"- Pardon ?
-T'es sourd ou tu le fais exprès ? Tu viens de me rentrer dedans là abruti va !"
Ma bonne humeur venait de disparaitre aussi vite qu'elle n'était apparue. C'est vrai j'avais la fâcheuse habitude de m'emporter assez rapidement, depuis longtemps déjà, depuis qu'accidentellement j'avais pris la vie d'un enfant, me causant des moments de blancs, me faisant oublier totalement celui que j'étais au fond de moi. J'arrivais parfois à canaliser cette folie, mais lorsque l'on rentrait dans ma bulle, c'était plus fort que moi et plus rien ne pouvait m'arrêter. C'est d'ailleurs ce qui venait de se passer.
"Comment ? Non pardon, je ne voulais pas..."
Il semblait complètement perdu et paniqué, mais l'animal en moi se moquait bien de toutes ses protestations, tout ce dont j'avais envie, c'est de violence, de coups, de frapper encore et encore pour décharger toute la haine qui bouillait en moi comme un feu incandescent qu'absolument rien ne pouvait ou ne semblait pouvoir arrêter.
Et peu importe ce que l'inconnu face à moi pouvait bien me dire, tout ça n'avait absolument aucune importance. Mais au milieu de toute ma colère je discernais un accent espagnol. Mon cerveau l'analysait alors rapidement, le passait entièrement au scanner de la tête aux pieds. Accent espagnol, tatouage, du moins sur les parties que j'arrivais à distinguer de son corps, appareil photos en mains, ça ne pouvait pas être une coïncidence."C'est lui qui t'envoie c'est ça ? T'es un de ses nouveaux petits connards ?"
Mais pour seul réponse, l'inconnu recula de quelques pas, probablement pour tenter de mettre de la distance entre nous ou tout simplement de fuir. En même temps qui n'aurait pas eu la même réaction en étant à sa place ? Je ne me connaissais que trop bien, je savais que j'allais le laisser pour mort sur ce trottoir de Philadelphie, du moins la bête en moi allait le faire.
Puisque depuis quatre ans j'avais changé, je regrettais chaque meurtre que j'avais pu commettre, chaque coups que j'avais pu donner, je regrettais tout, puisque je savais la douleur que la perte de la personne qu'on aime était insupportable, elle était capable de terrasser un homme et si je n'étais pas encore mort, c'est simplement parce que je n'avais pas le courage de m'ôter la vie. Peut-être que cet homme allait le faire à ma placer ? Peut-être que si je le frappais assez fort il aurait envie de me rendre chacun de mes coups, me permettant enfin de rejoindre Maria."Non je..., je ne vous connais pas..."
Il avait probablement dû entendre mon accent espagnol puisque c'est dans cette langue que l'inconnu reprenait ses supplications.
"Je t'assure mon frère, je ne te connais pas..."
Mon frère ? Qui était-il pour m'appeler de cette façon ? Absolument personne et il allait bien vite le comprendre. D'un coup de tête je craquais ma nuque, à droite puis à gauche avant d'entremêler mes doigts pour leur faire subir le même sort.
"Te fout pas de ma gueule bordel, tu parles espagnol t'es encore plus tatoué que moi et t'es ici par hasard ?"
D'une main, j'attrapais son appareil qui venait finir sa vie contre le sol, éclatait en plusieurs morceaux qui volaient aux quatre coins autour de nous. Son regard se remplissait à chaque seconde qui passait d'un peu plus de terreur, mais moi tout ce que je voyais en lui, c'est un moyen de me défouler. Mon poing venait s'abattre une première fois contre son visage, mais trop rapidement pour moi, l'inconnu esquiva le coup en continuant de reculer, plaçant ses mains devant lui presque suppliant, ce qui ne faisait que m'énerver encore un peu plus.
"Tu es incapable de te battre ou quoi ? Mais bouge toi putain ! Sers-toi de tes mains, elles sont là pour ça !"
Nouveau coup de poing, mais cette fois-ci, c'est moi qui étais trop rapide pour lui et mon crochet du droit venait s'abattre contre son nez qui se mettait déjà à saigner. Moi qui pensais qu'il aurait pu être un adversaire à ma taille, je me trompais complètement, mais pour autant, la rage continuait de me consumer comme un brasier géant que rien ne parvenait à éteindre.
Et alors qu'il tentait d'ouvrir la bouche pour me répondre, je faisais s'abattre sur lui une pluie de coups, le faisant tomber au sol. Cette fois-ci, c'est son abdomen que je visais, le faisant se plier de douleurs en deux, j'espérais qu'il se lève, qu'il me colle au sol et me rue de coups, mais toujours aucune réaction de sa part, alors je continuais de le frapper, ne lui laissant aucun répit, aucun moyen de reprendre son souffle.Gauche, droite, gauche, droite, mais attends qu'est-ce que je fais là ? Ce n'est pas moi ça, non ce n'est pas moi qui suis occupée de ruer de coups un homme au sol ? Agenouillé au-dessus d'un corps, mes mains sont rouges vives, les jointures de mes doigts saignent, tout comme l'inconnu étalé en dessous de moi. Rapidement, je me relève, m'essuyant dans mon tee-shit blanc.
"Bordel non... Non pas encore une fois, je n'ai pas recommencé..."
Je tentais de le réveiller en lui donnant deux ou trois claques sur le visage, mais je n'obtenais aucune réaction de sa part. Qu'est-ce que j'étais censé faire maintenant ? Le laisser pour mort au milieu de la rue ? L'ancien Julio l'aurait fait sans remords, mais j'avais changé et si Maria était capable de me voir, jamais elle ne me pardonnerait pas d'abandonner un homme de cette façon.
Je regagnais donc l'artère principale pour trouver un taxi et c'est seulement une fois la voiture arrêtée que je revenais en courant vers le parc, le portant sur mes épaules avant de l'installer comme je le pouvais sur la banquette arrière.
"-Hey s'il dégueulasse ma voiture, vous allez me le payer ! Se plaignait le chauffeur, tout en conduisant.
-Ferme ta gueule et roule jusqu'à l'hôpital !"
Au vu du regard que je venais de lui lancer, l'homme n'osa pas une nouvelle tentative. Une fois à destination, je lui balançais au hasard un billet de vingt sur le siège avant de passer les doubles portes vitrées de l'hôpital.
"Y'a pas un seul putain de médecins dans cet hôpital ?"
Un groupe d'infirmière l'installait sur un brancard, tandis qu'une autre me demandait de la suivre. Je venais de frapper un homme, probablement à mort, pour ensuite l'emmener à l'hôpital à remplir des papiers alors que je ne savais absolument rien de lui, heureusement mentir était comme une seconde nature chez moi. J'inventais une histoire ridicule de cousins, cousin dont j'ignorais bien évidemment le nom puisque ma mère ne m'avait pas prévenu de son arrivée et après un sourire charmeur à l'infirmière, elle hocha la tête, me laissant m'installer en salle d'attente après avoir nettoyé mes mains. Draguer était bien l'une des choses que je détestais faire, mais j'en étais presque obligé, je devais attendre, savoir ce que j'avais fait, m'excuser, lui proposer mon aide.
"Monsieur Vasquez ?"
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Changements
General FictionComment survivre quand on vous arrache l'être le plus important à votre existence ? La personne qui fait tourner votre monde ? Mon appartenance à un gang à causé sa perte et la mienne, ma vie a changé, j'ai changé. Mais à quel point ?