- Marco ! Marco vieni !
L'homme d'une trentaine d'années a beau souffler à voix basse, le gamin ne répond pas alors ne parlons même pas d'obéir.
- Marco, grouille ! Ton padre est peut-être mon frère mais s'il apprend que je t'ai amené ici, je suis mort !
« Ici », c'est le dépôt des ordures de la voierie. L'oncle de Marco a l'habitude de s'introduire dans le bâtiment par une fissure bien cachée que seuls lui et quelques amis proches connaissent. Il y vient quelques fois par mois et y récupère ce qui lui semble réparable ou encore utilisable. Quelques coups de marteau et le tour est joué : l'objet est comme neuf et revendable en brocante. Ca aide à payer les factures dans les phases difficiles. Alors pourquoi avait-il fallu que son frère lui colle son neveu le jour précis où il n'avait d'autre choix que de s'infiltrer dans l'entrepôt ? Il y avait 99% de chance pour ce mioche n'écoute pas...
De son côté Marco escalade un monticule tel un vaillant aventurier découvrant l'Everest. Sa lampe de poche passée autour de son cou par une ficelle lui éclaire la « route ». Dans sa désobéissance, il respecte au moins une consigne : ne pas faire de bruit pour éviter les gros ennuis.
- Marco ! Si tu ne redescends pas tout de suite, je raconte à ta madre qui a vraiment cassé sa théière.
La petite bouille ronde du gamin de huit ans se tourne directement vers son oncle. La théière préférée de sa mère, venue tout droit de son Italie natale. Et les colères de sa mère son légendaire. Même son père tremble devant elle quand elle s'énerve vraiment ! Marco fait la moue en considérant les quelques pas qu'il lui reste pour atteindre le sommet... mais fait tout de même demi-tour.
Soulagé, son oncle passe son sac rempli de ses trouvailles par-dessus son épaule. Il n'a pas parcouru un mètre qu'un fracas retenti derrière lui.
- Marco, qu'est-ce que tu fiches ? s'impatiente-t-il en vérifiant qu'aucun vigile n'approche.
Au moins, aucune sirène ne s'enclenche, c'est déjà bon signe.
- Aouch..., gémit le gamin en inspectant son coude éraflé. Hun ?
Sous ses fesses, Marco sent quelque chose de mou. Il grimace déjà en imaginant un truc gluant qui laissera une sacrée marque sur son short. Sa mère va définitivement lui tomber dessus... Alors quand il braque sa lampe de poche le dit-objet, il est surpris d'y découvrir un visage souriant. Ou plutôt, une poupée en tissu. Et en bien mauvais état.
- Marco sbrigati ! Ou je m'énerve !
Sans réfléchir, l'enfant ramasse la poupée, la fourre dans la large poche de devant de son sweat à capuche et rejoint son oncle, qui ne manque pas de lui tirer les oreilles avant de quitter le bâtiment en courant.
***
De retour à la maison, son oncle le laisse sur le palier devant la porte de l'appartement. Il préfère être loin de sa belle-sœur si elle vient à découvrir l'odeur affreuse qui émane de son fils. Marco le regarde filer avant de sourire avec malice. Il sort la clé cachée dans sa poche. Il ne devra pas sonner pour que sa mère vienne lui ouvrir. Il entre à pas de loup dans l'appartement et s'enferme tout aussi discrètement dans la salle de bain. Il enlève ses chaussures et prend une douche tout habillé pour diminuer les risques d'être découvert.
C'est là qu'il se rappelle avoir ramassé la poupée. Il la sort de sa poche. La pauvre aussi avait bien besoin d'une douche ! pense le gamin en frottant la poupée avec la brique de savon. Il constate quelques dégâts : elle est toute décoiffée, sa jambe gauche est déchirée de moitié et les coutures de la robe vont presque lâchées. Heureusement, la crasse part bien. En la retournant pour l'inspection, Marco trouve son étiquette cachée sous la robe. Tout ce qu'il y comprend c'est la marque du produit : Lulu. Ce sera donc ton nom à partir d'aujourd'hui, décrète-t-il.
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La Poupée Lulu - Nouvelle
Short StoryCette nouvelle en 2 parties raconte l'histoire d'une poupée en tissu, Lulu. Lulu vient de voir le jour et sort fraichement de l'usine avant d'être mise en rayon. Chaque jour, elle envie les autres jouets qui font naitre des étoiles dans les yeux des...