(À écouter avec Shake it out-Glee Version)
Elle se trouvait conne, stupide, impuissante. L'amour rend vraiment aveugle. Quelques heures plus tôt, elle avait oublié à quel point l'homme qui partageait sa vie était une ordure.
En fait, ça faisait bien plus que quelques heures, mais elle ne voulait l'accepter que maintenant. Son monde était en train de s'effondrer, parce qu'elle prenait conscience du mal que Noah lui faisait. La réalité frappe plus fort qu'on ne le voudrait : elle s'était voilé la face depuis plusieurs mois. Elle arrivait enfin à le voir comme quelqu'un qui avait gâché sa vie. Les regrets commençaient à l'empêcher de respirer, les larmes montant aux yeux. Son image de l'amour était erronée, parce que la passion après tout c'est intense, impulsif. Mais au fond, elle savait que Noah ne l'aimait pas passionnément, elle. Il aimait passionnément la diriger et la posséder.
Et puis ce maudit dessin, cet abruti d'artiste, qui resurgissait dans son esprit à chaque fois qu'elle parcourait la pièce du regard.
Elle se trouvait sur le balcon, et ne cessait de rejouer la scène qui s'était déroulée quelques minutes auparavant, comme si cela pouvait changer quelque chose, comme si ça pouvait lui indiquer la marche à suivre. Parce qu'elle était lucide tout à coup, c'était l'occasion ou jamais d'enterrer cet enfer déguisé en paradis.
Il ouvre la porte avec la clé louée, et la pousse d'un coup de main avant que Loïs ne puisse entrer.
- Noah, qu'est-ce que t'as à la fin ! dit-elle en rentrant dans le salon.
- Tu me demandes à moi, ce que j'ai ? J'espère que tu te fiches de moi, lâche-t-il avec un rire sarcastique.
- Je suis désolée si j'ai fait quelque chose de mal, mais...
- Mais quoi ? Il hausse le ton. T'es désolée de jouer la salope tout le temps ? Il se rapproche d'elle d'un air dangereux et lui attrape l'avant-bras pour la plaquer contre le bar de la cuisine. Le dos de Loïs subit l'impact avec un bruit sourd. Tu crois que ça ne me fait pas chier que tu dragues tous les mecs que tu vois passer, hein. Il la gifle, assez fort pour qu'elle perde l'équilibre. Elle étouffe un gémissement de douleur mais il ne s'arrête pas. J'en ai marre de toi, poursuit-il en lui donnant un coup de pied dans l'abdomen puisqu'elle était à présent au sol. Les secondes paraissent durer des heures, pense-t-elle.
Comme elle peut, elle se défait de son emprise en baissant la tête, habituée, et rejoint le balcon, parce que se taire et fuir, c'est la meilleure solution dans ce genre de situation.
Mais elle doit agir, elle doit se battre. À quel moment de sa vie était-elle devenue si faible ? Vraiment, à 19 ans on rêve d'un bel avenir, pas de mourir sous les coups d'un petit-ami diablement beau mais terriblement impulsif.
« Loïs, il le sait aussi, tu mérites mieux. Il t'a ouvert les yeux. Tu ne dois pas vivre soumise à quelqu'un. Et s'il me rattrape ? Je ne cours pas assez vite. Mais si, j'étais championne d'athlétisme au lycée. Bon, tu vas attendre qu'il te jette par-dessus le balcon ? Mais si je m'en vais, ça sera la dernière fois que je le verrais, est-ce que je suis prête ? Arrête de te questionner, avec des si on mettrait Paris en bouteille. Là, je suis à Barcelone, je vais où après...il faut que je lui reprenne mon argent. Voilà, mon argent, une preuve de plus qu'il essaie de m'enfermer. Allez, s'il prend un couteau de cuisine, tu fais comme dans Raiponce et tu l'assommes avec la poêle. De toute façon ça ne peut pas être pire que maintenant, et avec l'adrénaline... Bon, à 3 je sors, et je montre que j'ai du caractère et un peu d'estime pour moi. En plus d'après les quiz Internet, je suis chez Gryffondor. Prouve-le. Respire un grand coup. 1. 2....3 »
Lorsqu'elle fait coulisser la baie vitrée sa vue est attirée par Noah qui s'est assis à table et commence d'un ton absolument calme :
- J'ai commandé des hamburgers, avec du bacon chérie.
Loïs il y a quelques secondes déterminée, est pétrifiée. Il recommence, encore. Il fait comme si rien ne s'était passé. Elle a envie de pleurer, mais elle ne peut pas se le permettre. Pas si elle veut s'affranchir.
- Je n'ai pas faim, refuse-t-elle d'une petite voix.
- Tu sais, j'ai toujours l'impression de pas te suffire. Il parle lentement. Je te promets que ça n'arrivera plus, je vais me contrôler, garder mon sang-froid.
Elle le regarde s'expliquer dans un mutisme implacable. En ce moment même, Loïs a des tas de réponses pertinentes, mais elle n'ouvre pas la bouche.
- Allez, assied toi, on est en vacances, il faut profiter de ce cadre merveilleux, continue-t-il, je t'en prie.
Elle lui tourne le dos, et à cause de tout ce que ça représente, jusqu'ici c'est la chose la plus dure qu'elle ait eu à faire.
- Où est-ce que tu vas ?
- Chercher ma valise, celle que je rêve de remplir depuis un bout de temps.
- Comment tu peux dire ça, murmure-t-il d'une voie tremblotante. Je t'aime voyons, tu ne peux pas me faire ça
Loïs regarde encore une fois le dessin, qui comme un soutien inconditionnel, lui donne la force inexplicable de continuer ce qu'elle vient de commencer. Elle commence à entasser les habits.
Noah balance le vase qu'il y avait sur la table et qui s'écrase avec fracas sur le carrelage tacheté de l'appartement.
- Alors quoi tu me quittes ? Hein ? Il entre dans une rage folle. Il frappe dans la porte de la salle de bain. Tu crois que tu mérites quelqu'un d'autre ? Tu crois que quelqu'un va t'aimer comme moi ? Loïs vient de boucler sa valise, les larmes coulent mais elle doit tenir bon. Réponds ! Qui va t'aimer maintenant ?
Elle le contemple depuis l'encadrement de la porte d'entrée, et imprime son visage une dernière fois. Loïs vient de réaliser qu'il ne va pas la frapper, il le sent, qu'elle part. Et même si il a des gros problèmes de violence, il n'a pas atteint le stade de la séquestration. Il va la laisser partir, il est émotionnellement fragile. Elle, elle est forte, elle a gagné. Les rôles sont inversés. Le goût de la victoire n'a jamais été aussi amer.
- Tu avais raison de te faire du souci, tu ne me suffis pas, assène-t-elle avec le peu d'assurance et d'aplomb qu'elle possède, avant de glisser le dessin plié en quatre dans la poche de sa veste en jean et de refermer la porte de l'appartement, comme un chapitre de sa vie. Vite, avant que le passé ne la rattrape.
And I'm damned if I do and I'm damned if I don't
So here's to drinks in the dark at the end of my road
And I'm ready to suffer and I'm ready to hope
It's a shot in the dark and right at my throat
Cause looking for heaven, for the devil in me
Looking for heaven, for the devil in me
Well what the hell I'm gonna let it happen to me
Shake it out, shake it out,
Shake it out, shake it out, ooh
Shake it out, shake it out,
Shake it out, shake it out, ooh
And it's hard to dance with a devil on your back
So shake him off, oh woah
ǩ\Y?S
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You Know Better
RomanceIl frappa dans la porte ce qui me fit sursauter. Et puis un silence s'installa, un peu trop lourd. Je restai tout de même les bras ballants devant cette maudite porte. Après ce qui parut une éternité je vis la serrure tourner et la porte rouge s'ent...