« Nous avons quinze ans de renseignements à rattraper, me dit-elle, et tu peux m'être autant utile que moi je peux t'aider à comprendre. »
Mon silence approbateur ne peut que confirmer ce qu'elle dit, je n'ai rien à lui répondre. Je lui fais signe de poursuivre, elle semble réfléchir, et me lance :
« Tu devrais commencer par me poser des questions. Peut-être que je pourrais t'apporter les renseignements que tu cherches.
-Qui es-tu ?
-Je t'ai déjà dit que je ne pouvais pas répondre à cette question, Amy. Je suis vraiment désolée, mais ma formation me l'interdit.
-Comment connais-tu mon nom ? Comment cela se fait-il que tu saches qui je suis alors que j'ignore tout de toi ? Et qu'est-ce que c'est que cette formation ? Est-ce que tu sais autre chose sur moi ?
-Je sais que tu t'es battue contre ta surveillante.
-Tu ne réponds pas à toutes mes questions.
-Je sais, Amy.
-Tu pourrais m'expliquer pourquoi ? Ou bien ta formation te l'interdit aussi ?
-Amy... C'est la partie la plus délicate de tout ce que je sais. Peut-être pourrais-tu commencer par me demander ce que j'aime, quel âge j'ai, tu sais, un peu comme toutes les personnes polies et bien élevées lorsqu'elles rencontrent des inconnus ?
- On n'est pas ici dans le but de devenir amies. Contente-toi de répondre à mes questions. »
Elle secoue la tête en soupirant, puis ricane :
« Tu n'es pas franchement commode.
-Tu n'es pas non plus la personne la plus agréable de toutes celles que j'ai rencontré.
-Je suis sûrement celle qui t'intéresse le plus. Et sans vouloir te vexer, tu as rencontré une vingtaine de jeunes filles seulement depuis ta naissance alors...
-Arrête de fuir mes questions. »
Exaspérée et impatiente, je jette ma tête en arrière dans un geste rageur. Elle ne souhaite pas me répondre, elle veut probablement me narguer. Les commissures de ses lèvres remontent le long de ses joues et un grand sourire vient éclairer son visage.
« Relax. Je vais te dire ce que tu veux. Mais je ne peux décemment pas faire confiance à une inconnue.
-Tu connais pourtant beaucoup de choses à mon sujet, apparemment.
-Dans une relation de confiance, les deux personnes doivent connaître l'autre. Elles peuvent mutuellement compter sur elles et savent que ce qui se dit entres elles restera entre elles. Je pense que nous ne sommes pas assez proches pour nous faire confiance.
-Loin de là. Nous sommes ennemies.
-Ennemies ? »
Un air de surprise s'affiche sur son visage et sa bouche s'arrondit. J'arque un sourcil. Qu'est-ce que j'ai dit ? Une douleur fulgurante me lance les jambes, ce qui m'oblige à les plier et à les étendre. Ma respiration s'est calmée depuis tout à l'heure. Une odeur de macchabée trône dans le coin où se situait le corps de Mme Jean, qui a été déplacé jusqu'aux toilettes depuis l'autre jour. Je soupire et me passe les mains sur ma figure pleine de suie. Le tintement d'un rire cristallin retentit dans l'immense salle vide.
« Mais je ne suis pas ton ennemie Amy ! Comment est-ce que tu t'es rentrée cette idée dans la tête ?
-S'il-te plaît, ne me mens pas. C'est bien toi qui parles de confiance ? On m'entraîne à me battre depuis toujours, sans jamais m'expliquer dans quel but. Contre quel adversaire. Visiblement, tu viens de l'extérieur du centre. Il est normal que je sois convaincue que tu fasses partie des ennemis que je m'entraîne à combattre depuis que...