Famille

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P.O.V. : Shiroi :

On m'a souvent dit : « Shiroi, il fait beau dehors, vas donc t'amuser ! Trouves-toi des amies et joues avec elles ! »

Et moi, en souriant, je répondais inlassablement :

« Bien, j'irai dehors ! » Et je me levais de mon bureau, où j'étudiais régulièrement, ne me laissant aucun répit.

Je prenais mes cahiers, m'emparais de ma trousse, de mon chapeau de paille, et je sortais dehors.

Je m'exilais, dans les champs qui entouraient ma maison pour travailler.

Personne n'y venait jamais, en tout cas pas à l'endroit où je m'installais toujours. J'y veillais personnellement, guettant les bruits de la nature, chaque oiseau qui se mettait à siffler gaiement, chaque cigale qui chantait, chaque brindille qui craquait sous l'effet de la chaleur et même chaque mouette qui criait au loin, vers la mer, à quelques kilomètres de mon village.

Je revenais chez moi lorsque le soleil se couchait. Occasionnellement, vers dix-sept heures, au moment où le soleil se faisait moins accablant, la chaleur moins oppressante et l'air moins étouffant, je me levais, ramassais mes affaires et partait sur les sentiers rejoignant la mer.

Arrivée sur la plage, je trouvais un petit endroit pour m'asseoir et je contemplais la mer, un peu, pas trop. Une heure, peu être un peu plus, puis je m'esquivais comme j'étais venue, lorsque le soleil se couchait à l'horizon.

C'est ainsi que j'ai grandi, dans un village perdu au fin fond de la Bretagne, là où les couchers de soleil sont magnifiques...

Les années sont passées, mes parents croyaient sûrement que je voyais des amies mais je ne sortais dehors que pour sentir le vent caresser mon visage, les blés contre ma peau, entendre le bruissement des feuilles des arbres quand le vent se lève, le chant des oiseaux, la texture du sable sous mes pieds nus, percevoir les va-et-vient constants des vagues qui bruissent avec fureur et la magie des couleurs du soleil qui se couche.

P.O.V. : Kuroi :

Longtemps durant, mes parents m'ont répété : « Travailles Kuroi, penses à ton avenir, cesses de jouer à tous ces jeux vidéos stupides qui t'abîment le cerveau ! Si au moins tu avais quelques amis, peu être ne serais-tu pas désespérée et découragée au point de ne pas travailler, et de passer ton temps à jouer ! »

Je n'ai pas compté le nombre de fois où ma mère en a pleuré, où mon père a soufflé d'un air déprimé en pestant contre moi.

Je leur répondais sans cesse : « Ca n'a rien à voir... J'ai toujours été associable de toute manière. Et travailler, à quoi bon ? De toute façon il n'y a pas de travail pour les jeunes, et ceux qui font le plus d'études ont encore plus de mal à trouver un métier. A supposer que j'aie un métier un jour, je n'aurai bientôt plus de retraite, alors je la prends dès lors ! »

Bon sens de la répartie, n'est-ce pas ? Je m'en félicite quand même, comment peut-il rester des élèves qui travaillent après cela ? N'ai-je pas avancé suffisamment d'arguments ?

Bon, bref, pour les amis, j'ai cherché tout de même. Je préfère le dire, sinon vous penserez que cela me plaît de rester éternellement seule.

A la maternelle, j'ai essayé. J'ai échoué. Au collège j'ai retenté. Raté. Et au lycée, je me suis dit « Allez, vas parler aux gens, peu être que tu seras intégrée dans un groupe ? » Mais non, en général les gens se contentent de rire une ou deux fois à une de mes blagues, à me saluer parfois en me croisant. Et encore, je m'estime heureuse de cela. Je sais que je ne pourrai jamais obtenir mieux. Alors je fais l'idiote en classe, pour m'attirer quelques sourires, pour me faire croire que j'ai des amis, pour me persuader que je suis normale, pour réfuter les dires de mes parents.

ButterfliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant