Partie onze ~ Interrogatoire

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Installé dans une petite pièce à peine éclairée, ne possédant qu'une table faite de métal et une chaise inconfortable, Franck fixait le jeune policier debout face à lui. Son regard dévisageait cette figure enfantine, cette jeunesse apparente sous ses traits fins. L'homme devait avoir la vingtaine tout au plus, il ne semblait pas tout à fait à l'aise dans son costume de flic. Ce dernier était probablement nouveau dans le service, le bleu de la bande. Et Franck le rendait davantage nerveux en le toisant de la sorte.

Taylor rejoignit la salle d'interrogatoire quelques minutes plus tard, mais à son grand étonnement, son patron lui ordonna de rester à l'écart et d'approcher le suspect sous aucun prétexte. L'agent obéit, marmonnant un juron inaudible, puis s'immobilisa derrière la vitre donnant un droit de regard sur l'interrogatoire. Sa coéquipière, qui se trouvait à ses côtés, observait la scène en silence. Elle aussi avait eu ordre de ne pas entrer, sans doute parce qu'elle faisait équipe avec Taylor. Ou alors parce qu'il valait mieux que ce soit un homme qui s'entretienne avec ce genre de pourriture, car une femme pourrait l'amener à ressentir le besoin de dominer.

La mâchoire crispée, le policier foudroya le suspect du regard en écoutant attentivement sa version de l'histoire.

– Je suis le Commandant Marshall, commença le chef de la police. Et voici l'agent Lones, je suppose que vous savez pourquoi vous êtes ici, monsieur Standford.

Les lèvres de l'homme s'étirèrent sous un sourire mesquin. Il se laissa tomber contre le siège de la chaise tout en penchant la tête sur le côté.

– Parce que ma femme m'accuse d'être violent, répondit Franck de façon nonchalante.

Le commandant appuya ses poings sur la table et plongea son regard froid dans celui du suspect.

– Votre femme vous accuse de violences envers elle et votre fille, articula-t-il. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

À son tours, Franck se redressa pour dévisager le chef du service.

– Je n'ai pas frappé ma femme ! chuchota-t-il en insistant sur chaque mot.

Marshall fit un signe de tête vers Lones afin qu'il montre les photos. L'agent s'exécuta et étala les images qu'il avait sorties du dossier, sur la table. Le commandant d'une cinquantaine d'années pointa du doigt chacune des photos présentes devant l'intéressé.

– Nous avons la preuve que madame Heggins présente des traces de coups sur tout le corps, indiqua-t-il en haussant le ton. Sur le visage et la clavicule droite. Nous avons aussi relevé des marques sur ses poignets, comment expliquez-vous ça ?

À nouveau, Franck arbora un sourire insignifiant lorsqu'il observait les nombreuses images. L'instant d'après, il prit une expression beaucoup plus sérieuse. L'homme fixa les policiers, plissant légèrement les yeux.

– Vous n'avez pas la moindre idée de qui elle est réellement, rétorqua-t-il d'un ton étonnamment calme. Depuis des années, Anna souffre de troubles psychologiques. À maintes reprises, j'ai tenté de l'emmener voir un psychologue, mais elle a toujours refusé et je n'ai pas voulu la forcer.

– Des troubles ? Quels genres de troubles ? demanda Lones.

– Des troubles l'amenant à se détruire physiquement, répondit Franck avec tristesse. Je ne suis jamais arrivé à comprendre pourquoi elle faisait ça. Elle me disait qu'elle se sentait mal dans sa peau et qu'elle trouvait du réconfort dans la douleur qu'elle s'infligeait, comme si elle y ressentait du plaisir.

Le suspect grimaça en prononçant le dernier mot. Son regard avait changé, une étrange peine traversa ses iris foncés. Sa lèvre inférieure trembla tandis qu'il baissait le visage vers ses mains. Le commandant, lui, le regardait incrédule. L'homme n'était pas dupe. Presque trente années passées au sein de la police ainsi qu'un nombre incalculable d'interrogatoires, s'écoulaient derrière lui. Marshall était donc bien placé pour savoir quand un suspect se fichait de lui.

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