2 | Donc elle s'appelle Ella

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J'ai volontairement échoué mon concours de médecine. Cela ne veut pas dire que j'aurais forcément réussi si ça n'avait pas été le cas, en fait je ne le saurais jamais. La pression qu'exerçaient mes parents sur moi m'était insupportable, insoutenable. Elle était telle que j'en suis arrivé à échoué volontairement un examen. J'ai ce débat avec André sans arrêt, et à chaque fois qu'on - qu'il - en parle, un froid est lancé sur nous. Mais cette fois, il est allé trop loin : non seulement il prend le parti de mes parents en soulignant qu'ils ont le droit de savoir, mais il m'insulte en expliquant que je suis incapable d'assumer mes choix. Depuis cette discussion il y a deux jours, nous ne nous adressons plus la parole. C'est pourquoi ce soir je cours seul.

Mes pas sont plus rapides que d'habitude, rythmés à la fois de la colère contre mes parents, de la colère contre André et de la colère contre moi-même. Au quart de mon trajet habituel, tout mon corps est déjà en sueur, mais je ne suis nullement essoufflé. Au contraire, je continue encore plus vite si bien qu'en moins de temps qu'il n'en faut j'ai déjà dépassé de loin notre parcours. À vrai dire, je ne sais pas où je vais, je n'en ai pas la moindre idée. Ce que je sais par contre c'est que je ne veux pas m'arrêter, je veux toucher les étoiles.

Au bout d'un moment, je ne reconnais même plus le coin dans lequel je suis. J'analyse la rue du regard afin de me situer, et je me percute sur quelque chose, manquant de tomber. Quand je lève les yeux, je me rends compte que ce quelque chose est en fait un quelqu'un : c'est la blonde aux yeux clairs, encore elle.

Elle se multiplie en excuse, ce que dans un premier temps je trouve presque adorable. Puis très vite je ressens de la pitié pour elle.

-         C'est bon, je la coupe. C'est ma faute je ne regardais pas où j'allais.

Elle me sourit puis je m'éclipse avant tout autre signe d'affection. Je fais demi-tour et je finis par retrouver ma route. Quand je rentre finalement à l'appartement, celui-ci est vide. Les baskets d'André ne sont pas où il les laisse d'habitude donc je comprends qu'il est allé courir après avoir fini de travailler.

Je prends une douche froide, puis je termine de travailler sur les dernières notions d'économie que l'on a étudié. Je finis par m'endormir à la fin d'une autre de ces journées instables.

C'est encore le réveil qui me réveille la journée suivante. J'espère vraiment que je vais finir par m'habituer à ce truc, sinon ça ne va pas marcher. Le silence règne dans l'appartement, ce qui témoigne de l'ambiance qu'il y a actuellement entre ses deux habitants. Je sais qu'André n'a définitivement pas voulu semer la zizanie entre nous, mais je lui ai déjà assez prévenu que je ne voulais pas parler de ça et il remet sans arrêt le sujet sur le tapis comme si finalement cette affaire le regardait plus que moi. Son intention est sans aucun doute de me faire aller mieux, mais ce n'est pas le cas. Je préfère certainement ne rien ressentir plutôt que de faire ressortir toutes mes émotions au grand jour en révélant tout à mes parents.

Et puis cela servirait à quoi ? Tout au long de mon enfance, j'ai vu les regards de déceptions que me jetaient mes parents, ceux qu'ils m'ont lancé quand ils ont appris mon échec ont été plus déstabilisant et plus déchirant que tous les autres. Je ne survivrai pas à d'autres de ces regards, surtout que ceux-ci seront pires. Que ressentir quand on apprend que son enfant a non seulement échoué ce pourquoi on l'avait préparé depuis son plus jeune âge, mais qu'en plus il l'a fait volontairement ? Non je ne dirai rien à mes parents, jamais. Et je voudrais que mon meilleur ami le comprenne, au lieu de jouer le super héros comme il le fait et comme il l'est toujours.

Après une douche rapide, je m'habille d'un jean et d'un t-shirt noir et vais dans la cuisine. Ça fait trois jours maintenant que ma tasse de café ne m'attend plus sur la table de la cuisine. Je m'en prépare alors un moi-même alors qu'André ne montre aucun signe de sa présence. Lorsque je regarde ma montre il est 7h45, je me force à boire rapidement, imaginant que mon colocataire va apparaître dans quelques secondes. Pourtant, ce n'est que 5 minutes après qu'il se manifeste.

IncertitudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant