18 juin 2013
J'ouvris les yeux ; Le ciel avait exaucé ma prière.
J'étais en sueur, les draps fleuris de mon lit me collaient à la peau. Des vagues de chaleurs envahissait mon corps. Encore sous le choc, je me levais, massant mon crâne. J'ouvris le robinet, attendant que l'eau se rafraichisse ; j'en fis couler dans mon verre et me désaltérai. Je m'assis à la table et pris ma tête entre mes mains. Cela faisait maintenant 2 ans que ma sœur était morte dans un accident de voiture. D'après l'enquête, elle avait été percutée de plein fouet par un camion et le coup lui avait été fatal. Depuis que la police m'a appelé pour m'annoncer son décès, mes nuits ne sont remplis que d'accidents, de voitures et d'image de ma sœur.
De temps à autre, Joséphine-ou plutôt devrais-je dire son fantôme- venait me rendre visite et nous discutons de choses de la vie, inutiles et futiles.
Dans ma petite cabane de bord de mer, le silence régnait. Je me dirigeais vers la petite fenêtre de la cuisine, qui donnait sur la plage. Même l'océan, d'habitude déchainé, était calme. Les premières mouettes arrivaient, profitant de l'absence de vie pour se poser à terre. Seul un jogger courant sur le sable fin, vint habiller le paysage.
-Salut p'tite sœur !
Je me retournai brusquement ; c'était elle.
-Salut Jo. Tu es là depuis quand ?
Ma sœur se tenait assise en tailleur sur le plan de travail. Contrairement aux légendes qui disaient que les « fantômes » étaient très pales voir transparents, Joséphine ressemblait a tout être vivants. Toutes personnes se tenant là auraient pu croire à sa jumelle cachée ou qu'ils avaient tout simplement abusée sur la vodka ; mais moi j'avais l'habitude et je préférais la voir comme ça qu'avec un teint fantomatique.
-Environ cinq minutes, je t'observais, répondit-elle avec un sourire espiègle.
Elle sauta joyeusement par terre et s'assit à la petite table ronde ; je la rejoignis et m'assis en face d'elle.
-Jo ?
-Hum ?
-Es que je peux te poser une question perso' ?
-Je t'écoute, répondis-elle en croquant sauvagement dans une pomme.
Je me raclai la gorge ; je n'avais jamais osé poser de question sur son accident. Toujours sensible, c'était surtout moi que j'avais peur de blesser.
-Es que tu as souffert ?
Elle me fixa intensément avec ses grands yeux bleus. Avec ses longs cheveux blonds et lisses et son petit nez en trompette, elle était mon opposé. J'étais dotée d'une tignasse brune frisée, d'yeux verts en amende et d'un nez aplati. Quand nous étions petites, nous rêvions d'échanger nos corps. Je voulais son corps mince et fluide, elle voulait mes formes et mes rondeurs. J'aimais essayer ses robes aux couleurs vives, elle préférait mes chemises trop grandes et mes jeans évasés. Je voulais être elle, elle voulait être moi. Seulement elle était elle et j'étais moi. C'était Joséphine qui était morte. Pas Clémence.
-Oui et non, répondit-elle après un long moment d'hésitation.
Sa réponse ne me plaisait pas.
-Comment ça ?
Elle se servit un café dans sa tasse habituelle, m'en resservi, inspira un bon coup et expliqua :
-Non je n'ai pas souffert physiquement ; sur le coup, je n'ai pas compris ce qu'il m'arrivait. La voiture à dérapée puis, plus rien, un trou noir. Je me suis retrouvée dans un endroit très ensoleillé et frais. Je ne saurais pas te décrire le paysage. Je me souviens juste que c'était très coloré et que ça ressemblait fortement à la définition du paradis. Aussi loin que je me souvienne, j'étais toute seule dans cet endroit magnifique. Je sentais le vent caresser mon visage. Je me sentais vide, comme si toute émotions c'était envolé de moi. Et je crois que c'est à ce moment là que j'ai su.
-Su quoi ?
-Que j'étais morte. C'était si simple et si compliqué à la fois.
Pendant qu'elle racontait, je l'observais attentivement. Ses yeux laissaient deviner qu'elle choisissait chaque mot avec soins et que c'était difficile pour elle d'exprimer ce qu'elle avait vécu.
-Donc non je n'ai ressenti aucune douleur physique. Mais c'est en m'asseyant dans l'herbe et en réfléchissant à ce qu'il venait de ce passer que ma douleur psychologique à débutée. J'ai réalisé que je ne reverrais plus ce que j'aime et qui m'entouraient ; Toi, maman, Edouard, Sophia... Une sensation insupportable, un poids qui t'écrase la poitrine et qui t'empêche de respirer ; une brume qui pénètre dans ta tête et te retourne le cerveau.
Cette sensation, je la connaissais bien. Je l'avais ressenti 2 fois : une fois à la mort de mon père et l'autre évidement à la mort de Jo. Je comprenais alors, et ressentais tous ce qu'elle disait ; chaque mot avait un sens pour moi.
-J'ai alors mis ma tête entre mes jambes, poursuivit-elle, et j'ai pleuré. Je sentais que mes émotions que je croyais disparues, refaisaient surface. La mort ne me faisait pas peur. Ce qui m'inquiétait c'était comment vous alliez réagir. J'avais peur que vous ne passiez votre vie à regretter le passé et à vous torturer l'esprit, je savais que cela n'allait pas être facile pour vous mais j'espérais que vous ne sombriez pas, que vos nuits soient bercées par de doux souvenirs et non de regrets.
Voyant mes larmes couler, Joséphine me pris dans ses bras.
-Tu me manques Jo, lui dis-je en reniflant, j'aurais aimé passer plus de temps avec toi. Les balades avec ton mari et ta fille, les repas avec maman et papa, les soirées jeux avec nos amis, nos fous-rires sur ton lits lorsque j'avais 10 ans et toi 12, notre première virée en discothèque... Tu t'en souviens Jo ? Moi je dansais avec se type qui ne me voulait que dans son lit, toi tu faisais semblant de parler avec quelques filles du bar, mais en vérité, tu me surveillais car j'avais un peu trop bu. Quand le type a voulu me ramener chez lui, tu es tout de suite arrivée, tu la giflé, tu as pris mon bras que tu as entourée sur ton épaule et tu m'as ramené chez nous discrètement pour ne pas qu'on se prenne une raclée par papa. Tu t'en souviens Jo ?
Son regard bienveillant se plongea dans les miens, larmoyants.
- Tout ce que je voulais c'était ton bonheur, dis-je en me blottissant contre elle.
Elle me souri et me caressa tendrement les cheveux.
- Je suis heureuse quand toi tu l'es. Rien ne me fais plus plaisir de te savoir en sécurité et joyeuse. Et franchement je trouve ça dommage que tu gâche ta beautés et ta personnalité époustouflante dans des rencontres d'un soir.
- La dernière fois que j'ai été amoureuse, ça a duré 3 ans et il m'a trompé avec son ex-femme et s'est remis avec elle. Je ne veux plus souffrir à nouveau.
Toi tu as eu de la chance de trouver Edouard mais moi je n'ai pas trouvé l'homme de ma vie.
- PAS ENCORE, rectifia-t-elle, tu as encore le temps ma chérie. Mais mieux vaut attendre que de prendre le premier venu. J'ai rencontrée Edouard quand j'avais 20 ans ; je me suis mariée 5 ans après et nous avons eu Sophia il y a 8 ans. L'amour ne s'attend pas tu sais...
- L'amour..., soupirais-je, c'est trop compliqué pour moi ; je ne suis pas faîte pour ça. Mon seul et unique amour, c'est toi.
Elle resserra son étreinte. Son doux parfum de menthe fraiche et de pomme me rappelait notre enfance.
DRING !!!
La sonnette de l'entrée me fit sursauter.
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Ne me quitte pas
General FictionLa voiture roulait à 110km/h. Nous n'eûmes pas le temps d'apercevoir la camionnette blanche qui déboulait par la droite. Ma soeur est morte ce jour là, une partie de moi aussi.