Destinée (En Pause)

Chapitre 4

Ça fait un peu mal mais la douleur est supportable.
-Le produit fera effet dans environ 1 à 2 minutes.
-O-o-ok.
Je bafouille déjà. Il est vraiment efficace son produit. Mes paupières papillonnent et des points noirs apparaissent dans mon champ de vision quelques minutes plus tard. Le médecin surgit devant moi et affiche un grand sourire.
-L'effet sera bientôt total. Fais de beaux rêves jeune homme. Nous allons voyager dans vos souvenirs !
-P-pal-pi-tant.
Mes yeux se ferment doucement.
C'est le trou noir pendant un petit moment puis soudainement une lumière jaillit. J'entrevois un couple qui me regarde amoureusement. Ils parlent mais je ne les entends pas. Ensuite un château de cartes est devant moi et un bébé arrive sur ma gauche. Je me sens me lever et m'approcher de lui. Ma bouche bouge sans bruit. Je ne peux rien entendre de mes souvenirs ? L'enfant se met à pleurer et ma mère, il me semble, arrive. Elle me crie dessus et détruit mon château. Des larmes commencent à couler sur mes joues et un autre souvenirs apparaît. Je me tiens devant deux personnes se regardant avec haine. Je semble discuter à l'un puis à l'autre. Ils se détendent progressivement et finissent par repartir chaque un dans une direction différentes. Le souvenir suivant est plus récent et ineffaçable, je suis dans la cuisine. Mon visage est brûlé par l'eau bouillante, mon père se tient devant moi, défoncé. Il crie, je sais ce qu'il dit : « Salope, ma morphine ! Où est-elle ? ». Ma mère arrive et m'aperçois. La terreur peint son visage. Elle porte ses mains devant sa bouche, des larmes perlent aux coins de ses yeux. Je tombe brusquement par terre et une vague de douleur me submerge. Mamu approche de moi en tendant la main mais mon père se dresse entre nous et frappe si violement maman qu'elle tombe, sa tête percute le coin du meuble. Son corps ne bouge plus. J'ai cru qu'elle était morte et avant de m'évanouir je bouge avec lenteur mes lèvres susurrant le prénom de mon frère. Les souvenirs s'enchaînent, heureux, douloureux, ordinaires ou décisifs. Je revois toute ma vie. Une vie de souffrance qui pourtant changera cette semaine pour être sublimée.
Une lumière violente me transperce les paupières. Je cligne des yeux et les ouvre peu à peu. J'entends un peu de bruit à ma droite. Je trouve lourdement la tête. Le médecin qui raligne ses outils sur la plaquette.
-Réveillé ?
-Hum.
-Tu n'as pas mis longtemps.
-On va attendre cinq minutes pour que tu te réveilles complètement.
Je referme les yeux. Je sens l'effet anesthésiant s'effacer, mes paupières s'ouvrent et de ferment de moins en moins jusqu'à ce que je sois totalement en forme. Je me redresse et balance mes jambes dans le vide.
-Vas-y. Essaye de marcher.
Je pose mon pied gauche puis le droit et m'appuie. Je chancelle quand je tente d'avancer ma deuxième jambe. L'infirmier me rattrape en rigolant.
-Prends ton temps jeunot.
-Je vais essayer ahahah.
Je rigole avec lui et réessaye. Cette fois-ci je calcule mes pas. Je ne tarde pas à marcher normalement.
-Tu peux y aller maintenant. Tes résultats te seront donné demain. Je vais juste te demander de signer cette feuille attestant ta venue et le bon déroulement de l'opération.
-Pas de problème.
Je parcours rapidement le texte du regard et appose ma signature. Warren Ellis. Je pose délicatement la feuille sur la plaquette et me saisit de la poignée.
-Au revoir Monsieur.
-À demain, Warren.
Je pousse de toutes mes forces la lourde porte blanche et rentre dans la grande pièce d'attente. Un quart d'heure. Quinze minutes pour revoir défiler ma vie et surtout m'en remettre.