Il se tenait devant moi, à quelques mètres seulement. Le soleil rendait à ses cheveux couleur de blé une teinte plutôt dorée tirant sur l'ambre. Le vent bruissait et les arbres ondulaient sous la douce brise estivale qu'offrait cette après-midi aux saveurs printanières.
Le jeune homme sourit, me lançant un regard amical et profond auquel je répondis avec peut-être un peu trop d'insistance.
Tout devint noir, et les images se teintèrent aussi de blanc. Où est-il, ce jeune homme qui a presque atteint l'âge adulte ? Un rire d'enfant parvint à mes oreilles tandis qu'un frisson parcourait ma colonne vertébrale. Je le revis enfant. Un regard émeraude dont les éclats projetaient leurs scintillations comme les étoiles le font dans le ciel.
Un sourire se dessina sur ses lèvres rouge sang dont l'éclat rubis était presque irréel. Un visage tellement bien dessiné : ses yeux bien ouverts, son nez fin mais décidé, les courbures que ses lèvres traçaient, presque féminines et ses pommettes fières. Ses cheveux, un peu trop longs caressaient par moments son front gracieux, agités par le vent comme l'herbe tendre des mois de mai.
Toujours, il venait à moi et nous nous amusions à courir à travers champs, trébuchant par endroits, salissant nos vêtements... Parfois, il arrivait que nous nous jetions dans le lac qui jouxtait ma maison. L'eau était claire mais fraîche. Le froid nous saisissait quelques instants, le temps nécessaire à notre accoutumance à ces eaux glaciales. Puis nous nous regardions, les joues un peu blêmes par endroits mais injectées de sang ça-et-là, la froideur contrôlant cela.
Je me souvenais de nombre de détails de nos nombreuses escapades tous les deux...
Mais un me revenait sans cesse ces derniers jours... 20 Juillet 2008. Il avait tout juste atteint treize ans. Il était jeune encore, tandis que j'avais eu seize ans la semaine passée. La fleur de la jeunesse semblait presque s'étioler en moi, transformant mon visage et mon corps. Je devenais bien plus adolescent que lui. L'enfance le berçait encore, ce bel enfant que le destin avait un jour placé sur mon chemin.
-Dis-moi... C'est mon anniversaire. Susurra t-il
-Oui ? répondis-je
-Il y a une chose que je souhaiterais... commença t-il en prenant cet air mystérieux qui avait le don d'attirer mon attention assez régulièrement.
Nous étions allongés sur l'herbe qui séchait de plus en plus sous le soleil brûlant de cette fin d'après-midi de juillet. Sur le dos, je roulais sur un flanc, afin de pouvoir poser sur lui mon regard dont l'azur se mêlait au ciel qui se reflétait dans son regard.
Sa peau opaline prenait une jolie teinte pêche sous le soleil.
J'attendis qu'il réponde enfin. L'impatience commençait à me gagner, et mon cœur s'agitait de façon assez désordonnée dans ma poitrine. C'est à cause du soleil... pensais-je pour me rassurer.
-J'ai une faveur à te demander. Lâcha t-il enfin.
Sa voix n'était que murmure, comme s'il craignait que quelqu'un ne l'entende bien que nous fussions loin de toute habitation, allongés en plein milieu d'un champ.
-Demande-moi. L'invitais-je, d'un ton qui apparaissait un peu troublé par sa démarche inhabituelle.
-J'y pense depuis longtemps. Mais j'ai peur...
Mon cœur se serra un instant. Qu'avait-il donc ? Lui qui était d'un naturel si jovial, si joyeux et rayonnant. Son visage s'était fermé d'un seul coup, se ridant un peu d'incompréhension. La tristesse se joignait aux profondeurs maritimes de ses yeux.
-De quoi as-tu peur ? Tu peux tout me dire, tu le sais pourtant... tentais-je de le rassurer.
Sa lèvre inférieure trembla légèrement.
-Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Je pensais t'en parler mais...
Sa voix se brisa, et l'enfant qu'il était encore me parut si troublé, si bouleversé que j'avançais une main vers ses cheveux. Je lui caressais doucement, mes doigts fins errant dans sa chevelure soyeuse qui les égarait. Il eût un léger frisson et je songeai que ce devait être le soleil. La chaleur si épaisse qui gorgeait l'atmosphère devenait trop intense.
-Je ne t'ai jamais vu ainsi... Dis-moi ce qui ne va pas, s'il-te-plaît... Le suppliais-je doucement.
Ses yeux vagues devinrent à nouveau vifs et il me regarda. Son expression me rendit interdit, silencieux. J'entrouvris la bouche pour parler mais ne dis rien, subjugué par l'ourlet de sa lèvre qui tremblait toujours et par son regard qui semblait me transpercer comme une lame. J'avais l'impression que mon corps tout entier était maintenu immobile par la puissance d'un seul regard.
-Promets-moi quelque chose d'abord... me demanda t-il. L'émotion rendait sa voix un peu plus aigüe et la faisait tressauter d'une manière assez peu commune.
-Oui. Ce que tu veux lâchais-je immédiatement.
-Promets-moi que notre amitié demeurera toujours...
Je clignais des yeux car les rayons du soleil m'aveuglaient à présent. Pourquoi me demandait-il cela. Il savait notre amitié éternelle, je ne comprenais plus rien.
Alors, docile, je répondis en posant ma voix pour prêter serment : -Je te jure que, quoi qu'il arrive, notre amitié demeurera.
Son visage s'adoucit au son de cette promesse et je continuais à caresser ses cheveux doucement.
-Tu peux tout me dire. Lui répétais-je.
Je l'avais toujours protégé car plus jeune que je ne l'étais.
Il inspira longuement, semblant à mi- lieu entre le rêve et la réalité. Il hésitait à reprendre la parole.
-Je t'admire tu sais... Tu as toujours été à mes côtés et je t'en remercie. Je ne me suis jamais autant amusé qu'avec toi.
En hochant doucement la tête, je lui souris avec tendresse.
-Je n'ai pourtant pas été honnête avec toi, malgré mon amitié. Poursuivit-il.
Je me tendis un peu, attendant la suite de ses révélations, légèrement interloqué.
-Pour moi, ce n'est pas de l'amitié... Quand tu me regardais, me souriais, me prenais dans tes bras... Je suis désolé... Sa voix se brisa car elle était chargée de sanglots qui menaçaient de le submerger telles les vagues d'une mer agitée emportant tout sur leur passage.
-...
Je ne pus répondre car, à la vérité, toutes ses paroles posaient nombre d'interrogations qui ne trouvaient pas réponse.
-Je suis amoureux de toi...
Un grand silence suivit sa déclaration, et le vent emporta ses sanglots en les mêlant au bruissement des feuilles des plus hautes branches du chêne qui trônait un peu plus loin.
Je restais muet un instant, perdu dans la confusion de cet aveu qui lui avait coûté.
Puis, reprenant un peu mes esprits, je tournais à nouveau la tête vers lui. La frayeur se lisait dans son regard tandis que les dernières larmes, comme des perles de cristal, se perdaient dans l'immensité du sol herbeux qui nous retenait.

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When dreams come true...
RomanceCette histoire est un one shot très très court que j'ai écrit un jour pour me distraire. Je préviens directement que c'est un yaoi mais il n'y a pas de scène "choquante", c'est plutôt soft (d'où le contenu pour adulte désactivé) , après si vous n'a...