L'ascenseur Émotions

Le jazz s'affiche

Je suis bassiste et dans mon milieu, on m'appelle Octavie. Espèce de mélange de mon prénom, Victoria et de ma passion pour la musique et le chant: octave. Grâce à mon talent, j'ai pu accéder aux meilleures salles de spectacles des Etats-Unis, aux plus beaux concerts. C'est d'ailleurs lors de mes passages dans ces soirées de groupe assez tournées vers l'argent et la gloire, que j'ai rencontré Nolan, un journaliste politique. Nolan est un être qui se veut parfait: il connaît tout, aime tout, comprend tout. De plus, il est beau. C'est pour cette unique raison au départ que j'ai fini dans son lit ce soir-là.

Lorsque je l'ai vu, il discutait économie avec un autre musicien. Je m'en suis approchée afin de pouvoir mieux écouter sa voix, pour admirer son profil de gueule d'ange: des yeux verts, une chevelure blonde parfaitement maîtrisée, une bouche à dévorer. Lui aussi m'a regardée, et souvent ses yeux finissaient dans mon décolleté. Rapidement, la plaisanterie mignonne s'est transformée en sous-entendus plus vulgaires qui n'ont fait que m'entraîner chez lui. Et le lendemain, il m'a dit de rester. Puis rapidement, je suis revenue et je suis restée les lendemains, avant de m'installer complètement dans son loft moderne et branché. Un lieu un peu trop moderne à mon goût d'ailleurs. Les cadres, les photos, inexistantes. Alors sans lui demander son avis, je lui ai amenée mes vieilleries et il n'a rien dit.

Au début, lui et moi c'était le paradis. Tous les soirs on faisait l'amour ensemble et je m'endormais contre lui. On l'a fait dans toutes les pièces de la maison. Comme tous les couples, on a quand même eu notre première dispute. Puis au fil du temps plusieurs et on a moins couché ensemble. Pourtant, on faisait plein d'autres choses. On est parti en Thaïlande, au Maroc, en Italie, aux Seychelles. On se tenait la main et on mangeait ou on voulait, on se baignait dans des criques, dans des plages magnifiques. On a rencontré plein de gens. On a failli se marier, on s'est fiancés au moins quatre fois. On a cru que j'étais enceinte, deux fois.

Puis il y a eu de grosses disputes. Lui s'est plongé dans son travail, m'a laissée. Il est parti sans moi pour quelques pays, pour des soirées, importantes. Sa promotion, immense, son implication plus poussée dans la politique l'ont amené à devenir incontournable, connu et adoré par une bonne partie du pays. Il s'est approché des plus grands. Et sans doute, il a prit la grosse tête. Moi, j'ai attaquer de nombreux nouveaux concerts, j'ai entamé un nouvel album. Je me suis fatiguée, j'ai arrêté, un mois, puis deux. Et Nolan voulait que je continue. Si lui était capable de supporter, moi aussi.

J'ai craqué, lui aussi, mais c'était de manière différente. J'ai bu, il a trompé. J'étais en déséquilibre, perdue, dans le fond. Il brillait et me montrait son écrasante gloire.

Mais tout est redevenu merveilleux: je ne buvais plus, j'ai sorti un nouvel album, je souriais, je sortais en soirée, avec lui. Le couple sublime que nous formions s'est reformé, il est sorti de sa crise. Lui m'offrait bijoux et vêtements, moi je lui donnais gloire et magnificence à son bras. Tout était rose.

Puis il y a eu l'accident. La moto, stupidement. Les freins qui ne répondent pas, le camion en face, la carrière et la vie brisée. Les pleurs d'une nation, la tristesse et le deuil d'une famille. Une erreur sommes toute stupide qui dirige un destin, déjà arrangé par certains.

Et moi?

Moi, je suis sortie de ma maison, les bracelets aux mains. La mine défaite mais l'âme en paix. Les journaux me photographiaient encore, prêts une nouvelle fois à raconter ma vie, elle qui leur appartient. Ils la guident aux yeux de tous par des rumeurs et des idées. N'importe qui peut tomber dans le panneau tant qu'elle leur semble plausible. Ils sont capables d'orienter pleinement une opinion sur n'importe qui grâce à des mots. Même vous.