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Rosa était née le 25 Octobre 1998. Elle allait cette année sur ses 18 ans. Elle avait 4 ans d'écart avec toutes ses soeurs, dont elle était l'ainée. Après la mort de leur mère, Rosa dû prendre sa place ; être mère de ses soeurs, la femme de maison, la femme de son père. Telle était la tradition.
Ils vivaient tous cinq dans un bidonville dont la capacité de population était dépassée depuis longtemps déjà, et où tout s'entassait ; les taudis, les déchets, les animaux, les personnes et même les cadavres d'animaux et de personnes.
Rosa Lussa eut été belle si elle n'avait pas vécu dans ces circonstances ; ses cheveux, dont les boucles étaient précieusement dessinées, étaient d'un noir absolument profond et entier. Leur texture se montrait digne de la soie, et leur brillance reflétait les maigres et rares rayons de soleil qui parvenaient à transpercer les toits des maisons presque superposées. Malgré le manque de nourriture, elle se portait bien en chair, ni trop épaisse ni trop maigre, et ses formes attisaient la jalousie des femmes dont la jeunesse était malheureusement passée. Ses yeux, fidèles à son caractère, semblaient brûler de vie et auraient pu ramener les morts parmi les vivants. Ils étaient verts, verts comme l'émeraude, verts comme la cime des forêts, verts comme les bourgeons au printemps qui, petit à petit, s'adonnent à la vie. Elle était connue dans le bidonville, et tout le monde se tenait à dire que ses yeux étaient la seule porte ouverte sur son âme, la seule qu'elle ne parvenait pas encore à maîtriser totalement. Du haut de ses 18 ans et de sa petite expérience, elle était d'une maturité qui, parfois, rendait perplexe les plus anciens du bidonville, et lui valait le respect de toutes les générations y habitant. Elle était la descendance de son père qui ressemblait le plus à sa mère.
Ses soeurs, Louison, Loïs et Marguerite, ne pouvaient malheureusement pas être aussi irréprochables. La plus petite, Louison, n'avait pas encore 5 ans. Elle s'amusait beaucoup, parfois trop, avec son insouciance enfantine que Rosa regrettait lorsqu'elle l'observait. Loïs n'avait que 9 ans, et pourtant la puberté fût précoce chez elle ; elle avait des formes presque égales à celles de son aînée, et beaucoup d'hommes la regardaient, la déshabillaient du regard. Enfin, Marguerite, avait 13 ans. En pleine crise d'adolescence, elle ne concevait pas l'autorité de sa soeur aînée qu'elle ne considérait pas comme sa mère de tutelle, et supportait de moins en moins de vivre dans un environnement comme celui-ci. Et par-dessus tout, elle était amoureuse. Elle était amoureuse, mais non d'un garçon ou d'un jeune garçon, mais d'un homme, ayant quatre fois son âge.
Leur père, surnommé Tartare dans le bidonville, était un homme fermé, dont le visage était marqué par les expériences que la Vie lui avait imposé. Il avait été un bel homme dans sa jeunesse, à la carrure terrifiante qui révélait en réalité une personne au caractère de doux et calme, protecteur et aimant. Cependant, la mort de sa femme l'avait bouleversé au point d'en faire un homme brutal et énergique, violant et insensible. Maintenant, le père Lussa faisait partie de ces hommes à harceler les jeunes filles dans la rue, à toiser et provoquer les hommes qui tentaient de lui voler ses conquêtes, il faisait partie de ces clans où celui ayant le plus d'argent, de femme et de viols enregistrés serait le chef. Ses filles avaient vu son changement brutal, et étaient toutes d'accord, pour l'ultime fois, que le changement était tel le jour et la nuit. Et plus que les autres, Rosa était aux premières loges de la descente aux enfers.

Rosa LussaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant