Chapitre 5

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Allan s'approcha encore de quelques pas, de manière à pouvoir détailler chaque aspect du corps qui se présentait devant lui.
Il était de dos, ayant choisi de contempler l'obscurité.

Son tailleur noir l'entrainait avec lui dans la pénombre et ne permettait de distinguer que de vagues contours.

Le commissaire tendit la main vers son cou, anormalement blanc et froid, afin de constater son absence de pouls. Aucun battement ne venait à la rencontre de son index et de son majeur. Le docteur était mort.

Cette affaire de disparition venait de tourner au meurtre.
Allan ne put dire qu'il était surpris. Des kidnappings de personnes de son âge et de son milieu social, et qui plus est, de plus de 15 heures, se soldaient rarement par une fin heureuse.

Allan fit le tour du cadavre et se positionna face à lui, détaillant en premier lieu son visage.
Des rides venaient déjà recouvrir son portrait au coin des yeux et de la bouche. Il n'avait pourtant pas l'air d'avoir plus de quarante-cinq ans.

-La chirurgie, murmura Allan en levant les yeux au ciel.

Ses cheveux étaient clairsemés de tâches grises, signe d'une puissante anxiété présente au quotidien.

En examinant l'entièreté de son visage, il n'y avait pas de doute possible. Il s'agissait bien du Docteur Lenoir.

Le reste de son corps montrait un homme en bonne santé, qui s'entretenait. Allan était d'avis que quelques compléments alimentaires venaient certainement parfaire cette panoplie.

Grumpy sortit un gant de sa poche et en profita pour fouiller celles de docteur. Il trouva ainsi quelques mouchoirs, trois clés, une carte de visite à son nom et deux dés.

Mais ce qui intéressait Allan, c'était non seulement ce qui se trouvait en sa possession, mais également ce qui ne s'y trouvait pas.

-Pas de chèques, releva Allan avec un air surpris.

Ce dernier mit tous les objets dans un sac hermétique, à l'abri de toute contamination.

Il n'osait pas pousser ses observations plus loin, de peur de bouleverser la disposition de corps, ou de compromettre certaines preuves.
Il devrait attendre l'avis du médecin légiste.

L'enquêteur se leva, tout en sortant son téléphone de sa poche. Il contempla l'heure. Cela faisait maintenant treize minutes qu'il était parti dans son trou. Anna ne tarderait pas à envoyer des renforts au manoir.
Il composa le numéro du commissariat mais ne parvint pas à le joindre. Il ne devait pas traîner.

-Foutue couverture réseau ! cracha Allan, avant de se mettre en chemin.

Il décida de faire sa sortie par l'autre côté du tunnel secret.

-Et après tout, qu'ils viennent, j'ai besoin du Docteur Swan.

Il fit quelques pas, jusqu'à entrevoir les pieds d'une échelle.

-Malheureusement...

Allan gravit l'échelle, qui, cette fois encore, semblait avoir été utilisée récemment et parvint jusqu'à la lame de parquet, qui dissimulait ce passage aux yeux du monde.

Allan tendit les deux mains en avant et tenta une première offensive, pour le moins brutale.
Projeté en arrière par sa propre force, il manqua de perdre l'équilibre.
Le manque d'exercice se faisait sentir dans ses muscles.

Il se ressaisait à l'aide des barreaux et tenta un effort dans la durée.

-Promis, demain je me remets au sport !

La lumière chatouilla de nouveau son visage et Allan put entièrement émerger. Une fois-cela fait, il jeta un regard circulaire, dans le but de définir sa position.

-La chambre, constata-t-il.

La pièce était grande, et baignée d'une lumière agréable.
Allan comprit à quoi cela était dû : les rideaux étaient tirés, de sorte qu'ils n'obstruaient aucun rayon de soleil.

Tout était d'un ordre impeccable. Une porte ouvrait directement sur la chambre, dans le fond de la pièce. Allan fit quelques pas dans cette direction et put constater qu'il s'agissait d'une salle de bain.

Ce dernier fronça les sourcils, cherchant à aller plus loin. Cependant, il n'en eut guère le temps.
Des sirènes se firent entendre au loin, toutefois, elles semblaient se rapprocher de seconde en seconde.

Allan se maudit intérieurement, lui et son réseau, et partit à la rencontre des renforts.

Lorsqu'il traversa le couloir, il put remarquer que tous les suspects s'y trouvaient.

-Ils ont trouvé quelque chose tu crois ?

-Ils ne viennent quand même pas nous arrêter ?

-Lenoir a été retrouvé ?

-Je suis sûre qu'ils sont là pour la Pervenche !

Les voitures de police, sirènes en furie se stoppèrent devant l'entrée du manoir dans un dérapage voulu, attendu et contrôlé.
Allan choisit cet instant pour sortir sur le parvis, une main tendue devant lui.

-Tout va bien, en ce qui me concerne, mais je vais avoir besoin du Docteur Swan ! expliqua-t-il en élevant la voix pour que tous les policiers présents l'entendent.

L'un d'eux hocha la tête, avant d'annoncer qu'il allait la contacter.
Anna sortit de la voiture, une main plaquée sur la bouche.

-Oh mon dieu, commissaire Grumpy, je suis confuse.
Je n'ai pas eu de vos nouvelles pendant quinze minutes et vous aviez dit que si c'était le cas je devais prévenir des renforts ce que j'ai fait alors que vous allez bien ! Mais je suis contente que vous alliez bien ne vous y trompez pas mais maintenant le chef va croire que j'ai lancé une fausse alerte et...

-Vous avez fait du bon boulot, assura Grumpy en posant une main rassurante sur l'une de ses épaules.

Il se dirigea ensuite vers Stanley, jeune pistonné que son père avait nommé directeur en son absence.

-J'ai retrouvé le docteur Lenoir. Il a été assassiné. Je mène mon enquête pour trouver le coupable.

-Assassiné ! hurla Stanley en se prenant la tête dans les mains.

Le meurtre d'un bourgeois réputé, tel que Lenoir allait faire du bruit, sans aucun doute.

-Très bien, on va ramener les suspects au commissariat et on les...

-Non, on fait ça à ma façon, le coupa Allan.
Je veux que les suspects demeurent dans le salon sous haute surveillance. De toute évidence, ils y étaient déjà à mon arrivée, cette scène est déjà contaminée.

-Vous n'êtes pas habilité à prendre de telles...

-Je suis le seul commissaire dont vous disposiez et, actuellement, je suis bien meilleur que vous. Je crains que vous n'ayez pas tellement le choix.

Les mâchoires de Stanley se tendirent brusquement. Le jeune homme adressa un regard noir au détective qui se tenait devant lui. Celui-ci se serait certainement senti moins insulté si Allan l'avait frappé en plein visage.

Malheureusement, il devait se rendre à l'évidence, et surtout donner raison à Grumpy. Il prit une profonde inspiration et pointa Allan du doigt, comme son père l'aurait fait en une pareille occasion.

-Vous avez plutôt intérêt à me trouver le coupable.

-Je le ferai, assura le détective.

Après tout, il avait déjà quelques pistes.

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