elle comprend.
– Code rouge ?
Je hoche la tête tandis qu'elle m'entraîne par le coude.
Le club des FSP nous foudroie du regard tandis que nous nous carapatons. Je jette un coup d'œil derrière moi et aperçois Rose qui, les yeux grands ouverts, m'observe en train de partir.
Je reporte mon attention sur le couloir. Respire, Julien. Ah fuh, ah fuh. Pense aux grands espaces, aux dauphins qui fendent les flots, aux criquets qui chantent dans les bruyères... Ma respiration se calme petit à petit. Juliette s'arrête et me dévisage d'un air inquiet.
– Ça va mieux ?
Je hoche la tête. Je ne m'attendais pas à commencer une crise d'agoraphobie là-bas. C'est étrange, c'est la première fois que cela m'arrive dans l'enceinte du lycée. C'était sûrement dû aux regards des membres du FSP qui m'ont donné l'impression d'être entouré par une meute de loup. Qu'est-ce qui se serait passé si j'étais resté ? Je connais la réponse : je serais devenue aussi blanc qu'une feuille A4.
– T'inquiètes. On va en Maths ?
Mon amie paraît toujours inquiète, mais nous rebroussons chemin vers la salle de mathématiques. La cloche sonne, nous indiquant que nous sommes en retards. On se met à trottiner follement et quand Juliette s'étale par terre à cause de ses nouvelles bottes, j'éclate de rire. Je ne parviens plus à m'arrêter et elle non plus. Elle se roule sur le sol, incapable de se relever. La scène est particulièrement cocasse. Quant à moi, je tombe sur les genoux et effectue une glissade digne des plus grands guitaristes des années 80. Cela accentue notre fou rire complètement inapproprié.
Quand nous réalisons que ça fait bien dix minutes qu'on est là, on se calme instantanément. Je regarde Juliette d'un air complice et je l'aide à se relever. Je suis interrompu dans mon geste par une voix familière :
- On s'amuse dans les couloirs durant les heures de cours, monsieur Bezombes et mademoiselle Desille ?