||L'épluchette||

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24 août

Mes parents ont invité les voisines à la maison ce soir. À une épluchette de blés d'indes plus précisément. J'aurais voulu leur crier que je ne voulais pas, qu'il ne fallait pas. Mais ils auraient voulu savoir pourquoi. Pourquoi je ne veux pas parler à Ode, pourquoi sa présence me rend nerveuse... Je n'aurais pas pu leur répondre. Alors elle et sa mère sont venues. Elle s'était coiffée. Et elle avait mis une jolie robe. Ce n'était plus les cheveux en bataille et les chemises que je lui connais. Mais c'était toujours Ode.

Elle m'a fait un sourire. Un beau sourire. Du genre qui donne envie d'en faire un en retour. Mais je n'ai rien pu laisser paraître. Je n'ai fait qu'un signe de la main. Poli. Sans plus. J'ai lu l'incompréhension dans son visage. Une boule s'est formée dans mon ventre.

Pendant qu'on épluchait les maïs, elle essayait d'attirer mon attention. Je le voyais bien. Mais j'évitais son regard. J'essayais de ne pas me soucier d'elle, de me concentrer sur autre chose. Je me disais qu'elle finirait peut-être par croire qu'elle avait imaginé ce clin d'œil. Peut-être qu'elle cesserait d'espérer et que j'aurais le cœur plus léger.

Elle est allée jouer avec Hugo. Ils ont au moins trois ans de différence, mais ils avaient l'air de si bien s'entendre. Ils ont fait des couronnes avec des feuilles, ils ont pataugé dans l'étang, ils se sont racontés des histoires, il lui a montré ses livres de super-héros et elle lui a fait un petit collage avec des fleurs. Je me sentais mal. J'aurais voulu m'amuser avec eux moi aussi. J'aurais voulu qu'elle me fasse un collage à moi aussi. Mais je ne pouvais pas.

J'ai continué de jouer l'indifférence durant toute la soirée. Ode est venue s'asseoir à côté de moi quand on mangeait dehors. J'ai fait semblant d'aller aux toilettes alors qu'en fait, je me suis passée de l'eau froide sur le visage. "Ressaisis-toi, Eurielle," me suis-je dit. Je ne devais pas faiblir, surtout pas devant mes parents. Je suis revenue et je suis allée m'asseoir avec ma mère. Il n'y avait pas de place de l'autre côté, alors j'étais sûre qu'Ode ne viendrait pas.

Oh, mais la tristesse et l'incompréhension dans ses yeux... Je me sens tellement mal. Pourquoi faut-il que ce soit si compliqué? Pourquoi faut-il que je garde mon véritable moi caché? La vie est bien trop dure.

-Eurielle

EurielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant