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Athena fulmine. La colère bouillonne en elle, prête à jaillir – à éclater, teintant les joues pâles de la jeune fille en rouge brique.

Ses yeux pers jettent des éclairs dans tout les recoins ; elle scrute au travers des barreaux en fer rouillés les imposants soldats s'amusant à faire des allés-retours devant sa cellule, histoire de surveiller les détenus, mais surtout pour leur mettre la pression et les narguer.

Athena frissonne de dégoût. Un désagréable goût amer habite sa bouche, un goût plus prononcé et plus pétillant que le sang. C'est le goût de la culpabilité, mélangé à celui de la rancune.
On l'a jeté au trou comme une malpropre. C'est normalement elle qui est censée emprisonner les délinquants. C'est normalement elle qui est censée être la chef.
Et elle n'est pas délinquante.
Ceux-là, ce sont ceux qui ont envahi avec cruauté et sans pitié son village.

Elle se mordille la lèvre inférieure, claire et desséchée, son pied droit tapant nerveusement le sol lorsqu'Athena s'arrête d'arpenter les deux mètres carrés qui lui servent de prison. Quelques touffes d'herbes sèches tapissent le parterre froid de la cellule, ainsi que de la terre auparavant accrochée aux bottes de la jeune femme.

— LAISSEZ MOI SORTIR ! hurle t-elle soudain, ne pouvant plus contrôler sa rage, agrippant les barreaux rongés et puants de la 'pièce' trop sombre.

Ils ne prêtent pas attention à elle. Les ravisseurs continuent à défiler sous ses yeux. Dans le couloir de sa prison. Ils lui donnent envie de vomir. Quels salopards.

Athena se laisse glisser dans un mouvement de vulnérabilité, d'impuissance, et s'affaisse sur le sol, face au mur de béton dépourvu de fenêtre. Elle souffle, n'ose se ressaisir.

— Pourquoi ? Pourquoi vous nous avez attaqué ? susurre t-elle, découragée.

— Pour toutes nos richesses, Madame, répond alors une voix tremblante provenant de derrière.

Athena sursaute, elle ne s'attendait pas à une réponse. Elle hausse la tête, la mine décomposée, se lève d'un bond, vacillante, puis se retourne.

Dans la cellule face à elle se trouve une silhouette meurtrie, recroquevillée sur le sol trop dur. De longs cheveux grisâtres coulent dans son dos, sur ses vêtements déchirés, et son visage ridé est humide de larmes.

La vieille femme esquisse un sourire forcé. Athena l'a déjà vu vendre quelque fruits et légumes au village.

Elle penche la tête sur le côté, faisant basculer ses épais cheveux bruns sur la gauche. Son cœur se serre.

Elle se maudit intérieurement.

Si seulement elle avait préparé les troupes plus tôt, le village de Jupiter aurait pu se défendre. C'est de sa faute si le peuple est maintenant sous les ordres d'un groupe ennemi. Athena n'a pas su endosser son rôle de Chef.

Mais c'était couru d'avance ; son père n'aurait jamais du lui donner sa place à la tête de la communauté.

Un esprit trop compétiteur, des sentiments trop incontrôlables. Athena n'est peut-être pas faite pour diriger.
A moins qu'il ne soit trop tôt ; elle n'a que dix-huit petites années...

— Pardon, je suis... j'aurais du prévoir ça...

— Vous ne pouviez pas, Madame, rassure la femme, épousant impeccablement la pénombre de sa cellule.

Athena baisse les yeux, honteuse. Elle va tout faire pour s'échapper et libérer son peuple.
Ses mains sont liées par une corde usée s'effritant. Avec un peu de chance elle réussirait à la couper. La volonté de se battre remonte en flèche chez elle.

— Pourquoi vous êtes là ? demande alors Athena d'une petite voix.

En attendant de trouver un plan, elle doit faire passer le temps.

— J'ai voulu défendre mon fils lorsque ces voyous ont voulu l'emmener faire je ne sais quoi, explique la veille femme lentement. Ils m'ont amenée ici. Et vous ?

Athena fait la grimace et saisit avec force les barreaux de la prison, frémissante de haine.

— C'est simple ; je suis la...chef. Mais je vais tout faire pour nous sortir de là, c'est mon devoir, promet la jeune fille.

— Vous avez du courage, et de l'espoir, ce dont on a besoin dans ce monde...

— Trêve de bavardage, crie tout à coup une voix gutturale, interrompant les belles paroles.

Un homme répugnant arrive à grands pas devant les deux cellules, ses énormes chaussures ressuant dans les lieux. Il est tatoué de partout, sûrement les symboles de son village, et une odeur de transpiration émane de lui.

Athena plisse les yeux. Il se poste devant elle et un sourire carnassier étire ses lèvres, dévoilant des dents noircies. Elle ferme violemment les poings, blanchissant ses jointures.

L'homme – ou la chose – attrape un trousseau de clefs – celui d'Athena, qui plus est – pendant à sa ceinture, à côté d'une épée tranchante dont les reflets argentés miroitent aux yeux d'Athena.

Cette dernière recule lorsqu'il enfonce l'une des clefs dans la serrure rouillée. Athena jette un coup d'œil fuyant derrière l'homme : la veille femme, son interlocutrice, lui adresse un regard compatissant mais craintif.

La jeune fille, dont les longs cheveux sombres retombent devant ses yeux, l'estomac noué, déglutit avec difficulté. La porte s'ouvre. En premier lieu, elle n'esquisse aucun mouvement.

Mais l'horrible garde se penche et lui attrape le bras avec violence.

Athena, qui a échappé un cri de surprise, est tirée de force par l'homme.
Elle serre les dents, encaisse, et avance le long du couloir plongé dans l'obscurité, aligné de cellules vides et délabrées pour la plupart.

Ils prennent à gauche, montent une volée de marches, pour pousser une porte battante et débaucher sur l'extérieur.

Athena veut mettre sa main en visière sous la vive lumière du Soleil automnal, cependant ses mains sont encore attachées. Il fait frais, mais sa colère lui procure une certaine chaleur.

Elle grogne, le bras toujours enserré par la poigne de fer de l'homme, qui doit faire trois têtes de plus qu'elle et dont la crinière noire s'emmêle.

Il l'emmène en direction de la place du village (la prison étant un endroit à l'écart) entourée d'arbres forestiers, et de baraquements en bois, en terre et en taule. Athena voit au loin plusieurs gardes observer les pauvres villageois s'atteler à la tâche en gloussant.

Ils ont l'air de vider une à une les habitations, extirpant nourritures, meubles et animaux, le tout en pleurant, ou en murmurant entre eux, n'osant pas se rebeller aux vues des armes de leurs assaillants.

La rage s'intensifie dangereusement chez Athena, à la limite de lui donner des vertiges. Elle s'en veut de ne pas avoir réagi à temps, autant qu'elle en veut aux pilleurs qui ont réduit les habitants du village de Jupiter en esclavage.

Elle doit agir.

— Toi, dit soudain l'homme en l'arrêtant, la pointant de son gros indexe.

Athena se raidit.

— Tu vas aider tes p'tits amis. Allez, continue à avancer.

Athena souffle pour se calmer, en vain...

"Tu n'as aucun plan, aucune aide, n'essaie rien, garde ton sang froid..." tente-elle de se convaincre.

Mais sa tendance à foncer tête baissée l'emporte, et Athena se voit bondir sur le garde incongru, malgré ses poignets attachés et sa peur grandissante.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 24, 2016 ⏰

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