"C'est bon je me lève !"
Je grommelais à l'attention de mon téléphone qui sonnait depuis plusieurs minutes maintenant. Mais à vrai dire, je n'avais absolument pas envie de me lever, j'avais un peu trop abusé de la boisson hier pour tenter de passer la soirée qui s'étirait en longueur, ce n'était peut-être pas l'idée du siècle, mais c'était mon quotidien depuis maintenant quatre années. Boire, fumer, avaler un morceau de pizza froide ou deux, sortir pour me rendre au commissariat, rentrer, me tatouer parfois puis recommencer le même cycle. Encore et encore.
Il faut dire que perdre l'amour de ma vie avait été un véritable choc pour moi. Comment continuer à vivre quand votre quotidien est totalement bousculé ?
J'ai totalement perdu pied, malgré le soutien de ma famille, je suis devenu fou, ce n'est pas une image, je suis véritablement devenu fou.À ce moment-là, j'étais-ce qu'on pourrait appeler le bras droit du chef des Vipers, oui, je n'avais que vingt-trois ans, mais j'avais su faire mes preuves au sein du gang. Comment ? De la seule façon possible, en faisant couler le sang, encore et encore.
La première fois à mes quatorze ans, un ado de seize ans, le fils du chef des Italiens, j'avais alors été accueilli au quartier comme un héros et j'ai eu le droit à mon premier tatouage, une vipère dessinée sur mon avant-bras."J'ai dit, c'est bon bordel !"
Mon téléphone venait de voler à travers la pièce, pour atterrir sur la table basse déjà surchargée de cendriers remplis et de boites de pizzas vides. Une cigarette et une gorgée de bière comme petit-déjeuner et après une douche rapide, je prenais la direction du commissariat.
Parce que oui désormais ma vie n'avait plus rien à voir avec ce qu'elle avait pu être par le passé, aujourd'hui, j'étais consultant, loin de la Californie, j'avais posé mes valises à Philadelphie."Vasquez, t'es encore en retard, t'es pas capable de lire l'heure ?"
Johnson, lui si je pouvais lui arracher les deux yeux et les servir au chien de la voisine, ça serait avec un véritable plaisir. Mais je lui réservais une petite surprise pour plus tard. Ma patience avait atteint ses limites, au bout d'un an de moqueries au sujet de mon accent, je finissais par exploser. Mais je savais bien qu'au moindre coup, je finissais dans un avion, direction la Californie et c'était la dernière de mes envies.
"Ferme ta gueule, ça changera pour une fois."
Un doigt bien sentit dans sa direction et je prenais la direction de la salle de pause, un tube de super glue dans ma poche droite, sa tasse fétiche posée sur la table, celle avec la photo de ses enfants, sa pauvre fille avait eu la malchance d'hériter de sa moustache. Mais ce n'est pas la tête de sa fille qui m'intéressait, après l'avoir rempli de café chaud, j'étalais sur le pourtour la glue à prise rapide avant de frapper contre la porte de son bureau.
"J'ai déconné, un café pour m'excuser ?"
Son sourire victorieux me donnait envie de vomir, mais alors qu'il pose ses lèvres contre le rebord du mug et que sa moustache y reste collée, j'éclate d'un rire sonore, l'insultant d'imbécile dans ma langue maternelle.
"Vasquez ! Vasquez ! Revient ici !"
Mais j'étais déjà dans mon bureau, bureau qui ressemblait plus à une cage à poules qu'autre chose. Mais qui me suffisait pour ce que j'avais à y faire, supporter les moqueries de Johnson, dormir. Dormir principalement. J'avais toujours tout un tas de dossiers à lire et à remplir. Le seul problème, c'est que j'en étais incapable. Je suis capable de comprendre quelque mots, mais uniquement en espagnol, ce qui ne m'aide pas vraiment ici.
La matinée passait toujours aussi lentement, j'en profitais d'ailleurs pour allonger mes pieds sur mon bureau surchargé pour y piquer un somme, c'est seulement aux alentours de midi, que la voix du moustachu, enfin de l'ancien moustachu me parvenait. Enfin quand je dis voix, j'aurais dû dire cri.
"Tu ne peux pas tirer encore plus fort non ?"
Un coup d'œil dans son bureau suffisait à me faire partir dans un nouvel éclat de rire incontrôlable, ils étaient deux à tenter de lui ôter la tasse collée contre son visage.
"-Un rasoir peut-être Johnson ?
-Vasquez ! Vasquez, je vais t'envoyer travailler au Pakistan !"
C'est complètement en prise aux rires que je quittais les bureaux, en profitant pour allumer une nouvelle cigarette, cigarette que j'allumais avec son briquet. Oui, ma vie avait changé en quatre ans, mais Maria n'était jamais bien loin.
En réalité, dans chaque parcelle de ma vie, elle était présente. Quand je fumais, je l'entendais me dire que ça finirait par me tuer, quand je me tatouais, je la voyais pencher au-dessus de moi pour vérifier l'avancée de mon travail. Jamais elle n'avait accepté que je lui encre la peau, pourtant, c'est avec plaisir que je lui aurais dessiné tout et n'importe quoi.Mais dans mes pensées, comme d'habitude, je ne regardais pas où je mettais les pieds, je heurtais donc malgré moi un homme qui semblait lui aussi ne pas regarder où il allait. Ma mauvaise humeur légendaire reprenait le dessus.
"Tu n'es pas capable de regarder où tu vas quand tu marches putain ?"
Mon tube de nicotine avait fini étalé au sol sous ses pieds, raison de plus pour me faire monter le sang à la tête. C'est d'ailleurs ce qui se passait, mes anciennes habitudes n'avaient pas totalement disparu, loin de là même et cet homme allait l'apprendre à ses dépens.
"Pardon ?"
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Changements
Ficción GeneralComment survivre quand on vous arrache l'être le plus important à votre existence ? La personne qui fait tourner votre monde ? Mon appartenance à un gang à causé sa perte et la mienne, ma vie a changé, j'ai changé. Mais à quel point ?