chapitre 2

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Je me réveillai à 5h le lendemain matin. Au dehors des oiseaux chantaient. Le jour entrait déjà par la fenêtre qui donnait désormais sur un magnifique jardin, boisé et enfleureillé à souhait. Quel changement par rapport à la veille. Au loin le soleil se levait. Je constatait donc avec plaisir que ma chambre donnait au sud est. En regardant ma montre, je me rappelais soudain que j'étais attendue en bas peu de temps après. Je me préparai donc. En pensant à ce rendez vous, mes angoisses ressurgirent. Mais le jour m'avais apporté une dose supplémentaire de courage et le repos m'avait rendue plus sereine. Quand il fut presque l'heure dite, je baissai la poignée de la porte. A ma grande surprise elle s'ouvrit en grinçant légèrement. Je sortis dans le couloir qui demeurait assez sombre, descendis l'escalier et identifiai sans problème la pièce en question. Des voix s'échappaient par la porte entrebaillée. Je la poussais le plus silencieusement possible. La salle était grande et lumineuse. Une majestueuse table se tenait en son centre. Sur le côté droit, entre une cheminée et une fenêtre, était un petit salon , avec un canapé, des fauteuils et une autre petite table basse. Ma guide de la veille y était assise. En face d'elle, une autre femme, plus jeune, couverte de tâches de rousseurs me sourit. Réconfortée je m'avançai. Blanche se leva et vint à ma rencontre. Derrière elle, par la fenêtre, j'apercevais le parc, lumineux et accueillant. La gouvernante m'entraîna rapidement dans une visite des lieux, après m'avoir saluée et avoir pris de mes nouvelles. J'appris que la jeune femme avec qui elle se trouvait se prénommait Suzanne, qu'elle était la cuisinière du manoir et qu'elle était très discrète et timide. Nous commençames par le jardin. Le parc était très grand, aussi, la gouvernante decreta que les enfants me le montreraient plus en détail car elle se trouvait trop vieille pour ce genre de cavale. Nous fîmes tout de même le tout de la maison et je m'émerveillai devant la terrasse et le plan d'eau que je distingais au loin. Le manoir était bien moins sinistre que la veille au soir. Je l'avais vu délabré mais il ne l'était finalement que peu. La maison était très vieille, mais elle en restait tout à fait habitable. J'étais sous le charme. Nous rentrames à l'intérieur.  Le rez de chaussé se composait de la grande salle à manger que j'avais déjà aperçue, d'un vestiaire, d'une cuisine, d'un bureau particulier qui serait le mien, d'un salon de musique et d'une salle d'étude pour les enfants. Au premier étage je découvris à côté de ma chambre une charmante salle de bains équipée à la dernière mode, une salle de jeu, une chambre d'amis, un autre salon beaucoup plus agréable, et plusieurs grands placards de rangements. S'y trouvait aussi la chambre des enfants. Au deuxième étage, de part et d'autre d'un grand corridor, se répartissaient les chambres des domestiques, une autre salle de bain beaucoup plus simple et deux grandes pièces servant de débarras. Un autre escalier, bien plus fin et discret mais tout aussi élégant montait encore à un troisième étage, entièrement aménagé en grenier aujourd'hui mais qui avait été auparavant une grande suite où logeaient les gens importants. Curieuse, je montai tandis que ma guide m'attendait au pied de l'escalier. Je poussai la porte. Elle s'ouvrit dans un grincement. Je me trouvai face à un grand lit double qui avait sans doute été rouge avant que la poussière ne s'installe sur le couvre lit, comme partout dans la pièce. L'endroit avait sans doute été magnifique dans le passé mais l'atmosphère y était aujourd'hui lugubre et sinistre. La faible lumière grise provenait des deux fenêtres de toit encadrant le lit. Je m'assis une seconde sur l'edredon poussiéreux et constatai avec un sourire amusé que mes pas laissaient des empreintes sur la poussière du sol aussi nettes que si j'avais marché dans de la neige.Mon sourire se transforma cependant en effroi lorsque mon regard tomba sur les mêmes traces de pas de l'autre côté du lit. Ce n'étaient pas mes traces. Je frissonai et me levai. A pas de loup, je suivis les empreintes et poussai une porte jaunie. De l'autre côté, les marques de pieds continuaient sur quelques mètres puis s'arrêtaient net au beau milieu de la pièce. Je levai le nez. Au dessus de la dernière trace était une fenêtre ronde, découpée dans le plafond. J'étais arrivée dans une salle de bain très ancienne et très effrayante. Un vieux linge trempait encore dans une antique baignoire pleine de pluie. Une odeur nauséabonde flottait dans l'air. Un mélange d'eau croupie, de poussière et de renfermé. Soudain je sentis une présence derrière moi. Quelque chose se tenait,  menaçant, juste derrière moi. Je me retournai en sursaut et hurlai ma peur. Puis je découvris avec soulagement Blanche. Elle était venu voir si tout allait bien pour moi car je tardais à redescendre et je ne l'avais pas entendu monter. Ma frayeur me fit oublier les étranges traces de pas et je redescendis bien vite avec la gouvernante. Celle ci referma la porte à clef et m'entraîna à l'opposé, à l'autre bout de corridor et, après avoir escaladé les barreaux d'une échelle, nous arrivâmes au sommet de la tour du manoir. C'était une charmante pièce ronde. L'ambiance y était magique. Le sol et les murs étaient de pierre, recouverts par endroits de lierre. De larges fenêtres étaient percées à intervalle régulier et l'on dominait tout le parc. Des roses étaient plantées le long des murs et des oiseaux se reposaient sur les rebords des fenêtres. Je me précipitai au balcon et j'admirai la vue magnifique. De petits bancs en pierre étaient situés sous les fenêtres et Blanche m'expliqua que l'aînée des enfants aimait beaucoup y venir pour lire. J'étais enchantée et c'est à regret mais le sourire aux lèvres que je redescendis l'échelle quelques minutes plus tard. Il était 8 heure. La gouvernante m'informa qu'il était l'heure de réveiller les enfants. Je l'accompagnai mais restai dans l'embrasure de la porte de leur chambre. Blanche ouvrit les volets puis appela les deux petites filles. Elle me demanda d'aller chercher Suzanne pour lui demander de préparer le petit déjeuner. Je me rendis compte alors que je mourrais de faim. Je trouvai facilement la cuisinière et lui transmis ma requête. Celle ci acquiesça et m'indiqua la salle à manger. J'allai donc m'assoir à table et j'attendis. Peu de temps après, la porte s'ouvrit. Deux petites filles entrèrent, suivies de Blanche. Celle ci me présenta aux enfants puis, s'adressant à moi, me designa Perrine, l'aînée, âgée de neuf ans, et Alix, la plus jeune qui en avait six. La grande avait de longs cheveux blonds-roux bouclés, elle paraissait sage et calme. Ses yeux bleus tombant exprimaient toute sa douceur et sa gentillesse. De fines tâches de rousseur habillaient son nez retroussé. Un mince sourire timide complétait son beau visage. Elle portait une jolie robe rose pâle, attachée à la taille par un noeud fushia. La plus petite portait une robe bleu clair, coupée comme celle de sa soeur et retenue par un joli noeud vert. Ses cheveux étaient coupés courts, elle les portaient au menton, lisses et bruns, retenus sur le côté par un autre petit noeud assorti à la robe. L'enfant avait du mal à tenir en place. Elle paraissait vive et son menton pointu fièrement relevé lui donnait un air sournois. Ses yeux noisettes semblaient quand à eux finement observateurs. Instinctivement, je sentais que je devais me méfier de cette petite fille. Elle semblait avoir plus d'un tour dans son sac. D'ailleurs, la première question tomba assez rapidement. "Pourquoi t'es là ? ". Blanche réagit avant moi : " Alix ! Tu dois vouvoyer mademoiselle Finnigan ! Qu'est ce que c'est que ces manières?  Comment avez vous été élevée jeune fille ? ! Ne posez pas de questions! ".
J'intervins : "Laissez les poser leurs questions, c'est ainsi qu'elles apprendront la vie! Sentant le regard furieux de la gouvernante, j'ajoutai , Mais il est vrai que vous devez vous exprimer avec respect en toute occasion."
Je leur expliquai que j'étais institutrice et que j'allais leur donner la classe tous les jours, trois heures le matin et deux l'après midi,  sauf le dimanche. J'ajoutai avec un sourire que le reste du temps nous pourrions jouer ensemble et nous amuser. Les petites filles vinrent s'assoir à côté de moi à table. Nous mangeames en discutant gaiement. En m'opposant à leur stricte gouvernante, j'avais gagné la confiance des filles. Nous convinmes ensemble qu'elles me montreraient le parc avant le déjeuner et que nous passerions l'après midi à s'amuser ensemble. Nous ne commencerions la classe que le lendemain. Cette proposition remporta l'unanimité. La journée se passa tranquillement, je commençais à apprivoiser ce nouveau cadre de vie. Les enfants étaient adorables. Blanche de montrait cordiale et rassurante. Les autres domestiques de la maison me furent présentés dans les jours suivants. Je connaissais déjà Suzanne, la cuisinière, mais je rencontrai également Joseph, le jardinier taciturne qui était venu me chercher à la gare, Simone, la femme de ménage du manoir, mariée à Joseph depuis 35 ans et Luciole, son chat. Je me posais beaucoup de questions sur les parents des deux enfants mais n'osais rien demander. Par chance, Blanche vint m'expliquer quelques jours plus tard l'histoire des deux petites. Le père travaillait en Amérique depuis 5 ans et envoyait régulièrement de l'argent à ses filles, argent géré par Blanche jusqu'à la majorité de Perrine. La mère avait disparu des années auparavant. Je me demandais ce que signifiait "disparu" pour Blanche, la mère était elle morte? Était elle partie? Mais comme à mon habitude, je ne posai aucune question. J'avais commencé la classe avec mes deux petites. Perrine se montrait raisonnable, sage et appliquée. Alix posait plus de problèmes pour se mettre au travail mais elle était intelligente et apprenait vite. Bientôt, elle su réciter l'alphabet et lire et écrire plusieurs mots. Quand à moi j'étais ravie. Je ne pouvais espérer travail plus agréable. Les jours se suivaient et se ressemblaient, sans pour autant que je m'ennuyasse, notamment grâce à Alix. En effet, le côté malicieux et espiègle que je lui avais deviné au premier jour se révéla nettement dans les nombreux tours qu'elle aimait jouer à toute la maisonnée. En effet, dès le deuxième jour je dû subir les facéties de la petite fille. Au petit déjeuner déjà, elle avait échangé dans leurs bocaux le sucre et le sel. Je me retrouvai donc à engloutir avec appétit une bouchée de yaourt salé avant de grimacer de dégoût. Perrine quand à elle goûtait un oeuf au plat sucré. Alix gloussait de rire de l'autre côté de la table. Quelques jours plus tard, quand je voulus aller me coucher, mon édredon avait disparu. Un jour encore, Simone dut nettoyer l'escalier sur lequel Alix avait étalé du savon... Toutes ces petites farces me faisaient rire mais enervaient beaucoup Blanche, qui disputait Alix à chaque fois à grands cris. Je l'entendais souvent pester à l'autre bout de la maison après un nouveau tour dont elle venait d'être victime.

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