Chapitre 12

412 24 0
                                    

La jeune fille ouvrit les yeux avec lenteur, surprise de ne pas se réveiller en face de son habituel papier peint taupe. Elle papillonna quelques secondes ses prunelles, le temps de s'habituer à la dure lumière de la salle dans laquelle elle se trouvait. Elle garda les yeux fermés un temps, laissant sa rétine se reposer quelques instants puis observa de nouveau la pièce dans laquelle elle était allongée. Une salle commune avec d'autres lits et seulement une personne endormie dans l'un d'eux.   L'adolescente se passa une main sur son visage et voulu se lever mais la douleur à sa hanche l'empêcha de faire le moindre mouvement. Elle se souvint à ce moment là des conditions dans lesquelles elle se trouvait dans cette chambre d'hôpital et soupira, laissant sa tête reposer avec lassitude contre son oreiller. C'est là qu'elle remarqua le bouquet de rose qu'on lui avait apporté et dont le doux parfum recouvrait l'air acide et désinfecté de l'hôpital. Elle s'empara des fleurs et trouva sur sa table de chevet une carte vierge, qu'elle ouvrit, découvrant une lettre à l'écriture ronde et régulière qui lui faisait penser par endroits à la sienne.       Emma,   Je ne sais pas vraiment par où commencer. J'ai pas l'habitude de m'exprimer par lettre, et de m'exprimer tout court. Je parle de sincérité là, en fait. Je sais pas trop comment ça fonctionne cette connerie. Alors je vais faire de mon mieux. Jeremy et moi n'avons jamais voulu que cette histoire aille si loin. Tu as encore beaucoup à apprendre de nous mais ne te fie pas à cette dernière impression. C'est con à dire mais je ne pourrais pas m'en remettre si tu partais et que tu sortais totalement de ma vie. J'ai jamais compris ces couples à la con qui parlent d'âme sœur et d'amour éternel. Wow putain je viens vraiment d'écrire ça ? Et bordel, j'ai même pas de blanco. Ne crois pas ce que tu lis, c'est mon côté romantique qui fait surface, suffit que j'écrive sincérité et je commence à écrire vraiment n'importe quoi. Bref. J'ai jamais compris ces gens qui ont absolument besoin de quelqu'un d'autre pour vivre, qui se sentent amputé d'un morceau d'eux même lorsque l'autre n'est pas là. Maintenant je comprends Emma. Et je supporterais pas que tu sortes définitivement de ma vie, je pense que je deviendrais fou. Et d'ailleurs, te rendre folle, te faire découvrir des nouvelles choses, te taquiner... ça me manquerait trop. Je suis égoïste ? Je sais. La meilleure solution serait que tu quittes le groupe, tu n'aurais pas de choix à faire et chacun continuerait de vivre sa vie. Mais je suis pas prêt à te laisser partir. Je ne veux pas que tu souffres. Je ne veux plus que tu pleures. Te voir souffrir c'est un sentiment horrible, ça me secoue et j'ai pas l'habitude de ressentir de la compassion pour les gens que j'aime. Enfin, que j'apprécie quoi. Je pense qu'une part de toi m'apprends à vivre ou du moins, m'apprends de nouvelles valeurs. Je dis pas que j'aime ça ! Mais je déteste pas non plus t'avoir à mes côtés.
Jeremy a sûrement déjà évoqué ce que je vais te demander, et j'insiste bien sur le fait que je te le demande.
 
Choisis.
 
Et ne revient que lorsque tu seras sûre de toi. On saura attendre.
Je t'embrasse,
  Lucas.  
 
 
La jeune fille reposa la lettre sur la table de chevet et se passa de nouveau les mains sur son visage. Le bout de ses doigts glacé était posé sur ses paupières closes, la fraîcheur lui faisait du bien car elle avait soudainement chaud. Mais elle ne put s'empêcher de sourire incontrôlablement. Cette lettre était la plus belle qu'elle n'ai jamais reçu. Elle toucha sa bouche en fronçant les sourcils, un sourire se dessinant à sa commissure. Elle avait sentit comme un voile, comme si les lèvres de Lucas avaient touchées les siennes durant son sommeil. Elle s'étira avec délice les bras, ses articulations craquant sans que ce soit prémédité. Puis, elle s'attacha les cheveux en un rapide chignon pour faire baisser sa température corporelle, laissant quelques mèches dépareillées lui tomber devant les yeux, donnant un air moins strict à sa coiffure. Elle huma de nouveau le parfum des fleurs, caressant les délicats pétales du bout des doigts.   « J'ai pas l'habitude de ressentir de la compassion pour les gens que j'aime. Enfin, que j'apprécie quoi. » « Je déteste pas non plus t'avoir à mes côtés. » « Je ne veux pas que tu souffres. Je ne veux plus que tu pleures. » « Mais je suis pas prêt à te laisser partir. » « J'insiste bien sur le fait que je te le demande... Choisis. »  
La bulle de douceur éclata avec son esprit pragmatique qui se réveilla. Choisir. Tout le monde n'avait que ce mot à la bouche depuis quelques temps et la belle commençait à se lasser de l'entendre sans arrêt. Choisir. Et si c'était impossible ? Et si le choix était qu'elle n'en avait pas ? Pourquoi le faire quand la situation convient au triangle ? Choisir. Elle devait être lucide, la situation était pitoyable. Et ça n'était pas réellement une option, mais une nécessité. Choisir. Mais elle devait prendre son temps. Et prendre tous les éléments en compte. Sa raison et son cœur... ou son cœur et sa raison ? C'était différent. La nuance chamboulait tout dans sa tête.
 
_ Vous avez reçu des fleurs ? l'interrompit le patient dans l'autre lit qui s'était également réveillée.
_ Oui. C'est moi qui vous ai réveillé ? _ Non, plus le brouhaha des infirmières en face. _ Vous ne pouvez pas vous rendormir ? _ À quoi bon ? Le réveil est prévu dans un une demi heure, aucun intérêt. _ Ce n'est pas votre première nuit ici, comprit Emma. _ Effectivement. Et ce n'est pas non plus la dernière.   La jeune fille fit un sourire poli et essaya de réfléchir de nouveau mais le regard fixe et intense de son partenaire l'en empêchait.   _ D'où viennent ces roses ? _ D'un marchand de fleur, répondit Emma, ironique. C'est un ami à moi qui les a apportées.

Already Torn [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant