Antonio Tome I L'Invasion

Chapitre 3 : Au milieu de la bataille

     En premier, je ne ressens rien, strictement rien. Je ne vois ni n'entends rien. Un sentiment encore jamais ressenti par l'homme est alors en moi. Serais-je devenu complètement fou ? Ou pire, mort ? Telle est la question qui revient sans cesse en mon esprit face à cela.

     Soudain, un flash illumine les lieux et m'éblouit. Je suis allongé sur l'herbe parsemée d'une fraîche rosée. Je me relève et reprend peu à peu mes esprits. Les événements, qui me paraissent si lointains, me reviennent. C'est un vrai cauchemar qui se réalise. Sans raison apparente, je suis épuisé. C'est alors que je prête un peu plus attention au paysage environnant :  un champ de bataille encore en action se trouve tout autour de moi. 

     Heureusement, Mike est là, sur ma gauche. Il dort paisiblement à un ou deux mètres de moi. Mais je me retourne et, surpris, remarque la présence de Peter, lui aussi dans un sommeil profond. J'en déduis donc que c'est lui qui me tenait près du miroir. D'ailleurs, j'observe que la toile est comme coupée au couteau à l'arrière d'une de ses chaussures. Cela est sans doute causé par la fermeture du vortex. Le morceau doit être resté à Ewhurst ! Un peu plus loin derrière, le miroir est adossé à un unique arbre dont je ne reconnais pas l'espèce. Il est fait d'un bois d'une couleur pareille à l'acier et dont l'écorce semble parfaitement lisse. L'arbre est totalement exempt de fruits et de fleurs. Il est remarquablement grand et sûrement multicentenaire.  

     Je ne sais pas du tout ni où ni quand nous sommes. C'est donc bien un portail, mais est-il temporel ou sert-il pour se téléporter dans l'espace ? Telle est la question qui me taraude en ce moment. Mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir. Il faut absolument partir d'ici, même si les combattants semblent ne pas se rapprocher de l'arbre.  

     "Mike ! Peter ! Réveillez-vous ! m'exclamé-je en les secouant. On est en plein milieu d'un champ de bataille ! Allons-nous en au plus vite !

     — Hum... proteste mon frère dans un demi-sommeil.

     — Réveillez-vous ! hurlé-je en tentant de plus belle.

     — Hein, quoi ? questionne mon meilleur ami, enfin conscient. Qu'est-ce qui s'est passé ? Ah oui, c'est vrai, il y avait une porte cachée et le miroir au fond du couloir m'a je ne sais comment absorbé, puis je ne me souviens plus de rien. Où est-ce qu'on est ? 

     — Ah, si seulement j'avais la réponse, Mike ! Je t'ai entendu crier, et j'ai vu l'ouverture dans le mur. Je suis allé au fond également et j'ai décidé de venir à ton secours en traversant le portail.

     — Quel portail ? s'étonne-t-il.

     — Je pense que le miroir est un portail temporel ou un outil de téléportation. Si tu regardes leurs armes, ce sont des lances et des haches ; ils se défendent avec des sortes de boucliers. Ce ne sont pas des armes modernes. Nous sommes peut-être dans un pays pauvre et à l'écart du progrès ou au Moyen Âge. Le miroir nous a amenés là, sinon je n'en sais pas plus que toi. Mais faisons une chose à la fois. Je propose que l'on réveille d'abord mon frère...

     — Peter est là aussi ? 

     — Oui, regarde derrière nous. Il a dû voir également la porte, supposé-je, que j'avais oublié de refermer et il a essayé de me retenir au dernier moment. Le portail l'a emporté. Je ne vois pas d'autre explication possible. Donc, je disais, nous le réveillons, puis, regarde ce champ de bataille,  on s'en va rapidement.  

     — Mais tu es fou ! On risque de mourir !

     — Je sais bien, riposté-je, mais si on attend là, les soldats peuvent se rapprocher de nous et nous décimer. Même s'ils ne nous voient pas, la bataille peut durer plusieurs semaines et, sans boire ni manger, nous risquons encore plus que si l'on s'enfuit en traversant le champ de bataille. À moins que tu aies bien sûr une meilleure solution. Et puis, moi, j'étais prévenu.