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Après cette scène, je suis partie dans ma chambre. J'avais tant envie de pleurer. Je sais que ce n'est pas bien, que c'est grave et que je peux en mourir... Mais je n'arrive plus à m'en sortir. Cela fait maintenant trop de temps que je suis comme ça, je me suis habituée à ce mode de vie et je ne me vois plus vivre autrement. Dans un sens, c'est comme ça que j'ai réussi à gommer mes kilos en trop... Je ne suis plus la fille grosse à présent... Je suis un tas d'os. Mais je préfère être jugée parce que je suis trop maigre que l'inverse. J'aurai voulu avoir la force de maigrir sans faire toutes ces bêtises... Pourquoi ai-je commencé ? Pourquoi ai-je suivi son conseil ? Pourquoi je n'ai pas tout simplement... Commencer un sport ? Manger équilibré ? Non. Il a fallu que je me prive ce dont mon corps a le plus besoin... Je suis tellement partagée. Ce que je fais ce n'est pas bien, mais ça m'a permis de maigrir. Mais si j'avais fait quelque chose de bien, je serai encore la grosse de service. Rien que d'y penser me donne des maux de ventres. J'étais tellement laide.

Maintenant, je suis... Toujours laide mais mince. C'est déjà ça.

Externe.

Après ces pensées malheureuses, Mary partit se coucher. Il se faisait tard, et demain elle aurait encore une fois à affronter tous ces regards méchants. Même si à présent elle est au lycée, ce n'est pas pour autant que les mentalités ont évolués. Elle préférait ne pas y penser, alors elle s'enveloppa sous une couverture bien chaude et mit peu de temps à s'envoler dans un monde fait de rêve.

Pendant que la jolie blonde dormait, la nuit se faisait de plus en plus noir. Ce n'était pas très différent des couleurs de sa chambre.

Ses murs étaient habillés d'un noir, aussi sombre que le pelage d'un corbeau. Son sol, quand à lui, était vêtu d'un gris souris. Dans cette pièce se trouvait quelques meubles, dont un lit un bureau et une armoire. Tous dans des couleurs sombres.

Il faut dire que la chambre était à l'image de Mary. Sans vie, sans joie, sans couleur.

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Un bruit incessant et désagréable se dégageait dans la pièce. Un bruit à énerver les personnes les plus calmes. Le réveil.

Petit objet indiquant qu'il est l'heure de se lever, ce que fit Mary quelques minutes plus tard. Petit objet indiquant aussi le début d'une nouvelle journée, une journée sûrement mauvaise. Autant dire que ce n'est pas l'objet le plus envieux.

C'est avec un mal de dos important que la jeune fille se leva, difficilement et avec peine. Depuis quelques jours, elle avait cette horrible douleur dans le bas du dos.

Encore des cheveux sur l'oreiller. Il y en avait de plus en plus chaque jour... Cela commençait à l'inquiéter gravement. Elle savait ce qui en était la cause, mais elle refusait de l'avouer.

Puis... Encore ces craquements dérangeants émanant de ses pieds, de ses jambes, de ses mains...

Tous les matins la même chanson, le même réveil, mais de pire en pire.

C'était lassant. Mais c'était elle l'unique responsable. Elle ne pouvait s'en vouloir qu'à elle même. Quoi qu'il en soit, et comme d'habitude, elle passa par la salle de bain en prétextant à ses proches qu'elle avait trop mal au ventre pour manger ne serait-ce qu'une pomme. Ils la croyaient. Comme toujours. Personne ne trouvait ça bizarre, personne ne se rendait compte de ce qu'elle faisait subir à son pauvre corps et à sa pauvre tête.

Il faut dire que sa famille n'était pas vraiment soucieuse d'elle. Elle a toujours été comme le vilain petit canard. Pas forcément bonne élève, pas forcément jolie, pas forcément sportive, elle n'était pas ce que ses parents auraient voulu qu'elle soit. La conséquence en fut l'indifférence. L'indifférence total de son mal être pourtant bien visible, de sa maladie pourtant bien destructrice, et d'elle pourtant bien changé.

Mais ça ne tracassait plus Mary, elle avait compris que ça ne servait à rien d'attendre quoi que ce soit de leur part. De plus, elle peut maigrir sans que ça paraisse suspect et que ses proches lui remontent les bretelles.

Après le passage dans la salle de bain, elle se réfugia quelques instants dans sa chambre, pour préparer son sac et se préparer elle même à affronter tout le monde.

Après quelques minutes à se dépêcher de boucler son sac, son père cria d'une voix grave qu'il fallait y allait.

Elle ne le fit pas attendre et monta dans la voiture. Direction le lycée.

-T'as bien fait tes devoirs j'espère. Engagea Laurent, son père, d'une voix ferme et les yeux toujours rivés sur la route.

-Oui. Répondit Mary, franchement fatiguée d'entendre toujours cette même phrase tous les matins. Elle avait parfois l'impression de revivre la même journée indéfiniment.

-Tu sais, tu as les compétences de faire une phrase au lieu de me répondre un simple oui comme un robot. S'énerva son père, a qui il en fallait peu. Laurent était un homme nerveux, ayant reçu une éducation tellement autoritaire qu'il ne savait pas comment s'y prendre autrement. Pour lui c'était normal de pousser ses enfants à bout pour en tirer le meilleur d'eux-mêmes.

-Oui papa, j'ai bien fait mes devoirs. Dit Mary, en essayant de garder son calme. Il est vrai qu'entre elle et son père, ça n'a jamais été l'extase. Ils n'ont jamais été proches, ce que regrette fortement Mary. Tout ça à cause de l'éducation et du fait qu'elle ne soit pas une tête toujours première de la classe. Si cela était le cas, évidemment que ce serait autrement. Il n'y a qu'à voir son frère, Bastien, qui lui a toute l'attention et l'affection qu'il souhaite.

-C'est mieux. Mais bien faire ses devoirs ne suffit pas, tu devrais penser à ramener d'aussi bonnes notes que ton frère dans l'avenir. Ça commence à devenir agaçant que tu sois la seule de la famille à être aussi moyenne, c'est une honte pour des gens comme nous. Rétorqua son père, avec cette même voix ferme donneuse de leçon.

Mary en eut assez, alors elle ne répondit pas. Elle tourna la tête vers la fenêtre ouverte et noya ses peines dans le vent.

Toujours Bastien, Bastien, Bastien. Elle commençait à ne plus supporter ces discours moralisateurs. Pour avoir de bonnes notes, encore faudrait-elle qu'elle soit bien et heureuse. C'est difficile de se concentrer en cours, d'apprendre les leçons quand la seule chose qu'elle a en tête c'est son poids, son corps et sa santé. Comme si les notes étaient plus importantes que la santé. Telles étaient les pensées de Mary, qui empêchait tant bien que mal les larmes qui menaçaient de s'échapper.

Le reste du trajet se passa dans une ambiance pesante, du fait de la tension qu'il y avait entre elle et son père.

Mais heureusement, ou plutôt malheureusement, le trajet prit vite fin et se termina devant l'établissement scolaire de Mary. Elle essaya de voler quelques minutes au temps pour retarder ce moment éprouvant qu'elle vivait chaque début de journée. Bien sûr, cela n'était pas au goût de son père, et jamais elle ne réussissait à rester dans la voiture plus de deux minutes. Finalement, ça ne changeait rien mais ce n'était pas faute d'essayer.

La journée débute alors dans une atmosphère tendue, ce n'était pas différent de d'habitude. Mais le pire restait à venir.

Le pire, ce sont les autres.


 

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