Encore sonnée par cette intrigante entrevue, je me laisse balloter par le mouvement général sans vraiment savoir où je mets les pieds.
Le flot compact des étudiants qui se pressent me porte jusqu'au hall du Lycée, où la foule se presse sous un affichage composé d'une douzaine listes. En m'approchant davantage, je constate qu'il s'agit de la composition des classes de l'année. C'est étrange, le document me semble assez court...
Mes yeux glissent sur le panneau, avant de s'accrocher au nom de "Leroy, Alice". "Terminale Pique", indique la mention en gras plus haut.
"Pique" ? Original, comme nom de classe.
Mais à bien y regarder, le hall tout entier semble spécial. À présent que les étudiants se sont un peu plus écartés, je peux constater que des couleurs vives éclatent dans chaque recoin de l'espace, portées par les murs, le sol et même le mobilier. On dirait presque qu'un arc-en-ciel est venu exploser à l'intérieur.
Une rangée de casiers s'étire sur ma droite, et chaque élément est décoré d'une façon différente, comme s'il représentait l'âme même de son propriétaire. Je me demande si c'est là l'œuvre d'un éventuel club d'art ou d'un décorateur d'intérieur psychédélique. Qui que soit l'artiste, il a indéniablement privilégié l'aspect intérieur sur l'extérieur.
Tout d'un coup, ce Lycée ne me semble plus si banal. C'est bien l'impression qu'il donne de l'extérieur, mais entrez-y un instant et c'est un tout autre univers que vous découvrez. Comme quoi les apparences sont souvent trompeuses.
Je balaie encore un instant les listes du regard, au cas où j'ai raté une information. Je note ainsi la classe où je dois me rendre. Et soudain, alors que j'ai enfin une vue d'ensemble, je comprends pourquoi je les trouvais si pauvres : il n'y a que quatres groupes par niveau ! Carreau, Trèfle, Cœur et Pique, rien de plus. Ça fait quoi ? Douze classe en tout ? En plus, chacune ne comporte qu'une dizaine d'élèves, quand ce n'est pas moins ! Mais combien y a-t-il d'ados dans ce bahut ?! Est-ce qu'il y a tant d'écoles en Angleterre que chacune n'accueille que cent élèves ?
Pour exemple, en Terminale Pique, je ne compte que sept noms. Et pas banals, d'ailleurs, ces patronymes... Tiens, je vois Chelsea dans le lot ! Ça me fera au moins une personne avec qui discuter.
Après avoir récupéré toutes les informations dont j'avais besoin, je m'extirpe de la masse grouillante avec soulagement. Il faudrait vraiment que les établissements pensent à mieux répartir leurs listes, histoire d'éviter que leurs étudiants ne meurent asphyxiés dès le premier jour... et qu'ils soient plus clairs dans leurs indications, aussi. Parce que là, avec pour seule instruction "rendez-vous en salle quatorze" et sans même un plan, je vois mal comment je suis sensée me débrouiller. Me v'là bien.
- Oh non ! On est encore dans la même classe ?!
Mon attention est détournée de mes réflexions par cette exclamation que je perçois dans mon dos. En me retournant, je constate qu'elle émane d'un jeune homme roux aux airs ahuris, en pleine lamentation auprès d'une fille qui lui ressemble de façon troublante.
- Ah ah ! On dirait que tu va devoir me supporter une année de plus, petit frère, rit justement celle-ci.
- Arrête de m'appeler comme ça, proteste vivement le garçon. Tu n'a qu'une minute d'avance, ça ne te donne pas le droit de te prétendre plus âgée !
Des jumeaux. Ils sont attendrissants, ces deux-là ! Leur relation "je t'aime - moi non plus" m'évoque bien celle que j'entretenais avec Lucie quand nous étions toutes les deux au collège. Les frères et sœurs se disputent, bien sûr, mais ils s'aiment profondément et rien ne peut changer cela. C'est également l'exemple que donnent ces ados, qui s'éloignent tout de même bras-dessus bras-dessous en se charriant gentiment.
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Alice VS Joker
FanfictionSuite à la mutation de son père, Alice quitte sa France natale et s'installe à Londres avec sa famille. Une nouvelle vie s'annonce pour elle, et commence par une rentrée des classes prometteuse. Si le lycée Lewis Carroll ne paye pas de mine au premi...