Chapitre I

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Ce soir, le club est bondé, je suis très occupée entre prendre les commandes, les préparer, les servir... j'y suis non seulement habituée mais aussi j'ai appris à y prendre goût.

Cet endroit est ma deuxième maison, je le connais par cœur ! en partant des vestiaires à l'entrée, en passant par l'immense piste de danse, jusqu'au bar où je suis debout à longueur de soirée.

Le seul endroit où je ne m'aventure jamais c'est les toilettes. On y trouve de tout ! Des drogués, ceux qui ont trop bu et ont un besoin urgent de rendre, ceux qui n'ont vraiment aucune honte et, mes préférés, ceux qui ont juste une envie pressante.

Je sors rapidement de mes pensées. Ici, pas le temps de rêvasser ! les clients attendent... enfin... ils n'attendent pas plutôt ! vous avez le malheur de souffler deux secondes et ça y est ! les commandes s'accumulent, se mélangent, se renversent... plus rien ne va. Il faut toujours être full focus.

Je me reconcentre sur la boisson que je prépare jusqu'à ce qu'un homme, la petite vingtaine, se place au bout du bar et me fait de grands signes, je comprends alors qu'il a un problème. Je donne rapidement le verre à la personne qui l'a commandé avant d'aller vers lui.

- Oui ?

- Il y a deux mecs soûls qui se battent devant les toilettes !

- Je vais appeler la sécurité.

Ici, au mieux, on a une bagarre par nuit pour distraction. J'appelle rapidement un des videurs pour les faire sortir d'ici.

*

* *

Je quitte enfin le club et il doit être aux alentours de quatre heures du matin. Je resserre mon manteau contre moi, on est au mois de mars, il fait encore froid.

Je marche rapidement m'enfonçant dans la nuit noire en tentant de ne pas regarder dans les ruelles trop sombres ressemblant à des ténèbres des plus profondes.

Malheureusement, je n'ai pas résisté et j'ai jeté un regard vif dans cette obscurité, cela m'a suffi pour entrevoir un groupe de jeunes qui fument. Pourtant, on est en cours de semaine... que font-ils dehors à une heure pareille ?! je continue de marcher en laissant mes souvenirs vagabonder avec moi dans les rues désertes de ma pauvre petite ville.

S'ils savaient tout ce qu'ils perdent en négligeant leurs études... il n'y a qu'à me regarder. Il y a quelques années, moi aussi je sortais jusqu'à pas d'heures, je fumais, je n'en avais rien à faire de mon futur. J'avais tellement tort...

Une voiture passe près de moi à une vitesse folle, mon cœur rate un battement et je m'immobilise tentant de reprendre ma respiration.

J'avais une peur bleue des voitures... j'ai déjà conduit, j'ai mon permis, mais il y a deux ans mon fiancé est mort dans un accident de voiture, depuis, impossible d'entendre le ronronnement d'un moteur, le crissement de pneus, de toucher à un volant.

Rien que d'y penser... j'accélère encore mes pas. J'aimerais pouvoir dépasser cette peur, ne plus avoir à me forcer chaque fois de monter dans le bus. Je ne vais presque nulle part, à part à mon travail, et pour ça quinze minutes de marche ne me tueront pas !

Je passe au-dessus d'un pont et m'arrête un peu pour respirer l'air frais de la nuit. Je regarde l'eau comme hypnotisée par son écoulement aussi tranquille que ma vie.

Tout à coup, quelque chose semble flotter à la surface de ce miroir qui reflétait quelques secondes plus tôt ma pathétique existence. Maintenant, elle m'intrigue, que pouvait être cet objet ?!

La BarmaidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant